En 1714, un Britannique du nom de Bernard Mandeville publia un poème intitulé « La Fable des abeilles », portrait satirique d’une ruche remplie d’abeilles nanties vivant dans le luxe. Un jour, certaines d’entre elles vinrent se plaindre du peu de vertu de leur style de vie. Les abeilles renoncèrent à la cupidité et aux excentricités, et cessèrent de dépenser à tout va. La prospérité disparut alors brutalement de la ruche. C’est là le paradoxe de Mandeville : sobriété et vertu ne sont pas source de prospérité et de domination commerciale. En d’autres termes, si les gens dépensaient plus, ils seraient plus riches.
À l’époque, cette théorie était révolutionnaire. La sagesse populaire voulait en effet que la meilleure manière de s’enrichir fût l’épargne, et non la dépense. Pourtant, si les gens achètent plus, ils créent un cercle vertueux dont tout le monde profite : créations d’emplois, hausse des salaires, augmentation des bénéfices et progression du niveau de vie.
C’était il y a 300 ans. Aujourd’hui, le monde développé est un monde de consommation. De manière générale, nous avons cessé de produire il y a bien longtemps. Les entreprises ont rapidement compris l’intérêt de délocaliser la production pour profiter de la faiblesse des salaires dans les pays émergents. Le prix des biens a fortement baissé, les entreprises faisant profiter le consommateur final d’une partie des économies réalisées sur les coûts.
Aux États-Unis, les dépenses de consommation des ménages (c’est-à-dire la valeur de marché de l’ensemble des biens et services que ces derniers achètent) représentent environ 68 % du PIB. Au Royaume-Uni, cette proportion est d’environ 65 %, contre 56 % en Allemagne et 61 % au Japon. La consommation constituant les deux tiers du PIB de ces grands pays développés, son augmentation est globalement synonyme de rebond de la croissance économique.
Rien de nouveau sous le soleil de l’économie et de la gouvernance des États. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est une étude du FMI publiée en fin d’année dernière, intitulée « The Rich and the Great Recession » (« Les riches et la Grande Récession »). Analysant la récession américaine de 2008-2009, les auteurs estiment que les explications macroéconomiques traditionnellement mises en avant pour expliquer la récession sont erronées. Selon eux, les riches (c’est-à-dire ceux qui se trouvent dans les 10 % de salaires les plus élevés et dont le patrimoine net moyen s’établit à 3,3 millions de dollars) sont à l’origine des variations de consommation lors des périodes de prospérité et de récession (notons que l’aspect financier de la crise n’est pas évoqué dans l’article).
Bien que la crise financière ait éclaté il y a plus de six ans, les économistes continuent d’examiner les débris de l’économie mondiale pour tenter de découvrir ce qui a bien pu la déclencher. Deux scénarios macroéconomiques se distinguent :
- Le scénario des inégalités: depuis les années 1980, les revenus des riches (très prompts à épargner) ont explosé alors que ceux de la classe moyenne ont stagné. Les riches ont prêté à la classe moyenne, qui a utilisé cet argent pour spéculer dans l’immobilier et maintenir son niveau de consommation (ce que l’on appelle, en termes techniques, « en avoir toujours autant que le voisin »). La classe moyenne a fini par se trouver engluée dans le surendettement et a cessé d’acheter des logements, dont les prix se sont effondrés. Résultat : les propriétaires ont a) cessé de payer leurs traites ou b) puisé davantage dans leur épargne pour éponger leur dette. L’envolée des prix de l’essence en 2004-2007 a encore assombri les perspectives de rebond économique tiré par la consommation.
- Le scénario du patrimoine: l’envolée des prix des actifs pendant les années fastes a incité les consommateurs à dépenser, faisant baisser le taux d’épargne. Lorsque les prix ont commencé de chuter, le patrimoine des ménages a baissé, entraînant un effondrement de la consommation.
Ces deux scénarios sont très largement axés sur la classe moyenne (c’est-à-dire les 90 % de ménages américains les plus pauvres en termes de revenus) ainsi que sur l’impact des prix de l’immobilier sur la consommation et l’épargne. Ce qui est intéressant dans l’article du FMI, c’est qu’il apporte une analyse inédite du comportement des riches avant la crise, alors qu’aucun des deux scénarios ne se penche sur leur rôle dans le cycle économique. L’article propose des conclusions potentiellement intéressantes pour les dirigeants politiques désireux de relancer la croissance économique.
Il est généralement admis que les riches ont une propension marginale à consommer moins importante que les plus pauvres. Le taux d’épargne des ménages américains a reculé à 2,5 % sur les trente dernières années, ce qui suggère que c’est le scénario du patrimoine qui est le plus juste, car c’est cette forte augmentation de la richesse des ménages qui a alimenté la consommation.
Pour que le scénario des inégalités se vérifie, il faudrait que le taux d’épargne augmente, la redistribution des revenus en faveur des riches créant un excédent de thésaurisation. La plupart des économistes expliquent cette énigme (progression des inégalités et baisse de l’épargne) par l’hypothèse d’une réduction de l’épargne de la classe moyenne plus forte que l’augmentation de celle des riches. Les économistes du FMI penchent, eux, pour une autre explication : l’augmentation de la consommation de la classe moyenne s’est accompagnée d’un déclin de l’épargne des riches.
La théorie qui veut que la baisse du taux d’épargne qui a fait flamber les prix de l’immobilier trouve son origine dans la classe moyenne est fausse. Tout d’abord, ce mouvement de recul avait commencé plusieurs décennies avant la récession de 2008. En outre, les riches perçoivent aujourd’hui une part tellement grande des revenus qu’il est quasi impossible que leur taux d’épargne s’éloigne fortement de la moyenne. Le graphique ci-dessous montre que la corrélation entre part des revenus perçue par les riches et taux d’épargne est très négative, ce qui signifie que plus la part des revenus perçue par les riches augmente, plus le taux global d’épargne baisse.
La conclusion est la suivante : les riches ont joué un rôle majeur dans les dents-de-scie du cycle de consommation, parce que ce sont eux qui perçoivent la majeure partie des revenus et qui ont vu leur patrimoine augmenter pendant cette période. Les inégalités de revenus aux États-Unis n’ont jamais été aussi grandes qu’aujourd’hui ; les 10 % d’Américains les plus riches détiennent 85 % des actifs financiers. L’assouplissement quantitatif et la faiblesse inédite des taux d’intérêt n’ont fait que renforcer la valeur de ces actifs, car les portefeuilles des investisseurs ont été rééquilibrés pour mettre l’accent sur les titres dont les rendements sont les plus élevés.
Les auteurs concluent leur article ainsi : « les riches représentent aujourd’hui un pan tellement grand de l’économie et leur patrimoine est devenu si important et si volatil que l’impact de l’effet richesse sur leur consommation a désormais des répercussions significatives sur l’économie. De fait, les riches sont probablement responsables de la majeure partie des variations de la consommation globale pendant les cycles de prospérité-récession ». Cette conclusion est tout à fait différente des scénarios traditionnellement avancés pour expliquer le cycle économique, ces derniers mettant l’accent sur le rôle de la classe moyenne.
Les riches constituent de plus en plus le moteur de la consommation, élément central de la croissance économique des pays développés. Si les dirigeants politiques veulent relancer le PIB, ils doivent encourager les riches à dépenser et à réduire leur épargne.
Les observations faites par Mandeville il y a trois siècles n’ont rien perdu de leur pertinence : les économies développées du 21ème siècle continuent de dépendre des riches.
Ces dernières années, la croissance rapide du marché des obligations hybrides d’entreprises (non financières) a offert aux investisseurs à revenu fixe une opportunité d’accéder à un flux de revenus qui s’apparente à celui du marché des actions. Tout comme les actions, les obligations hybrides sont perpétuelles par nature (bien qu’il existe une option d’achat), et permettent à l’émetteur d’exercer un certain pouvoir d’appréciation concernant le paiement des coupons. Et bien qu’en cas de liquidation, ces obligations priment sur les actions ordinaires, elles sont contractuellement subordonnées aux titres de premier rang plus communément émis.
Comme nous l’avons déjà écrit en 2010, le motif qui incite à émettre des capitaux hybrides est clair. Les agences de notation accordent certaines caractéristiques bénéfiques des actions aux titres hybrides en fonction de l’émetteur et de la structure en question ; ceci permet de maintenir la note d’un émetteur, qui, autrement, serait basée uniquement sur ses fonds propres. Les titres hybrides ne nécessitent pas la dilution des détenteurs existants ni que ces derniers sacrifient leur droit de vote. De plus, à des fins fiscales, les émetteurs peuvent également traiter les titres hybrides comme de la dette en déduisant les coupons de l’assiette de leurs revenus imposables.
Du point de vue d’un émetteur, les chiffres pourraient être les suivants. Faisons quelques hypothèses de base : une société européenne peut émettre des titres à 7 % et des dettes senior à 1,5 % en moyenne, ce qui se traduit par un taux d’1 % après impôt. Faisons également l’hypothèse que les agences de notation appliquent 50 % de crédit action pour les capitaux hybrides.
Donc pour arriver à un mélange 50/50 actions/dette, le trésorier d’une société doit émettre des capitaux hybrides à environ 3 %, dont le coût réel est de 2 % après impôt ; ou émettre un mélange de 50 % de titres à 7 % et de 50 % de dette senior à 1 % après impôt. Le coût mixte de ce dernier mélange est de 4 %, soit environ 2 % plus cher qu’une émission de capitaux hybrides.
Par conséquent, l’argument en faveur de l’émission de titres hybrides est assez convaincant et sera soutenu à l’avenir sur les marchés à revenu fixe. Cependant, du point de vue des investisseurs, la situation est peut-être un peu plus nuancée.
Comme tous les actifs de marchés financiers, le marché des capitaux hybrides a été soutenu ces dernières années par un taux d’escompte extrêmement faible. Dans un monde où les rendements se font rares et où l’exposition aux titres de dette émis par des multinationales est privilégiée, le marché des capitaux hybrides présente de nombreux avantages. De fait, pour obtenir les rendements moyens offerts par les hybrides d’entreprise avec une note moyenne de BBB/BBB-, un investisseur doit investir dans la dette senior de sociétés notées BB-/B+, ce qui permet de remonter de quatre rangs, sans oublier que les notes des titres hybrides sont déjà inférieures de plusieurs rangs aux notes de leurs obligations-mères du fait de la subordination contractuelle.
Les titres hybrides font d’ores et déjà partie des principaux bénéficiaires de l’expansion du bilan des banques centrales de ces dernières années. En janvier seulement, le marché a augmenté de 2,73 % après l’annonce par la BCE de la mise en place des mesures d’assouplissement. Et avec des rendements des obligations d’entreprises industrielles de haute qualité quasi nuls, le ratio entre capitaux hybrides et dettes senior est plus prometteur que jamais bien que la prudence soit de mise étant donné que le dénominateur est très proche de zéro.
Les investisseurs européens souhaitant plus que jamais détenir des titres leur offrant des rendements de qualité, les émetteurs et les investisseurs continueront sans doute de lancer un regard favorable sur ce marché. La question reste cependant posée : aura-t-on, des deux côtés, la même impression favorable sur ces titres dans plusieurs années ?
Les billets récents de Matt et James ont évoqué certains des problèmes des marchés en présence de taux négatifs. À l’évidence, il ne s’agit plus simplement d’un débat théorique. Les implications pour les investisseurs sont bien réelles. Pourquoi les investisseurs acceptent-ils des taux négatifs alors qu’ils pourraient détenir des liquidités ?
Si l’on récapitule en prenant l’exemple du franc suisse, d’un point de vue économique, un épargnant n’a pas intérêt à déposer un billet en franc suisse sur un compte bancaire offrant un rendement négatif, car il perdra de la valeur jusqu’à son retrait, en raison des taux négatifs.
Toutefois, la possession d’espèces comporte des risques, car elle n’offre pas la sécurité d’un compte bancaire (paiement à partir d’un coffre-fort électronique). Un coffre-fort à l’ancienne n’est pas aussi pratique qu’un compte bancaire, mais s’impose de plus en plus comme un choix logique à mesure que les taux plongent. Cette demande d’actifs matériels (au lieu de chiffres sur un écran) ne se limite pas au compte à vue. En théorie, la chute des taux d’intérêt sous zéro devrait s’accompagner d’une vente d’obligations par leurs détenteurs au profit de liquidités placées dans un coffre. Est-ce judicieux ?
L’utilisation de la monnaie fiduciaire comme moyen d’épargne présente un problème : sa liquidité inégalée la rend particulièrement vulnérable aux incendies et au vol. Pour tout épargnant, l’utilisation d’un compartiment d’un coffre-fort résistant au feu dans une banque ou en lieu sûr loin de chez lui est le meilleur choix. Néanmoins, la solution optimale repose sur les économies d’échelle. Peut-on y parvenir facilement ?
Pour un investisseur, la diversification tombe sous le sens. Il doit répartir ses liquidités parmi un vaste éventail de compartiments de coffre-fort en des lieux sûrs géographiquement dispersés. C’est déjà mieux, mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile par les temps qui courent. Pourtant, il y a peut-être un moyen d’atteindre ces objectifs de façon efficace et économique.
Lorsque les taux d’intérêt sont négatifs, il y a probablement suffisamment d’investisseurs prêts à conserver des espèces pour justifier la mise en place d’un système de coffres-forts par une banque ou un établissement financier. Autrement dit, le niveau de sécurité et de diversification géographique serait élevé. Pour que les investisseurs aient facilement accès aux liquidités, des certificats de dépôt peuvent être délivrés au format papier ou, de préférence, au format électronique. Le transfert d’argent n’en est que plus aisé, car il suffit de se rendre à l’établissement de dépôt le plus proche pour lui confier son argent ou pour l’en retirer, ou à la banque la plus proche, si elle accepte les dépôts et les retraits d’espèces. Vous possédez donc un compte bancaire dont le solde ne peut pas être prêté, mais qui supporte des frais de garde. Vous pourriez même créer des marchés de produits dérivés négociés en bourse et liés à des liquidités détenues dans un établissement de dépôt afin de permettre à des particuliers et des investisseurs institutionnels de conserver leurs espèces sans rendement négatif. Un nouveau système d’épargne pourrait être mis en place malgré les rendements négatifs et limiter ainsi l’incursion des taux d’intérêt à court et à long terme en territoire négatif.
Certes, toute l’épargne devrait prendre la forme d’argent fiduciaire, d’où une forte demande de billets. Si les espèces sont déposées, mais ne sont pas prêtées, l’argent injecté dans l’économie réelle et destiné aux transactions normales va diminuer. De quoi faire planer la menace déflationniste, ce qui contredit l’objectif visé par la politique des taux d’intérêt négatifs.
Lorsque les espèces sont sonnantes et trébuchantes, on peut difficilement s’attendre à des taux d’intérêt résolument négatifs, puisque la dette et la masse monétaire des États relèvent de la compétence d’une seule et même institution, les deux étant parfaitement fongibles. Au pire, la politique monétaire des taux d’intérêt négatifs pourrait enclencher une spirale déflationniste. La seule politique encore disponible pour relancer l’inflation est probablement un assouplissement quantitatif digne de ce nom, et pas des mesures en demi-teinte (voir mon dernier billet).
Imaginez-vous la scène : une salle de réunion, au quarantième étage d’une tour, une baie vitrée du sol au plafond avec vue panoramique sur Londres en arrière-plan. Hans Schmidt, directeur financier d’une multinationale de biens de consommation de premier plan, siège derrière une table en acajou poli. Chad « Ace » Jefferson III fait son entrée. Il est le dernier d’une longue série de banquiers d’investissement à qui il a été demandé de couvrir sa société. Chad est suivi de cinq banquiers juniors tirés à quatre épingles, dont la seule ambition semble se résumer à porter le package de présentation de Chad.
«Hans! Mon pote ! Tope là ! ». Chad prononce ces mots presque en criant au moment où il franchit le seuil de la pièce avec sa main levée.
Hans le regarde, livide, refusant de se laisser aller à une telle vulgarité en retour. Il se lève et tend sa main.
« Bonjour M. Jefferson », marmonne-t-il, déjà légèrement exaspéré.
« Ah vous les Suisses! J’adore votre formalisme! C’est génial ! », s’exclame Chad avec un sourire radieux tout en serrant la main qui lui est offerte.
« Soit. J’ai accepté ce rendez-vous car vous m’avez parlé de l’opportunité d’une vie pour notre entreprise Chad. Si cela ne vous dérange, je vous propose que l’on s’en tienne à cela ».
« Ok, ok! Voici le topo ». Chad se retourne vers ses acolytes. Il aboie : « Jean-Philippe ! Bouge tes fesses et donne à Herr Schmidt la présentation, fissa !”
Il poursuit : « OK, je vais la faire courte ». Il balaye d’un revers de main la présentation sur laquelle Jean-Philippe a travaillé jusqu’à quatre heures du matin. « Maintenant que la BCE s’est résolue à lancer un programme d’assouplissement quantitatif digne de ce nom, une grande partie des emprunts d’État offrent désormais un rendement négatif. Cela veut dire que l’occasion de financer vos activités à coût réduit n’a jamais été aussi bonne. Voilà le topo… »
Chad se penche vers Hans et, de manière presque inaudible, lui assène son coup fatal.
« Avec notre aide, votre société pourrait émettre une obligation qui ne lui coûterait pas un centime ». Chad se relève soudainement et se met à faire les cent pas.
« Je te parle d’une obligation sans coupon Hans! De l’argent gratuit ! Pas de taux d’intérêt! C’est de toute beauté. Réfléchis un peu : une obligation de 500 millions EUR émise à un coût de financement nul. Nous pouvons refinancer une grande partie de votre dette et réduire le coût des intérêts à zéro. Cela se répercute immédiatement sur le bénéfice de la boite. Je te parle d’une hausse du bénéfice par action énorme mon pote ! Le conseil d’administration t’aura à la bonne pour ça Hans ! C’est un cas d’école ! BOOM ! » Chad illustre son propos en jetant la présentation dans la corbeille la plus proche, au grand dam de Jean-Philippe qui ne peut contenir une grimace.
Hans se tourne vers Chad et déclare : « OK, je vous écoute. Cela m’a l’air intéressant. Mais pourquoi un investisseur voudrait acheter les obligations de ma société sans un coupon rémunérateur ? Cela ne va-t-il pas à l’encontre de ce que doit être une obligation d’entreprise ? »
« Bonne question Hans ! Il s’agit ici de choisir le moindre mal. En tant qu’investisseur obligataire, acheter une obligation d’entreprise d’une société jouissant d’une bonne réputation comme la vôtre pour un rendement nul peut s’avérer une option plus judicieuse que d’acheter une obligation d’État avec la garantie de perdre de l’argent à l’échéance. Vous profitez toujours d’un écart de crédit au final. En plus, si vous pensez que la zone euro va entrer en déflation, un rendement nominal zéro équivaut à un rendement réel positif. Dans les deux cas, c’est tout bénéf pour vous. Incroyable, je sais, mais vrai ! »
Chad se rassoit, avec un sourire encore plus large qu’avant, se retenant avec peine de frapper l’air de son poing.
Fin
Je m’empresse de préciser que le récit ci-dessus n’est que pure fiction (mal écrite de surcroit…) mais il est probable que ce genre de conversations deviennent réalité dans un avenir proche.
Dans sa note aux investisseurs du 4 février, Jim Reid de la Deutsche Bank révèle que l’obligation Nestlé à échéance 2016 a terminé la séance avec un rendement de -0,002%.
Le marché envoie principalement un message sans précédent aux émetteurs d’obligations d’entreprise bien notés eu égard au prix de leurs obligations. Ce message est le suivant : « Nous sommes prêts à vous prêter de l’argent sans exiger de rendement nominal positif en échange ».
La conséquence immédiate de cet état de fait est une nouvelle réduction du coût de financement potentiel pour la dette à court terme, notamment pour les entreprises notées investment grade. Cela pourrait entraîner une nouvelle quête de réduction des coûts de financement. Par ailleurs, les entreprises pourraient émettre des obligations à court terme à coupon zéro pour la première fois. Le meilleur des mondes effectivement.