Il fut un temps où les leaders d’opinion occidentaux étaient à la fois impressionnés et effrayés par les taux de croissance extraordinaires réalisés par un petit groupe de pays orientaux nettement plus pauvres et plus petits que leurs homologues occidentaux. Cependant, la vitesse à laquelle ils sont passés du statut de société paysanne au statut de géant industriel, leur capacité à afficher régulièrement des taux de croissance plusieurs fois supérieurs à ceux des pays développés, et leur aptitude à rivaliser avec la technologie américaine et européenne dans certains domaines, voire à la dépasser, semblaient remettre en question la dominance de la puissance, mais aussi de l’idéologie occidentale. Les dirigeants de ces pays ne partageaient pas notre foi dans l’économie de marché et les libertés civiles illimitées. Ils affirmaient la supériorité de leur système avec un aplomb grandissant : les sociétés acceptant des régimes forts, voire autoritaires, et désireuses de limiter les libertés individuelles dans l’intérêt commun, de prendre en main l’économie, et de sacrifier les intérêts des consommateurs à court terme pour le bien de la croissance à long terme finiraient par surpasser les sociétés occidentales de plus en plus chaotiques. Une minorité croissante d’intellectuels occidentaux se rangeait à cet avis.
Le fossé entre les performances économiques de l’Ouest et de l’Est est devenu un enjeu politique. Les Démocrates ont réinvesti la Maison Blanche sous la direction d’un nouveau président jeune et énergique qui s’est engagé à “faire bouger le pays”. Cette promesse traduisait, pour lui et ses plus proches conseillers, la nécessité d’accélérer la croissance économique de l’Amérique afin de relever le défi posé par les pays orientaux.
Ce passage constitue l’introduction d’un article très agréable à lire et particulièrement influent intitulé « le Mythe du miracle asiatique » (The Myth of Asia’s Miracle) paru en 1994. La période concernée correspond au début des années 1960, le président dynamique est John F. Kennedy (lisez Bill Clinton), et les pays orientaux à croissance rapide désignent l’Union soviétique et ses pays satellites (comprenez l’Est de l’Asie). L’auteur Paul Krugman pointe l’euphorie générale qui prévalait alors à l’égard de l’Asie Orientale en établissant des parallèles troublants entre la croissance exponentielle, mais insoutenable, des Tigres asiatiques, et les taux de croissance apparemment miraculeux affichés autrefois par une Union soviétique devenue obsolète. L’article de Krugman a suscité un vif intérêt à l’époque (à plus forte raison après la crise asiatique de 1997), et a réussi à recentrer l’attention sur le concept de productivité. Peu importe le taux de croissance, c’est la manière d’y parvenir qui compte.
Afin d’expliquer ce concept et de le résumer rapidement, considérons le moteur effectif de la croissance économique. D’après l’analyse des facteurs de croissance, la hausse du PIB par habitant provient de deux sources principales : les facteurs de production et la productivité. Les « facteurs de production » peuvent se répartir entre main-d’œuvre (ex : croissance de l’emploi) et capital (ex : accumulation de biens d’équipement physiques, tels que les machines et les bâtiments). Toutefois, la croissance économique par habitant soutenue à long terme ne procède pas de l’augmentation des facteurs de production, mais de la hausse de la productivité, dont le moteur principal est l’évolution technologique. Le Prix Nobel Robert Solow a démontré dans son article décisif de 1956 que les progrès technologiques représentaient 80% de la croissance par habitant aux Etats-Unis entre 1909 et 1949, même si des études plus récentes ont avancé un chiffre plutôt de l’ordre de 45 à 55%, lequel reste tout de même particulièrement élevé.
Krugman faisait référence à une étude antérieure qui montrait que la croissance rapide de l’Union soviétique n’était pas due aux gains de productivité. En effet, l’URSS était nettement moins performante que les Etats-Unis, et rien n’indiquait qu’elle allait rattraper son retard. La croissance soviétique était uniquement imputable aux « facteurs de production », et la croissance associée à ces intrants présentait des rendements en baisse (à savoir un nombre limité de travailleurs susceptibles d’être formés). La croissance de l’URSS était « fondée davantage sur la transpiration que sur l’inspiration ».
De même, la croissance rapide des Tigres asiatiques venait de leur capacité à mobiliser les ressources. On ne constate aucun gain important de productivité, ni aucun « miracle » : elle s’explique entièrement par l’explosion de la population active, la nette amélioration du système éducatif, et les investissements considérables dans le capital matériel (à Singapour, la part de l’investissement dans la production a bondi de 11% à plus de 40% à son maximum). Il s’agissait toutefois de changements ponctuels, non répétés.
Retour à la Chine du XXIème siècle
On a l’impression que l’envolée du taux de croissance de la Chine a toujours été tributaire des investissements massifs, mais ce n’est pas le cas. L’investissement, ou la formation de capital, a bien sûr constitué un moteur important, mais la Chine d’avant 2008 a réalisé des gains de productivité rapides grâce à la montée du secteur privé et au rattrapage technologique, alors que l’économie a peu à peu commencé à ouvrir ses frontières.
Dans le graphique ci-dessous, je me suis intéressé au montant des investissements des principaux pays du monde en pourcentage du PIB, et j’ai comparé ce chiffre au taux de croissance du PIB par habitant. Les pays présentant les taux d’investissement plus élevés tendent à afficher des taux de croissance du PIB supérieurs et vice versa. Cette déduction intuitive confirme les arguments évoqués ci-dessus. Depuis les années 1990, la plupart (mais non la totalité) des pays émergents/en développement se placent en haut à droite avec des taux d’investissement et de croissance supérieurs, et les pays plus développés se situent généralement en bas à gauche (taux d’investissement et de croissance moindres). A l’une des extrémités se trouve la Chine, où les investissements ont atteint en moyenne plus de 40% du PIB, et la croissance du PIB par habitant s’élève en moyenne au taux phénoménal de 9,5%. Le niveau du taux de croissance chinois nettement supérieur à la tendance illustrée par le graphique témoigne des gains de productivité réalisés en moyenne par le pays sur l’ensemble de la période. Le pays qui fait état du taux d’investissement le plus faible est le Royaume-Uni.
La Chine d’après 2008 est bien différente. La productivité et les performances semblent s’effondrer, et la croissance du PIB devient dangereusement dépendante des « facteurs de production », notamment des investissements massifs. Nous avons tous entendu les dirigeants chinois exprimer leur souhait d’un modèle de croissance plus viable, reposant sur un rééquilibrage de l’économie, moins dépendante des investissements et des exportations et davantage tournée vers la demande intérieure et les dépenses de consommation (ex : voir le 12ème plan quinquennal couvrant la période 2011-2015 ou la Troisième séance plénière du comité central du PCC). En pratique, nous avons plutôt régulièrement assisté à l’incapacité ou à la réticence du gouvernement chinois à mener des réformes substantielles. En lieu et place de réformes, l’Etat a financé toute une série de surinvestissements pour compenser les tassements de la croissance économique. (Dans son blog, Jim a récemment fait référence aux prévisions de Michael Pettis, selon lesquelles la croissance à long terme de la Chine pourrait tomber à 3-4%. Je partage totalement son opinion. Je vous invite à consulter également l’article If China’s economy rebalances and growth slows, as it really must, then who’s screwed? (Qui fait les frais du rééquilibrage et du ralentissement inévitables de la croissance en Chine ?) aux fins d’une analyse complémentaire des conséquences du ralentissement économique de la Chine.
En début de semaine, la baisse du taux de croissance du PIB chinois en 2013 à son plus bas niveau en 13 ans (7,7%) a été largement médiatisée. La publication hier des chiffres médiocres de l’indice PMI manufacturier semble confirmer ce tassement en 2014. Toutefois, la modification de la structure de la croissance chinoise est bien plus alarmante : l’an dernier, les investissements ont bondi de 48% du PIB chinois à plus de 54%, soit la plus forte augmentation depuis 1993.
Le graphique ci-dessous met en perspective les problèmes auxquels doit faire face la Chine. Comme nous l’avons vu auparavant, il existe une forte corrélation entre les taux d’investissement et le taux de croissance du PIB des différents pays. On note également une corrélation suffisante sur la durée entre le taux d’investissement d’un pays et son taux de croissance du PIB (l’expérience du Japon entre 1971 et 2011 en constitue un bon exemple, comme indiqué précédemment dans ce blog). Au fil du temps un pays évolue donc globalement entre la zone en bas à gauche et la zone en haut à droite du graphique, sa situation exacte étant déterminée par son modèle économique, son stade de développement et sa position au sein du cycle économique.
Il faut s’inquiéter lorsqu’un pays voit son taux d’investissement s’envoler sur plusieurs années et lorsque cette hausse s’accompagne d’une amélioration modeste, voire inexistante, de son taux de croissance du PIB : la série chronologique apparaîtrait sous forme d’une ligne horizontale dans le graphique ci-dessous. Cela tend à indiquer qu’une forte hausse des investissements est inefficace et que, dès lors qu’elle est associée à une bulle du crédit (comme c’est souvent le cas), elle devient porteuse de risques pour le secteur bancaire (par exemple, l’Irlande et la Croatie avant 2008, l’Indonésie avant 1997).
La situation est d’autant plus préoccupante lorsque l’envolée des investissements s’accompagne d’une diminution du taux de croissance du PIB. C’est le cas de la Chine, matérialisée par la flèche rouge.
La baisse du taux de croissance en Chine peut s’expliquer en partie par le recul de la productivité de la main-d’œuvre ; selon les estimations du groupe d’experts Conference Board, la productivité de la main-d’œuvre est passée de 8,8% en 2011 à 7,4% en 2012 et à 7,1% en 2013. Ce phénomène est sans doute imputable à la réduction considérable de l’exode rural (de moins en moins de travailleurs abandonnent l’agriculture à faible productivité en faveur de l’industrie plus performante) : la Chine est proche du tournant de Lewis ou l’a déjà atteint (pour plus d’informations, consultez China – much weaker long term growth prospects à partir de la page 4 de nos Perspectives de juillet 2012).
Toutefois, l’explication la plus probable de l’envolée des investissements en Chine associée à un déclin du taux de croissance est la baisse marquée de la productivité du capital dans le pays. Parmi les rares pays qui sont passés de la zone en haut à gauche du graphique à la zone en bas à droite figurent l’Union soviétique (1973-1989), l’Espagne (1997-2007), la Corée du Sud (1986-1996), la Thaïlande (1988-1996) et l’Islande (2004-2006). Il est inutile de préciser que ces bulles spéculatives se sont soldées par une débâcle. Face à l’érosion de la productivité de la main-d’œuvre, la Chine tente de s’attaquer aux taux de croissance du PIB excessivement élevés en provoquant la formation de bulles du crédit et de l’investissement de plus en plus grosses. Comme le FMI l’a brièvement exposé dans son Rapport sur la stabilité financière dans le monde d’octobre 2013, « maîtriser les risques qui pèsent sur le système financier chinois est une tâche aussi importante que délicate ». Le déséquilibre de l’économie chinoise augmente peu à peu, et on voit mal comment il pourrait se terminer autrement que par un désastre.
Après avoir vu le professeur Michael Pettis, l’un de mes économistes préférés, à deux reprises au cours des deux derniers mois, je me suis dit qu’il me fallait essayer de sensibiliser les lecteurs aux messages importants qu’il livre quant au devenir de l’économie chinoise. Si vous avez du temps, vous pouvez également consulter son blog en cliquant ici. Mis à part lors des dernières présentations qu’il a données, j’ai rencontré le professeur Pettis pour la première fois lors d’un séminaire organisé dans le cadre de l’Assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale qui s’est tenue à Tokyo en 2012. Nous étions réunis dans une salle bondée quand Pettis a annoncé une croissance chinoise moyenne de 4 % sur les dix prochaines années. Les rires ont fusé dans l’assemblée, certaines personnes allant même jusqu’à le traiter de fou en tournant leur doigt sur leur tempe. Plus d’un an après, cette vision du ralentissement de l’économie chinoise est plus proche du consensus – même s’il est encore rare de trouver des prévisions de PIB chinois officielles inférieures à 5 %, toutes échéances confondues. Michael Pettis s’en tient à une croissance chinoise future de 3-4 % en moyenne, tandis que, dans ses perspectives économiques mondiales, le FMI a revu ses prévisions de croissance à la baisse, mais seulement de 8,9 % à 8 %. Ce matin, la Chine a publié une croissance annuelle pour 2013 de 7,7 %, un chiffre en baisse pour la quatrième année consécutive (même les sceptiques pensent que les données sur la consommation d’électricité et le fret montrent que les prévisions de PIB officielles sont exagérées).
Le professeur Pettis part du principe que les modèles de croissance axés sur les investissements perdent de leur attrait à l’heure où les premiers bienfaits des dépenses d’infrastructure et de l’urbanisation/industrialisation s’étiolent et que les opportunités d’investissement rentables se raréfient. C’est d’autant plus le cas que ces investissements doivent être financés et que ce sont les ménages qui paient. Au Brésil, premier exemple de « miracle économique », les investissements ont été financés par un impôt sur le revenu élevé. En revanche, dans le modèle d’Asie orientale (et cela est vrai pour la phase de croissance japonaise qui a suivi la seconde guerre mondiale et pour la croissance chinoise actuelle), les charges qui pèsent sur les ménages ne se résument pas à l’impôt. Les trois méthodes secrètes pour doper la croissance des investissements aux dépens de la croissance de la consommation sont les suivantes :
- Un taux de change sous-évalué, qui favorise les sociétés exportatrices aux dépens de biens importés à des prix supérieurs pour les ménages.
- Une faible évolution des salaires par rapport à la croissance de la productivité, ce qui constitue une subvention pour les employeurs.
- Et surtout, une répression financière au titre de laquelle les économies des ménages sont confisquées, ce qui constitue de nouvelles subventions, notamment pour les entreprises publiques. Michael Pettis estime que les taux d’intérêt chinois ont parfois été inférieurs de 8-10 % à ce qu’ils auraient « dû » être.
Quand l’offre d’investissements rentables s’épuise, la dette augmente plus rapidement que la capacité à assurer le service de cette dette. Cela débouche sur une crise ou une stagnation de la dette similaire à celle que connait le Japon. Certains considèrent que 30 % des nouveaux prêts émis ne servent qu’à repousser l’échéance de la dette pour éviter un défaut, et que les prêts non productifs sont énormément sous-estimés dans les données officielles (inférieurs à 1 % selon la Commission de régulation bancaire chinoise). Dès lors, il convient de s’interroger sur la réforme promise lors du Troisième plénum. Le président Xi Jinping semble conscient des problèmes auxquels est confrontée l’économie et il juge nécessaire de procéder à un rééquilibrage en faveur de la consommation. Mais il a également évoqué publiquement les intérêts particuliers de la Chine. L’élite politique est directement intéressée aux projets d’infrastructure et aux entreprises publiques, ce qui risque de compromettre grandement la réforme. Les études menées sur les cas de développement économique réussi indiquent que les pays qui s’engagent dans une démocratisation rapide ou complète ou dans un processus de centralisation agressif s’en sortent mieux à long terme sur le plan économique. L’Argentine et la Russie font partie de ces pays qui n’engagent aucun des deux processus. Il reste à savoir si les intérêts particuliers de la Chine ne compromettront pas le succès de la réforme. Si c’est le cas, le pays pourrait continuer à générer une croissance annuelle de 7-8 % alimentée par la dette, mais le retour de bâton risque d’être d’autant plus violent (avec une croissance négative instable au lieu d’une croissance de 3-4 % concomitante à la mise en place progressive d’un modèle axé sur la consommation et non plus sur les investissements).
Le professeur Pettis estime qu’une véritable réforme impliquerait :
- Une baisse des investissements dans les entreprises publiques, les collectivités locales et le secteur immobilier ; des investissements accrus dans les PME.
- Une libéralisation des taux d’intérêt pour refléter les risques de prêts réels.
- Une réduction du ratio dette/PIB global de la Chine.
Vous pouvez lire le résumé de FT Alphaville sur le Troisième plénum ici. L’évolution vers ce que Michael Pettis considère comme nécessaire semble assez lente – même si les taux ont récemment augmenté sur les marchés monétaires chinois, avec un taux à 3 mois moyen (SHIBOR) qui est passé de moins de 5 % au troisième trimestre 2013 et à plus de 5,5 % à l’heure actuelle.
Le marché des titres à haut rendement a de nouveau dégagé des performances satisfaisantes en 2013. Le marché européen a réalisé une performance de 10,3 %, surperformant légèrement le marché américain, qui lui affiche un rendement total de 7,4 %. Les obligations ont offert des rendements solides, des taux de défaut faibles et des petites plus-values. Parallèlement, le resserrement des écarts de taux a suffi à compenser l’atonie du marché des obligations souveraines. Ces résultats illustrent une fois de plus la capacité des titres à haut rendement à être l’une des seules classes d’actifs obligataires à générer des performancess positives en période de hausse des taux d’intérêt.
Cependant, le spectre implacable de la mathématique plane sur les prévisions de rendement total pour 2014. Nous continuons à penser que le marché des titres à haut rendement générera des performancespositives en 2014, mais ceux-ci devraient s’établir autour de 5 %.
Dès lors, il convient de s’interroger sur les moyens dont disposent les investisseurs pour optimiser leurs rendements et réduire la volatilité des titres à haut rendement. Nous vous proposons cinq stratégies qui pourraient s’avérer utiles à cette fin :
- « Détachez le coupon et préservez votre capital » – A l’heure où les prévisions de rendement ont été révisées à la baisse, nous pensons que le coupon (autrement dit, le revenu) constituera la principale source de performancecette année. Parallèlement, à l’heure où les obligations affichent en moyenne des valorisations supérieures à leur valeur nominale, se protéger contre une baisse du marché et réduire la volatilité du rendement du capital seront deux facteurs déterminants.
- « Evitez de vous exposer à la duration » – Il est possible de réduire la volatilité du rendement du capital et de protéger son portefeuille contre le risque de baisse en réduisant l’exposition à la volatilité du marché des obligations d’Etat, c’est-à-dire en réduisant l’exposition à la duration des taux d’intérêt.
- « Les valeurs financières sont vos amies » – Depuis peu, nous nous montrons plus optimistes quant à la capacité des valeurs financières à optimiser les rendements, notamment en Europe. Même s’il reste un grand nombre de questions essentielles à résoudre, nous pensons que les valeurs financières, secteur actuellement en plein processus de désendettement et de réduction des risques, offrent des valorisations et des excès de rendement intéressants.
- « Apprenez à aimer la liquidité » – Nous anticipons des occasions de faire travailler le capital plus tarddans l’année. Dès lors, il est important de disposer de la liquidité nécessaire pour profiter de ces opportunités. Celles-ci peuvent survenir sous la forme d’une plus grande volatilité et de ventes massives ou sous la forme d’une vague de nouvelles émissions lancées sur le marché simultanément.
- « Ne multipliez pas les transactions » – Minimisez les coûts de transaction. Les bienfaits n’en seront que plus grands en période de faibles rendements. Il existe une différence notoire entre le fait de passer des ordres de bourse dans l’optique de réaliser une plus-value de 10-15 % et le fait de passer des ordres dans l’optique de générer un rendement supplémentaire de 1-2 % lorsque les coûts de transactions sont susceptibles de s’élever à 50-100 pb.
« En ce monde rien n’est certain, à part la mort et les impôts », déclarait Benjamin Franklin. J’aimerais ajouter à sa liste le débat sur l’effet janvier. Chaque année, je reçois au moins un commentaire dans lequel l’auteur soutient l’idée selon laquelle le mois de janvier serait propice aux investissements dans les actifs risqués (nous sommes tout sauf dupes à cet égard – cf. ici).
Fonder des décisions d’investissement exclusivement sur la base d’anomalies saisonnières ne constitue pas un processus d’investissement des plus fiables et il convient que les investisseurs plus avertis modifient l’allocation de leur portefeuille sur la base d’informations complémentaires plus solides.
L’amélioration des perspectives économiques pour l’Europe et l’absence de pessimisme devraient engendrer un rebond du marché obligataire européen en février. Parallèlement, 64 milliards d’euros d’obligations « investment grade » devraient arriver à échéance d’ici la fin du mois de janvier et, partant, soutenir cette hausse. Il me semble peu probable que le montant des émissions nouvelles suffise à compenser le remboursement des obligations arrivant à échéance. J.P. Morgan a récemment publié une étude qui montre que le montant brut total des émissions d’obligations « investment grade » en Europe n’a dépassé les 64 milliards d’euros qu’à quatre reprises dans le passé, à chaque fois avant 2008.
L’étude réalisée par J.P. Morgan révèle par ailleurs que c’est en moyenne au mois de janvier qu’a lieu le plus grand nombre d’émissions obligataires. Le marché primaire n’a pas failli à sa réputation depuis le début de l’année 2014. Cependant, il lui faudra poursuivre sur sa lancée et émettre encore 16 milliards d’euros d’obligations nouvelles, à l’instar du montant émis lors de la première semaine de janvier, pour offrir aux investisseurs détenteurs d’obligations arrivant à échéance la possibilité de placer leurs liquidités.
Des émissions obligataires nettes négatives en janvier constitueraient un soutien conjoncturel important qui pourrait engendrer un nouveau resserrement des écarts de taux des obligations « investment grade » de la zone euro. Cela nous fournirait également de nouvelles données sur la base desquelles nous pourrions débattre lorsque viendra le prochain mois de janvier.
Nous sommes nombreux à nous être habitués à cet environnement d’assouplissement quantitatif et de taux d’intérêt extrêmement bas. Si l’on tient compte de l’inflation, les taux d’intérêt réels à court terme sont négatifs dans la plupart des pays développés. Bien entendu, ces taux historiquement bas constituaient une réponse (coordonnée dans certains cas) des banques centrales à la grande crise financière de 2008. Bien que les données officielles n’aient pas encore été publiées, il semble de plus en plus probable que l’année 2013 a marqué le début d’un mouvement de reprise synchronisé au sein des économies développées. Le temps est-il donc venu pour la Banque d’Angleterre (BoE) d’envisager un relèvement de son taux directeur ? Une bonne croissance, plutôt qu’une croissance exceptionnelle, serait peut-être plus souhaitable pour éviter une récession à terme.
La théorie économique et la pratique nous montre que le maintien prolongé des taux d’intérêt à des niveaux trop bas fausse les décisions d’investissement et mène à une prise de risque excessive. Il peut également se traduire par l’apparition de bulles spéculatives qui finissent toujours par éclater. Dans la mesure où le marché de l’immobilier britannique (Londres et le sud-est de l’Angleterre compris) a enregistré des performances à deux chiffres en 2013, où le FTSE 100 est en passe d’atteindre son plus haut niveau depuis l’éclosion de la dernière bulle technologique (progression de plus de 60 % depuis 2009) et où les écart de taux des obligations des entreprises britanniques non financières ne sont qu’à 45 points de base de leurs niveaux planchers de 2007, il est manifeste que le niveau extrêmement bas des taux d’intérêt a eu un impact majeur tant sur les marchés financiers que sur l’économie réelle.
Au risque de passer pour un trouble-fête, voici 5 motifs pour lesquels je pense qu’une hausse des taux d’intérêt pourrait intervenir avant la fin de l’année (le marché anticipe une telle hausse autour de février/mars 2015) et, en tout état de cause, avant le 3e trimestre 2016 (date à laquelle la BoE estime que le chômage baissera à 7 %).
- Des bulles spéculatives apparaissent
- Le chômage recule rapidement et se rapproche des 7 %
- Les risques inflationnistes ne sauraient être négligés
- La règle de Taylor suggère que les taux d’intérêt sont loin d’être neutres
- Le risque d’éclatement de la zone euro semble s’être éloigné
Des bulles spéculatives apparaissent
Les actifs financiers britanniques se sont fortement appréciés au cours des 5 dernières années, notamment depuis que l’assouplissement quantitatif est devenue monnaie courante dans le paysage financier. Les investisseurs en actions comme en obligations ont récolté les fruits de cette politique d’assouplissement. Ceux qui possèdent des actifs financiers ont vu leur patrimoine net s’accroître considérablement par rapport à celui qui était le leur aux creux de l’après-crise. Les prévisions consensuelles pour 2014 présagent une forte appétence des investisseurs pour les actifs risqués, aiguisée par un niveau élevé de liquidités et par la recherche de performances réelles positives.
De toute évidence, le bien immobilier est l’actif financier le plus précieux pour le ménage britannique moyen. En 2011, on estimait à environ 15 millions le nombre de logements occupés par leur propriétaire (soit un taux d’environ 65 % du nombre total de ménages). Il n’est donc pas étonnant que la hausse des prix de l’immobilier fasse quotidiennement la une des journaux britanniques. D’après un certain nombre d’indicateurs, les prix de l’immobilier sont repartis à la hausse à la faveur des faibles taux d’intérêt et d’une offre immobilière limitée. Les faibles taux d’intérêt ont incité les ménages britanniques à s’endetter bien au-delà de leurs revenus. Le prix moyen des maisons s’élève désormais à 5,4 fois le revenu, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis juillet 2010 et qui est nettement supérieur à la moyenne à long terme (4,1).
Le programme d’aide à l’achat (Help-To-Buy Scheme) contribue à cette flambée dans un secteur à fort endettement et extrêmement sensible à l’évolution des taux d’intérêt (un sujet abordé ici en juillet dernier). En relevant son taux directeur cette année, la BoE devrait être en mesure de réduire la spéculation et l’endettement au sein du secteur immobilier. Une telle mesure ne serait guère populaire (elle ne l’est jamais), mais il est important d’être conscient des dommages qu’une flambée du marché de l’immobilier peut causer à l’économie. En qualité de président du Comité de politique monétaire, le gouverneur de la BoE Mark Carney est déjà intervenu pour mettre fin au programme de soutien au crédit (Funding for Lending Scheme) et a annoncé que le durcissement des conditions d’octroi de crédit immobilier pourrait permettre de contenir la hausse des prix de l’immobilier.
Le débat reste ouvert quant à l’efficacité des outils de politique macroprudentielle. En relevant les taux d’intérêt ou en limitant l’accès au crédit, les banques centrales s’attaquent à un seul facteur de l’économie. Il existe néanmoins un exemple macroéconomique « grandeur nature » à l’heure actuelle. Le 1er octobre, la Banque centrale de Nouvelle-Zélande (RBNZ) a limité le montant que les établissements bancaires peuvent consacrer aux prêts accordés aux emprunteurs ne bénéficiant que d’un faible apport (low deposit loans) et a exigé des principales banques qu’elles augmentent leurs fonds propres pour couvrir les prêts. Il est encore trop tôt pour juger, mais pour le mois de novembre, l’Institut immobilier néozélandais a annoncé une hausse de 1,2 % des prix de l’immobilier dans le pays et une progression de 9,6 % sur l’année. La RBNZ et la BoE pourraient s’apercevoir qu’essayer de ralentir le marché de l’immobilier à coup de mesures macroprudentielles revient à essayer de stopper une voiture en ouvrant les portes et en espérant que la résistance au vent fera le reste. À un moment donné, il faut appuyer sur la pédale de frein.
Plus la période d’expansion sera longue, plus sa fin inévitable sera douloureuse.
Le chômage recule rapidement et se rapproche des 7 %
Le taux de chômage, qui a reculé de 7,9 à 7,4 % ces neuf derniers mois, est un élément fondamental du « guidage des anticipations » (forward guidance) de la BoE. Face à ce repli rapide, certains économistes s’attendent à ce que la BoE abaisse le seuil du taux de chômage de 7 à 6,5 %. Bien entendu, le seuil de 7 % qu’elle a fixé n’est pas censé déclencher une hausse instantanée des taux d’intérêt. Il s’agit plutôt d’un seuil à partir duquel la BoE envisagerait de relever les taux. Cependant, l’amélioration du marché du travail a été nettement plus rapide que ne l’avait prévu la BoE, le taux de chômage ayant atteint son plus bas niveau depuis mars 2009. Ce niveau reste encore nettement supérieur au taux de chômage moyen affiché entre 2000 et 2008, mais il s’agissait selon moi d’une période anormale pour l’économie britannique, une période dite NICE (Non Inflationniste, en Constante Expansion) qui est peu susceptible de se représenter. Le taux de chômage naturel du Royaume-Uni est sans doute supérieur de 1 à 2% à celui des années 2000, ce qui suggère que le volume de capacités disponibles au sein de l’économie britannique est inférieur à ce que pensent de nombreux analystes. Les revendications d’une hausse des salaires pourraient ne pas tarder et entraîner une hausse des pressions inflationnistes. Une hausse des salaires plus soutenue en 2014 serait de bon augure pour la consommation et le patrimoine net des ménages compte tenu de la hausse des prix de l’immobilier et des portefeuilles d’investissement.
Il est généralement admis que la politique monétaire fonctionne avec un certain décalage dans le temps (la BoE évalue ce décalage à environ deux ans) et le taux de chômage est lui-même un indicateur « tardif » de l’activité économique. Si la BoE attend que le taux de chômage atteigne les 7 % ou que la vigueur de la croissance économique se confirme, il pourrait être trop tard. Un petit coup de frein par le biais d’une hausse du taux directeur pourrait s’avérer judicieux.
Les risques inflationnistes ne sauraient être négligés
Ben a rédigé le mois dernier un excellent article concernant les perspectives d’inflation du Royaume-Uni. Je cite :
Les niveaux d’inflation actuels peuvent sembler modestes. Toutefois, les chocs potentiels en termes de demande, associés à l’accélération de la dynamique de croissance et à la difficulté d’éliminer l’immense falaise de liquidités créée par l’assouplissement quantitatif présenteront des risques importants pour l’inflation à moyen terme. Les marchés sont aveuglément axés sur l’horizon à court terme depuis que les prix des matières premières se sont affaiblis et que les attentes en matière d’inflation ont été domptées par l’absence de croissance.
D’autre part, les banques centrales ont la fâcheuse habitude de maintenir une politique monétaire trop souple pendant trop longtemps. Cela porte même un nom : « Le Put de [placer le nom du président du FOMC] ». Les politiques de « l’argent facile » menées par le FOMC dans les années 70 sont considérées comme ayant fortement contribué à l’inflation galopante constatée durant cette période. Le FOMC finira par mettre un terme à sa politique, relevant les taux à 19 % en 1981.
En réalité, les banques centrales redoutent surtout que la politique monétaire ultra accommodante et que le vaste programme d’assouplissement quantitatif entraînent une hausse de l’inflation. Seul un relèvement des taux permettra de maîtriser le retour de l’inflation. Bien que le taux d’inflation se soit replié au Royaume-Uni et qu’il se rapproche de l’objectif de 2,1 % fixé par la Banque d’Angleterre, il fait suite à près de 5 années d’inflation supérieure aux objectifs. Si le danger n’est encore ni manifeste, ni imminent, l’expérience des années 70 nous rappelle néanmoins qu’il ne faut pas négliger les risques que présente l’inflation pour l’économie britannique, notamment dans la mesure où il est souvent difficile de contenir les attentes croissantes relatives à l’inflation.
La règle de Taylor suggère que les taux d’intérêt sont loin d’être neutres
La règle de Taylor fournit un indicateur approximatif de la réaction normale aux conditions économiques en ce qu’elle associe les taux d’intérêt aux écarts du taux d’inflation par rapport au taux cible et à l’écart de production. Si l’on applique la règle de Taylor dans le cas du Royaume-Uni, un taux directeur de 0,5 % est environ 2 % inférieur à ce qu’il devrait être compte tenu des taux de croissance et d’inflation actuels.
Les taux d’intérêt réels négatifs ont permis de stabiliser l’économie, mais le moment est-il venu de marquer une pause ? Avec un taux de croissance économique annualisé supérieur à 3 % aux second et troisième trimestres 2013 (un niveau supérieur à la moyenne à long terme de 2 %), le Royaume-Uni pourrait bien être beaucoup plus proche d’une situation de plein-emploi que certains le pensent actuellement. Les indicateurs issus des sondages et les données économiques prospectives pointent vers une solide croissance de l’économie britannique. La confiance des entreprises évolue à son plus haut niveau depuis 20 ans et l’indice PMI des services du mois de décembre laisse entrevoir un solide mouvement de reprise généralisé. Bien entendu, la BoE préfèrerait que les autres composantes du PIB comme les exportations et l’investissement contribuent davantage à la croissance économique. Un raffermissement de la devise aurait des effets néfastes à cet égard. Mais il est parfois difficile de gagner sur tous les tableaux, surtout lorsqu’on est banquier central.
Le risque d’éclatement de la zone euro semble s’être éloigné
L’heure du « Put de Draghi » est venue. La célèbre phrase « nous ferons tout ce qu’il faudra » (« whatever it takes ») prononcée par Draghi est probablement la plus importante jamais prononcée par un président de Banque centrale. Ce discours a eu un impact exceptionnel sur les actifs, des emprunts d’État aux actions européennes en passant par tous les actifs intermédiaires. Mais surtout, comme je l’écrivais ici en juillet 2013, aucun pays n’a quitté l’UEM malgré les difficultés rencontrées par l’Europe (perspectives préoccupantes, niveaux record de chômage et d’endettement, proposition visant à imposer les épargnants à Chypre). Au contraire, l’UEM a accueilli de nouveaux membres (la Slovaquie en 2009, l’Estonie en 2011, la Lettonie en 2014). Les pays européens restent ouverts aux échanges commerciaux, ils ont continué à appliquer les politiques de l’UE et n’ont pas eu recours à des politiques protectionnistes. La réglementation bancaire au sein de l’UE s’est renforcée, le système financier s’est stabilisé et de nouvelles exigences relatives aux fonds propres des banques sont en place.
Tout cela est de bon augure pour le Royaume-Uni, la stabilisation de la zone euro laissant entrevoir une hausse de la demande à l’exportation, un regain de confiance et un accroissement des investissements des entreprises européennes au Royaume-Uni. Paradoxalement, une hausse des taux d’intérêt pourrait susciter un regain de confiance dans l’économie britannique en ce qu’elle pourrait laisser entendre que la Banque centrale estime que la croissance économique est autoalimentée.
La BoE doit faire face à un choix cornélien entre procéder à une hausse légère et immédiate des taux d’intérêt pour éviter une hausse de l’inflation et de l’instabilité financière ou courir le risque de devoir intervenir à terme de manière plus draconienne. Un taux directeur de 0,5 % est nettement inférieur à un niveau neutre et la BoE a encore beaucoup de chemin à parcourir avant de s’approcher d’un tel niveau. Elle pourrait intervenir cette année et commencer à relever progressivement les taux d’intérêt afin d’atténuer l’accumulation persistante des déséquilibres financiers. La décision difficile à court terme visant à relever le taux directeur permettra de soutenir une croissance économique « saine » à long terme.
Les obligations des marchés émergents ont enregistré une performance annuelle négative pour la troisième fois depuis 1998. En cause ? La hausse du rendement des bons du Trésor américain, les craintes liées au « tapering », et les préoccupations que suscite le tarissement des flux de capitaux des marchés développés vers les marchés émergents. Plusieurs pays émergents ont par ailleurs été victimes de facteurs propres à leur situation particulière : croissance en berne, détérioration de la productivité, déficit commercial et budgétaire, et exposition à une économie chinoise en perte de vitesse. Certes, les obligations des pays émergents ont encore bénéficié de 9,7 milliards USD d’entrées de capitaux en 2013, mais ce chiffre n’a rien de comparable avec les 97,5 milliards USD d’afflux constatés en 2012 et la classe d’actifs a subi des dégagements à hauteur d’environ 40 milliards USD depuis le mois de mai (source : EPFR, JP Morgan).
Parmi la classe d’actifs, les obligations d’entreprises l’ont emporté sur les emprunts d’Etat en 2013, avec des performances respectives de -0,6% et -5,3%. Cette sous-classe d’actifs a tiré parti de sa duration plus courte et des retombées indirectes (du fait d’une plus forte corrélation ?) de la meilleure performance des crédits internationaux investment grade et de ceux à haut rendement. A l’aune de l’indice JP Morgan Corporate EMBI, les spreads des obligations d’entreprises des marchés émergents sont désormais équivalents à ceux de la dette souveraine en monnaie forte, faisant apparaître un resserrement de 66 points de base (pb) depuis début 2013.
Dès lors, l’allocation d’actifs entre dette souveraine (tant en monnaie forte qu’en monnaie locale) et obligations d’entreprises a eu un impact déterminant sur la performance en 2013. Les emprunts d’Etat ont sous-performé durant l’année, avec une baisse de 5,3% pour la dette en monnaie forte, également liée au fait que sa duration est la plus longue des trois sous-catégories d’actifs. Toutefois, la dette en monnaie locale a connu une année particulièrement difficile et a enregistré un rendement global de -9,0%. Ce revers tient principalement à la variation des taux de change, sachant que le portage (le surcroît de performance lié au niveau plus élevé des taux d’intérêt locaux) a compensé la hausse des rendements.
Il y a lieu d’examiner plus en détail les tendances sous-jacentes, dans la mesure où cette analyse permet de mieux comprendre les facteurs qui ont dicté la performance en 2013 et quelles seront les différences en 2014.
1) La performance négative de la dette émergente en monnaie forte s’explique principalement par la hausse du rendement des bons du Trésor américain plutôt que par une détérioration de la qualité de crédit et le creusement des spreads.
L’impact négatif lié au creusement des spreads de crédit est resté limité, contribuant à hauteur de -0,5% au rendement global de la dette souveraine en monnaie forte, comme le montre le tableau ci-dessus. De fait, les spreads se sont creusés de 50 pb en 2013 alors que les taux américains à 10 ans ont grimpé de 116 pb dans le même temps. D’où l’incidence déterminante qu’a eu la gestion de la duration en 2013. Sachant que le « tapering » est intégré dans les cours et que le rendement des bons du Trésor à 10 ans devrait s’établir à environ 3,5% fin 2014 si l’on en croit la courbe à terme, toute nouvelle hausse des taux américains sera vraisemblablement moins prononcée en 2014 qu’en 2013. Ce scénario pourrait toutefois devenir caduque dans l’hypothèse de bonnes surprises sur le front des données économiques et/ou de détérioration des anticipations d’inflation, laquelle n’est pas prise en compte à l’heure actuelle. Dès lors, le risque d’un « bear flattening » de la courbe américaine du fait d’anticipations d’une hausse des taux américains plus tôt que prévu (les marchés tablent actuellement sur une remontée des taux en 2015 voire au-delà) devra être surveillé étroitement.
2) La performance de la dette souveraine en monnaie forte des pays jugés plus solides (car bénéficiant d’un moindre endettement, d’une meilleure liquidité, d’une position saine au niveau budgétaire et de leurs comptes courants, d’une croissance durable et d’une politique de réformes) n’a pas nécessairement été meilleure que celle des pays jugés vulnérables.
Prenons l’exemple du Mexique, l’un des pays émergents dont l’économie est la plus robuste, et de l’Afrique du Sud, qui au contraire apparaît de plus en plus fragilisée. La dette mexicaine libellée en monnaie forte a enregistré une performance de -7,1%, contre un rendement global de -6,9% pour les emprunts d’Etat sud-africains. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que le canal d’ajustement pour les pays présentant des comptes courants déficitaires réside dans la dépréciation de leur monnaie et/ou le relèvement des taux d’intérêt, dont l’impact sur les spreads souverains n’est pas nécessairement aussi néfaste qu’on pourrait le croire. Les pays qui laissent flotter leur taux de change minimisent la baisse de leurs réserves nettes de change, favorisant la performance de la dette en monnaie forte par rapport à celle en monnaie locale. De fait, la principale différence entre ces deux pays en termes de performance s’est manifestée précisément au niveau de leur dette en monnaie locale (voir ci-dessous), le Mexique ayant légitimement surperformé l’Afrique du Sud.
3) L’année 2013 s’est également caractérisée par la surperformance des obligations comportant un risque de crédit plus important, tels que les titres à haut rendement et ceux des marchés frontières.
Le JPMorgan Next Generation Markets Index (NEXGEM), un indice dédié aux emprunts d’Etat de marchés frontières dont la note est inférieure ou égale à BB+, a progressé de 5,1% en 2013. Cette hausse pourrait sembler paradoxale compte tenu de la récente inflexion du sentiment envers les actifs des marchés émergents. Toutefois, il est réconfortant de constater que les marchés ont opéré une distinction entre émetteurs, gratifiant la stabilité ou l’amélioration de la qualité de crédit des signatures moins bien notées et sanctionnant à l’inverse celles dont la situation se détériore. L’Argentine a par exemple enregistré une performance de +19,1% suite au report de la décision de la justice américaine concernant les créanciers réfractaires, et grâce aux anticipations d’une évolution favorable de la politique économique avec la mise en place d’un nouveau gouvernement en 2015. A l’opposé, le Venezuela a subi une chute de -12,3% en raison de déséquilibres macroéconomiques et politiques croissants. En outre, Eichenberg et Gupta constatent que les pays qui ont laissé filer le déficit de leurs comptes courants et permis une forte appréciation de leur monnaie ont effectivement subi une correction plus prononcée, notant par ailleurs que les devises et les prix de la dette des marchés émergents les plus importants et les plus liquides ont globalement fait l’objet de pressions plus intenses. C’est pourquoi l’identification des facteurs « bottom-up » critiques particuliers aux différents émetteurs a revêtu une importance déterminante en 2013 et restera essentielle en 2014, compte tenu du rebond prononcé et, partant, des valorisations moins favorables, de la plupart des obligations des marchés frontières.
4) La dette en monnaie locale a particulièrement souffert.
L’essentiel des pertes subies par la dette émergente en monnaie locale provient de la baisse des taux de change, l’une des principales conséquences de la diminution des flux de capitaux vers les marchés émergents en 2013. Dès lors, plusieurs monnaies continueront également de se déprécier en 2014 jusqu’à atteindre leur juste valeur voire à devenir sous-évaluées, si justifié. La réduction éventuelle du déficit des comptes courants des pays qui requièrent un ajustement sans être confrontés à des rigidités structurelles majeures (tels que le Brésil, l’Inde ou l’Indonésie) devrait atténuer la pression sur les monnaies. En conséquence, leur performance en 2014 pourrait ne pas être aussi négative. En d’autres termes, les risques et les préoccupations du marché devraient se concentrer sur le compte de capital.
5) L’effet de portage positif et une duration plus courte ont contribué à étayer la performance de la dette en monnaie locale.
Les rendements de la dette en monnaie locale ont augmenté de 135 pb en 2013, du fait de la baisse des taux de change (Afrique du Sud), de resserrements de la politique monétaire (Brésil, Indonésie), d’une détérioration budgétaire et de risques d’inflation (Brésil), d’inquiétudes liées à la situation politique et au solde extérieur (Turquie), et de la hausse des taux américains. Cependant, le portage et la duration moyenne inférieure de la dette en monnaie locale, pour laquelle un indice équivalent affiche une duration de 4,6 ans, lui ont permis de dégager une performance globale stable en 2013 et offrent une marge de protection plus importante pour 2014.
6) Les risques politiques sont restés contenus en 2013 (à quelques exceptions près) mais pourraient s’accroître considérablement en 2014.
S’il est vrai que certains pays (Turquie, Ukraine, Moyen-Orient) ont connu des crises graves, les considérations politiques n’ont pas joué un rôle majeur en 2013 au niveau de la classe d’actifs. Toutefois, les risques spécifiques liés aux enjeux politiques parmi les marchés émergents pourraient s’accroître considérablement en 2014. Douze des principaux pays émergents vont en effet connaître des élections présidentielles et/ou législatives, y compris tous ceux surnommés les « cinq fragiles » (Brésil, Inde, Indonésie, Afrique du Sud, Turquie). Nous examinerons d’ailleurs cette question plus en détail dans un article qui sera publié sur ce blog à l’approche des échéances électorales concernées. La perspective de ces élections pourrait potentiellement engendrer une diminution temporaire des flux nets de capitaux vers ces pays (via une fuite des capitaux nationaux, le report des investissements directs étrangers et/ou des flux de portefeuille, ainsi qu’au travers d’une demande accrue de couverture des changes ou de credit default swaps), dans l’attente de leur issue et des conséquences qui pourraient en découler en termes de politique économique et de réformes.
En résumé, l’allocation d’actifs entre emprunts d’Etat en monnaie forte aussi bien qu’en monnaie locale et obligations d’entreprises devrait avoir une moindre importance cette année qu’elle n’en a eu en 2013, sachant que la courbe à terme intègre actuellement un niveau d’environ 3,5% pour les taux américains à 10 ans. En outre, l’opportunité de valeur relative entre ces trois classes d’actifs a diminué du fait de la sous-performance de la dette souveraine en 2013 et du resserrement des spreads des obligations d’entreprises lié au rebond des crédits internationaux tant investment grade qu’à haut rendement. De plus, les prix de la dette en monnaie locale sont plus attrayants compte tenu des ajustements des taux de change observés en 2013 et de la hausse des rendements. Autrement dit, les écarts de performance devraient globalement être moins importants au niveau « top-down ».
En revanche, les évènements spécifiques aux différents marchés émergents, notamment sur le plan politique, deviendront plus pertinents. Ainsi, la sélection de titre « bottom-up » et le timing (notamment le repositionnement lors des phases de volatilité) auront une importance encore plus déterminante en 2014. Les facteurs macroéconomiques et les leviers de la tolérance au risque, tels que l’évolution de la croissance économique et de l’inflation, le rééquilibrage de l’économie chinoise, les prix des matières premières et la tournure des évènements dans la zone euro, resteront quant à eux tout aussi importants.
Les rendements de la dette en monnaie locale ont augmenté de 135 pb en 2013, du fait de la baisse des taux de change (Afrique du Sud), de resserrements de la politique monétaire (Brésil, Indonésie), d’une détérioration budgétaire et de risques d’inflation (Brésil), d’inquiétudes liées à la situation politique et au solde extérieur (Turquie), et de la hausse des taux américains. Cependant, le portage et la duration moyenne inférieure de la dette en monnaie locale, pour laquelle un indice équivalent affiche une duration de 4,6 ans, lui ont permis de dégager une performance un rendement globale stable en 2013 et offrent une marge de protection plus importante pour 2014.