Quel que soit votre avis sur la pertinence de la politique de la BCE, il est impossible de douter de l’efficacité des nombreuses déclarations et des commentaires livrés par Mario Draghi au cours des deux dernières années. En effet, plusieurs signes laissent penser que les investisseurs obligataires considèrent que la crise est désormais derrière eux. Voici quelques exemples :
1) Les rendements espagnols à 10 ans ont chuté à 3,2 % et atteint ainsi leur plus bas niveau depuis 2006, c’est-à-dire bien avant que la crise n’éclate, alors qu’ils avoisinaient les 6,9 % en 2012. Il s’agit d’une progression impressionnante, presqu’aussi impressionnante que…
2) La baisse des rendements obligataires italiens à 10 ans à 3,15 %, soit le plus bas niveau constaté depuis 2000. Ils ont atteint un plus haut de 7,1% en décembre 2011. À titre de comparaison, les rendements américains à 10 ans ont atteint 3 % en janvier de cette année.
3) Le mois dernier, la Banque d’Irlande a émis pour 750 millions d’EUR d’obligations couvertes (obligations adossées à des créances hypothécaires) à échéance 2019 et assorties d’un coupon de 1,75 %. Ces obligations se négocient désormais au-dessus de leur valeur nominale et sont assorties d’un rendement à l’échéance de 1,5 %. Le marché n’intègre aucune prime de risque significative liée au marché immobilier irlandais.
4) Sur le marché à haut rendement, il n’y a plus aucune prime de risque sur les obligations émises par les pays de la périphérie européenne. Le graphique ci-dessous (publié par Bank of America Merrill Lynch) montre que, lorsqu’il s’agit des écarts de crédit, les investisseurs en obligations d’entreprises non investment grade ne font plus la distinction entre les obligations des pays « cœur » de l’Europe et les obligations « périphériques ».
5) Le signe le plus notable est probablement le retour de la Grèce sur les marchés obligataires internationaux. Le pays a émis pour 3 milliards d’EUR d’obligations à 5 ans, avec un rendement à l’échéance de 4,95 %.
Les rendements des obligations périphériques sont-ils toujours suffisamment intéressants pour inciter les investisseurs à investir dans ces titres plutôt que dans les obligations des pays du cœur de l’Europe ? Ou le resserrement des écarts de crédit les dissuade-t-il de continuer à investir dans les obligations périphériques ? ? Dans le dernier article qu’il a publié sur son blog, James a mis en évidence cinq facteurs indiquant que les marchés obligataires jugeaient résolue la crise de la zone euro. Entre autres, James a souligné la quasi-disparition des primes de risque pour les obligations à haut rendement des pays périphériques par rapport à celles du noyau dur au cours des deux dernières années. Je souhaiterais élargir la comparaison entre pays périphériques et pays du noyau dur en étudiant les obligations investment grade (IG) émises par les entreprises et les obligations souveraines.
Dans un premier temps, il convient d’étudier l’évolution des écarts de crédit entre les obligations IG émises par des entreprises non financières (c’est-à-dire entreprises industrielles et services aux collectivités) des pays périphériques et celles émises par des entreprises non financières des pays cœur de l’Europe au cours des 10 dernières années. Outre les niveaux absolus de l’asset swap spread (ASW), nous avons retracé les écarts de crédit relatifs entre les obligations des pays périphériques et celles du noyau dur. Les dix dernières années peuvent se diviser en trois phases distinctes. Durant la première phase, les obligations des pays périphériques et du noyau dur ont évolué de concert ; les écarts ne dépassaient pas 50pb. L’effondrement de Lehman en septembre 2008 et les bouleversements consécutifs sur le marché ont provoqué une augmentation brutale de l’ASW, mais la forte corrélation entre obligations des pays périphériques et du noyau dur a perduré. Ce n’est qu’au cours de la seconde phase, pendant la crise de la zone euro à partir de fin 2009, qu’on a assisté à un découplage : les taux des obligations du noyau dur sont restés relativement stables tandis que les taux des obligations périphériques ont nettement augmenté. Vers la fin de cette période d’élargissement, les écarts de crédit ont culminé à plus de 280pb. Le discours fréquemment cité de Mario Draghi, le Président de la BCE (où il s’engageait à « faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro ») de juillet 2012 a marqué le début de la troisième phase (toujours d’actualité), à savoir le resserrement des écarts de crédit.
Fin mars 2014, les écarts de crédit constatés entre les obligations IG émises par des entreprises non financières des pays périphériques et celles émises par des entreprises non financières du noyau dur étaient redescendus à seulement 18pb, un plus bas depuis quatre ans. Un nouveau resserrement des spreads, et donc de surperformance relative des obligations périphériques par rapport aux obligations d’entreprises IG du noyau dur, semble peu probable. Les données couvrant les 10 dernières années indiquent que l’écart de rendement actuel concorde tout à fait avec la valeur moyenne de 17pb. Sur un horizon à 5 ans, l’écart actuel semble déjà très serré, et se situe dans le premier quartile (18ème percentile).
Si l’on considère maintenant la dette souveraine, nous avons examiné l’évolution des rendements des obligations d’Etat des pays périphériques et ceux des obligations émises par les pays du noyau dur au cours des 10 dernières années. Nous avons utilisé comme indicateur les rendements mensuels génériques à 10 ans pour les principaux pays de la périphérie et du noyau dur (Italie et Allemagne, respectivement). Là encore, trois phases se distinguent dans le graphique, mais le passage de la forte corrélation au creusement a eu lieu plus tôt, dans le sillage de la faillite de Lehman. A ce moment, compte tenu de leur statut de « valeur refuge », les rendements des obligations d’Etat allemandes ont reculé plus vite que les rendements italiens. Les rendements de ces deux types de titres ont alors baissé jusqu’à l’intensification de la crise en zone euro, entraînant un repli marqué des rendements allemands, tandis que ceux des obligations italiennes atteignaient un pic. De nouveau, les déclarations de Mario Draghi en faveur de l’euro ont marqué un tournant en direction d’un resserrement des écarts de crédit entre les obligations du noyau dur et celles des pays périphériques.
Actuellement, les investisseurs peuvent dégager un excédent de rendement d’environ 170pb en privilégiant les obligations italiennes à 10 ans aux bunds allemands. Cet excédent de rendement semble satisfaisant, comparé notamment à l’écart de crédit plus que modeste de 18pb constaté entre les obligations IG des pays du noyau dur et les obligations IG périphériques, mentionné plus haut. Dans la mesure où les écarts de rendement ont sensiblement reculé depuis les niveaux constatés au cours des deux dernières années (450pb), il convient que les investisseurs s’interrogent sur la probabilité d’un nouveau resserrement. A vrai dire, la réponse dépend essentiellement de ce que les marchés obligataires considèrent comme la période de référence appropriée. S’ils sont persuadés que la crise de la zone euro est résolue une fois pour toutes, nul besoin de beaucoup d’imagination pour anticiper la disparition complète des écarts de rendement, à l’instar de ce qui s’est produit au cours de la première phase du graphique ci-dessus. Si l’on prend les 10 dernières années comme période de référence, il semble peu probable que nous assistions à un nouveau resserrement des écarts de crédit, dans la mesure où l’écart de rendement actuel se situe en haut du troisième quartile (69ème percentile). Toutefois, si les marchés obligataires jugent qu’un regain de tension au sein de la zone euro représente un scénario réaliste, les 5 dernières années constitueraient probablement une période de référence plus pertinente. Dans ce cas, l’écart de crédit actuel semble moins généreux, et se situe dans le second quartile (39ème percentile). Cette dernière interprétation ne semble cependant pas refléter le sentiment général du marché, comme en témoigne le resserrement continu des écarts de rendement observé ces derniers mois.
En résumé, nous avons déjà assisté à une forte contraction des primes de risque des obligations périphériques par rapport à celles des obligations core, ce qui rend les niveaux actuels des obligations périphériques nettement moins attractifs qu’il y a deux ans. Comparés aux écarts de crédit des obligations IG, les rendements des obligations d’Etat paraissent plus rentables, à la fois en termes d’écarts actuels entre noyau dur et périphérie et de potentiel de surperformance relative des obligations périphériques par rapport à celles du noyau dur en raison du resserrement progressif. Cependant, un nouveau resserrement des écarts de crédit n’interviendra que si les marchés obligataires sont convaincus que la crise de la zone euro appartient au passé.
Alors que moins de deux mois nous séparent du match d’ouverture et que la tension monte déjà au sein de notre équipe (nous couvrons 8 pays participants : Allemagne, Angleterre, Australie, Brésil, Espagne, États-Unis, France et Italie), nous nous sommes dit qu’il était temps d’écrire un billet inspiré de la Coupe du monde. Notre pronostic du vainqueur de la Coupe du monde 2010 était totalement erroné. D’après les prévisions de taux de croissance de 2010, nous nous attendions à ce que le Ghana remporte la Coupe et que l’Espagne arrive dernière. Inutile de rappeler ce qui s’est réellement passé. Néanmoins, pour prendre la défense du FMI, le Ghana a créé la surprise en 2010 et a seulement manqué les demi-finales à cause de la main de Luis Suarez.
Bien que les statistiques fassent partie des trois types de mensonges selon Mark Twain, je continue de croire en l’analyse des données et dans les prévisions. Le pays qui n’était pas inclus dans nos prévisions (la Corée du Nord) en raison de l’absence de données économiques disponibles est arrivé en queue de classement. Pure coïncidence ? L’Argentine serait-elle arrivée en quart de finale si elle n’avait pas faussé les chiffres de son inflation?
La Coupe du monde a été remportée 9 fois par un pays émergent et 10 fois par un pays développé. Un pays émergent comblera-t-il l’écart cette année? Nous présentons des stratégies de change associées à la Coupe du monde :
- Arbitrage : sur les monnaies totalement convertibles ou dont les frais de transaction sont minimes, les opportunités d’arbitrage sont peu nombreuses. En revanche, les monnaies soumises à des restrictions sur la circulation des capitaux, à des impôts élevés ou à des contraintes réglementaires offrent souvent des possibilités d’arbitrage qui dépassent amplement les coûts associés à ces facteurs. Par exemple, dans le cas de la Coupe du monde au Brésil, les prix des billets sont exprimés en USD pour les non-résidents et en BRL pour les résidents brésiliens. Ils ont été définis par la FIFA en mai 2013 (1980 reals brésiliens ou 990 dollars américains pour les billets de catégorie 1) d’après le taux de change alors en vigueur de deux reals brésiliens pour un dollar américain. Compte tenu du maintien des prix en USD et en BRL et de la dépréciation du real depuis lors, les billets en BRL sont moins chers de 14 % que leurs équivalents en USD.
- Operations de portage : il s’agit d’une stratégie fréquemment utilisée relativement facile à mettre en œuvre et dont la rentabilité est démontrée.1 Nous testons cette stratégie en étant longs sur un panier de devises de pays émergents sélectionnés (ils présentent habituellement des performances plus importantes en raison d’un niveau accru d’inflation, de risques économiques, etc.) contre un panier de devises de pays développés sélectionnés (ils présentent habituellement des rendements moindres, encore réduits par l’assouplissement quantitatif). Parmi les pays qualifiés pour les récentes Coupes du monde, nous en classons arbitrairement 18 comme émergents et 14 comme développés. Néanmoins, si nous les mesurons en fonction de leur monnaie, les chiffres changent légèrement. Dans quelques pays émergents, la monnaie d’un pays développé a cours légal (par exemple, l’Équateur a adopté le dollar américain comme monnaie officielle en 2000) et ces pays doivent donc être rangés parmi les pays développés. La Côte d’Ivoire reste dans le panier du pays émergent, car, bien que le franc CFA soit arrimé à l’euro, cela ne revient pas à avoir l’euro pour monnaie officielle.
Nous avons testé la performance de notre position de portage de la Coupe du monde lors des deux dernières Coupes du monde entre le 1er janvier (date de début logique, car les 32 équipes qualifiées sont connues) et la date de début de ces événements sportifs.
La position de portage devises des pays émergents/devises des pays développés a permis d’engranger une petite plus-value en 2006 (+0,4 %) et a été couronnée de succès en 2010 (+2,4 %).2 En revanche, sur le terrain, les marchés émergents se sont inclinés devant les marchés développés dans les deux cas (l’Italie et l’Espagne ont gagné). Avant la prochaine Coupe, la performance totale du portage sur les monnaies émergentes laisse présager une perte (-2,8 % au 11 avril). Je prédis donc qu’une équipe émergente gagnera la Coupe Du Monde au Brésil.
1Pour une discussion empirique sur les positions de portage sur les marchés émergents, veuillez consulter la page https://www.nber.org/papers/w12916.
2Par souci de simplification, j’ai omis les frais de transaction (spreads) dans les calculs. Certaines monnaies émergentes moins importantes présentant une moindre liquidité et des coûts plus élevés (dans ce cas, un achat, suivi d’une vente), les performances de la position longue sur les devises émergentes sont légèrement amplifiées. Concernant la position courte, nous n’avons inclus l’euro qu’une seule fois, afin de maintenir la diversification du panier de devises des pays développés.
L’année 2013 a été marquée par un volume record de nouvelles émissions sur le marché des obligations à haut rendement. Les données publiées par Moody’s révèlent que les entreprises non investment grade ont levé 106 milliards USD sur ce segment. Si ce volume élevé soutient la diversification et la croissance du marché à long terme, il a également des effets négatifs. Compte tenu de la forte demande pour les nouvelles émissions, les entreprises et leurs conseillers ont réussi à s’arroger une partie des droits de leurs créanciers obligataires. Il convient dès lors de s’interroger sur la forme que revêt cette érosion et sur ses effets sur les créanciers obligataires. Ci-après sont répertoriés les changements qui sont intervenus dans la littérature régissant l’univers obligataire au cours des deux dernières années ainsi que des exemples qui illustrent l’incidence économique potentielle de ces changements sur les investisseurs.
1) Des périodes de rachat plus courtes – Les obligations à haut rendement intègrent souvent des calls (options d’achat) qui permettent à l’émetteur de rembourser l’obligation à un prix et à une date déterminés à l’avance. Par conséquent, l’émetteur peut profiter de la bonne performance de ses activités et de l’amélioration de sa solvabilité pour demander le rachat anticipé de ses obligations et se refinancer à moindre coût. En contrepartie, l’avantage pour l’investisseur est que le prix de rachat est generalement supérieur de plusieurs points de pourcentage à la valeur nominale des obligations. Dès lors,l’investisseur fait aussi une plus-value. . Cependant, la durée qui sépare deux périodes de rachat est également un facteur important. Plus la période est longue, plus le rendement est potentiellement élevé pour tous les détenteurs à mesure que la prime de risque (écart de crédit) diminue. A titre illustratif, toute réduction de la période de souscription pèse à hauteur de 2,6 % sur la plus-value réalisée par l’investisseur.
2) Un call annuel de 10 % pour les obligations cotées à 103 % de leur valeur nominale – A l’instar de l’exemple ci-dessus, le rachat anticipé d’une obligation réduit mécaniquement le montant de la plus-value susceptible d’être réalisée par un investisseur. L’introduction d’un call à 10 % du total des émissions annuelles et pouvant être exercé au cours d’une période dite « non call » pour un prix s’élevant à 103% de la valeur nominale de l’obligation profite aux émetteurs. Dans le cas d’une période « non call » de 3 ans, près d’un tiers des obligations de l’émetteur peuvent être rachetées avec une prime de risque relativement limitée par rapport au nominal. Prenons par exemple le scenario évoqué ci-dessous. L’adoption de cette nouvelle disposition, au titre de laquelle l’émetteur se voit offrir une nouvelle occasion de racheter ses obligations, réduit le rendement potentiel des obligations de 3,3 % sur l’ensemble de la période de détention des titres.
3) Transférabilité – L’une des meilleures protections offertes aux créanciers obligataires réside dans leur droit d’exercer une option de vente en cas de changement de contrôle. Ce mécanisme leur donne le droit, mais non l’obligation, de revendre leurs titres à l’émetteur pour un montant égal à 101 % de la valeur nominale de l’obligation en cas de changement de contrôle d’une entreprise. Fondamentalement, ce mécanisme protège les investisseurs contre une baisse du cours de l’obligation de l’émetteur en cas de rachat par une entreprise plus endettée ou plus risquée. Pour les propriétaires d’entreprise, cette restriction est fâcheuse en ce que la nécessité de refinancer l’ensemble d’une structure capitalistique peut constituer un obstacle à la réalisation d’une opération de fusion-acquisition. Néanmoins, ces derniers temps une clause de transférabilité a été introduite dans la littérature régissant les changements de contrôle. Elle prévoit que sous réserve de satisfaire à un test d’endettement et à des restrictions temporelles, l’option de vente en cas de changement de contrôle peut ne pas s’appliquer. Partant, les obligations émises peuvent être transférées de la société cible vers tout acquéreur se débarrassant de l’obligation de refinancement partiel de la dette de la société cible. Compte tenu du fait que la plupart des obligations se négocient actuellement à un prix supérieur à 101 % de leur valeur nominale, la valeur de l’option de vente en cas de changement de contrôle est quelque peu réduite. Ainsi, certains investisseurs considèrent que cette nouveauté ne constitue pas une réduction flagrante de leurs droits. A l’inverse, les propriétaires de l’émetteur jouissent d’une plus grande flexibilité dès lors qu’il s’agit d’acheter et de vendre des entreprises. Cela a néanmoins un coût pour les détenteurs d’obligations. C’est notamment le cas lorsque les obligations se négocient à un prix inférieur à leur valeur nominale : la valeur de l’option peut dès lors être élevée. L’exemple ci-après montre que l’introduction d’une clause de transférabilité pèse sur les rendements à hauteur de 2,4 %.
4) Des restrictions relatives à la distribution des dividendes soumises à condition – Les restrictions relatives à la distribution des dividendes constituaient jusqu’alors une protection supplémentaire pour les détenteurs d’obligations à haut rendement. Ces restrictions empêchent les propriétaires d’entreprises de prélever d’importantes sommes de liquidités et de laisser derrière eux des entreprises fortement endettées et des bilans moins solides. Lorsqu’une entreprise dégage un chiffre d’affaires solide et que les propriétaires souhaitent se verser un dividende substantiel, il leur faut normalement refinancer la dette ou trouver un accord avec leurs créanciers obligataires au préalable. Par conséquent, les protections à l’achat s’appliquent et les détenteurs des obligations sont en mesure de partager les dividendes. Cependant, un nouveau mécanisme a été introduit, lequel a permis d’alléger les restrictions sur le versement des dividendes afin de permettre aux propriétaires d’entreprises soumises à des critères d’endettement de ne pas limiter le versement des dividendes. Ce dispositif limite la capacité des propriétaires à inscrire un nombre illimité de dettes au bilan, sans pour autant qu’ils aient à refinancer la dette. Par conséquent, les créanciers obligataires perdent du pouvoir de négociation et sont susceptibles de perdre de l’argent dans certaines situations. Dans l’exemple ci-dessous, l’incidence sur la performance est de 1 %.
Il convient dès lors de s’interroger sur les moyens dont disposent les investisseurs pour faire face à ces changements préjudiciables. La résistance collective serait probablement leur meilleur moyen pour les investisseurs de défendre leurs droits. Mais cette stratégie est difficilement soutenable compte tenu du succès rencontré par les obligations à haut rendement et de la nécessité pour les investisseurs de placer leurs liquidités. En attendant un repli du marché, lequel se traduira par un basculement du pouvoir de négociation en faveur des créanciers obligataires au détriment des émetteurs, la stratégie la plus avisée consiste à analyser les changements au cas par cas et d’en prendre en compte les effets dans leurs exigences de rendement. De cette manière, les investisseurs seront au moins en mesure d’exiger une prime de risque appropriée pour compenser l’effet de ces changements et, dans les cas où ils jugeraient la prime de risque insuffisante, ils peuvent choisir de ne pas faire valoir leurs droits. En attendant, l’adage « que l’acheteur soit vigilant » est plus que jamais de mise…
Au cours des 12 derniers mois, les investisseurs ont changé d’attitude à l’égard des obligations des marchés émergents, l’optimisme affiché jusqu’alors laissant place au pessimisme. La prise en compte, dans le cours des titres, de la réduction du programme d’assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale (Fed) et la hausse des rendements des bons du Trésor américain ont alimenté en grande partie ce revirement de tendance lié aux préoccupations concernant l’interruption soudaine des flux de capitaux et la volatilité des devises. Les économies des marchés émergents devront s’adapter à la baisse des flux de capitaux, cet ajustement s’effectuant sur plusieurs fronts et sur plusieurs années.
Tous les pays émergents n’en sont pas au même stade dans ce processus de rééquilibrage. Dans certains cas, ce dernier peut même s’avérer inutile. Aussi, l’ampleur du rééquilibrage nécessaire doit être évaluée au cas par cas, dans la mesure où les coûts économiques et politiques doivent être comparés aux avantages potentiels. En général, il s’agit de réduire les vulnérabilités extérieures comme les déficits courants importants (notamment ceux qui sont financés par des flux de capitaux volatils), corriger les lourds déficits budgétaires et les fragilités du secteur bancaire, ou équilibrer l’économie réelle entre investissement, crédit et consommation.
Dans la dernière édition de notre série Panorama, nous examinons les principaux canaux de transmission, les réponses politiques apportées et l’évolution du cours des actifs. Nous soulignons par ailleurs les risques et les opportunités qui se présentent au sein de la classe d’actifs. Dans cette analyse, nous mettons l’accent sur la dette souveraine libellée en devise forte et en devise locale.