Ben Bernanke s’est longuement étendu dans son blogue sur les raisons des taux d’intérêt si faibles (Martin Wolf du Financial Times a aussi consacré une colonne à ce sujet en début de semaine). Pour faire bref, les taux d’intérêt nominaux et les rendements bas sont imputables à l’inflation quasi inexistante. Toutefois, cela n’explique pas pourquoi les taux d’intérêt réels sont si faibles. M. Bernanke ne croit pas que le niveau des taux d’intérêt réels se résume à une manipulation de la Fed (si les banques centrales avaient délibérément et exagérément abaissé les taux, les économies seraient en surchauffe et, pourtant, c’est tout le contraire qui se produit actuellement). La raison est à chercher du côté de la croissance anémique des pays industrialisés. Toutefois, il considère que c’est sans rapport avec la stagnation séculaire et penche davantage pour les déséquilibres mondiaux persistants.
En tant que gestionnaires de fonds, nous sommes au moins aussi intéressés par ce qui sous-tend les rendements obligataires à long terme que par les facteurs exerçant une influence sur les taux directeurs des banques centrales et les rendements à court terme. Or, les taux à court et long terme ont affiché des comportements radicalement différents dernièrement. Les prévisions du marché concernant le premier relèvement des taux ont été globalement stables depuis le premier trimestre 2014 et, pourtant, les rendements des bons du Trésor à 10 ans ont chuté, passant de 3 % en janvier 2014 à près de 1,6 % début 2015 et sont maintenant revenus à 2,2 %. Comme l’explique M. Bernanke, tout est en rapport avec la prime à terme.
Les rendements des bons du Trésor à long terme sont composés de trois éléments : prévision d’inflation, trajectoire prévue des taux d’intérêt à court terme et prime à terme. Cette dernière désigne le rendement excédentaire exigé par les investisseurs pour choisir une obligation à long terme plutôt qu’une série d’obligations à court terme. Elle devrait normalement être positive, car les investisseurs attendent que le surcroît de rendement compense le risque associé à la possession d’obligation à long terme (par exemple, mouvements inattendus de l’inflation ou de l’économie dans son ensemble, ou incertitude concernant l’évolution future des taux directeurs). Néanmoins, la prime à terme s’est effondrée en 2014 et est même devenue négative pendant les premiers mois de 2015 selon plusieurs indicateurs. Selon le modèle ACM de la Réserve fédérale de New York*, le redressement des bons du Trésor américain en 2014 était entièrement attribuable à ce phénomène, sans lequel le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans aurait atteint son plus haut niveau de puis 2008 en décembre 2014. En outre, sans le rebond de la prime à terme enregistré depuis février, les rendements des bons du Trésor américain n’auraient pas subi le mouvement de vente des trois derniers mois et se seraient ressaisis.
D’où LA grande question : quel est le facteur déterminant de la prime à terme ? D’un point de vue historique, le facteur le plus important a été l’inflation et la perception du risque d’un regain soudain d’inflation. Le niveau actuel de la prime à terme laisse penser que les investisseurs estiment cette éventualité comme peu probable. La prime à terme est généralement contracyclique (elle augmente en périodes de récession et de volatilité macroéconomique) probablement parce que les investisseurs ne sont pas certains de l’orientation future de la politique de la Fed.
En ce qui concerne la demande, les faits tendent à démontrer que la prime à terme chute lorsque les investisseurs privilégient les valeurs refuge, comme lors du défaut de la Russie et de la faillite de Long Term Capital Management en 1998 (certes, elle s’est fortement redressée immédiatement après la crise financière mondiale). Le programme d’assouplissement quantitatif de la Fed a probablement pesé sur la prime à terme, tout comme les évolutions de la réglementation qui encouragent les banques, les courtiers, les assureurs et les fonds de pension à acheter davantage d’obligations.
Les facteurs de l’offre ont également joué un rôle (la fameuse « énigme » d’Alan Greenspan). En effet, la baisse de la prime à terme a entraîné celle des rendements à 10 ans, malgré le relèvement des taux courts par la Fed, ce qui peut s’expliquer en partie par la part considérable des obligations à court terme parmi les émissions du Trésor américain entre 2001 et 2006 (par ailleurs, les nombreux achats étrangers de bons du Trésor américain ont probablement tiré la prime à terme vers le bas ; cela s’appelle l’« excès d’épargne »). Le caractère prévisible de la politique de la Fed a aussi certainement contribué à cette tendance, puisqu’elle a relevé les taux de 0,25 % au cours de 17 réunions consécutives).
Ce qui laisse perplexe M. Bernanke, ainsi que de nombreux investisseurs, c’est la contraction de la prime à terme tout au long de 2014 alors que les indicateurs de l’économie américaine étaient au beau fixe, que les achats du programme d’assouplissement quantitatif étaient progressivement abandonnés et que l’incertitude et l’aversion au risque restaient stables. Il envisage deux explications : la morosité économique en dehors des États-Unis et l’intervention des autres banques centrales qu’elle a entraînée, qui ont peut-être eu des répercussions sur les bons du Trésor américain, et la chute des cours pétroliers à la même époque que la prime à terme. Cependant, ces deux hypothèses ne lui semblent pas « entièrement satisfaisantes » (comprendre : pas satisfaisantes du tout).
De mon côté, j’avancerais que la dynamique en marche en dehors des États-Unis a été un facteur déterminant dans l’effondrement de la prime à terme américain.
La figure ci-dessous montre qu’au cours des 25 dernières années, la remontée des rendements américains par rapport aux rendements allemands et britanniques a entraîné une réduction de la prime à terme américain, et vice versa. Il est possible que la remontée des rendements sur les obligations américaines à long terme, entraînée par la hausse des prévisions des taux des fonds fédéraux (conséquence de la bonne santé de l’économie américaine ?) encourage l’afflux de capitaux étrangers vers les bons du Trésor, conduisant à un tassement de la prime à terme américaine. La baisse des rendements aux États-Unis a l’effet contraire.
Cette explication n’en devient que plus crédible lorsqu’on prend en compte la corrélation assez étroite entre la prime à terme américain et le taux de change EUR-USD depuis 2009 (voir figure ci-dessous) C’est lié au point ci-dessus, car les différentiels des rendements obligataires à court terme sont généralement un facteur important des mouvements de change, mais cela nous suggère aussi que l’écart entre les situations économiques et les politiques monétaires de la Fed et de la BCE a eu un effet non négligeable sur la prime à terme des bons du Trésor américain à 10 ans.
Plus récemment, le mouvement de vente massif d’obligations au niveau mondial en a surpris plus d’un, les indicateurs de l’économie américaine ayant été constamment défavorable à ce marché. Comme mentionné plus haut, ce phénomène peut être attribué entièrement à la hausse récente de la prime à terme. J’insiste sur un fait : l’Europe y est probablement aussi pour quelque chose. En 2014, les obligations d’État européennes se sont inscrites en forte hausse sur fond de morosité économique en zone euro et d’expectative créée par l’imminence du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE, qui s’est finalement révélée justifiée. Néanmoins, les rebondissements du cas grec en octobre, et plus encore depuis décembre, semblent avoir poussé les investisseurs vers les obligations d’État des grands pays européens considérées comme sûres, comme le montre la corrélation extrêmement négative entre les rendements des Bunds et ceux des obligations grecques.
Quelles sont les conséquences de tout ce qui précède ? Quelle conclusion principale peut-on en tirer ? Plusieurs facteurs entraînent la prime à terme américaine à la hausse ou à la baisse, et des études antérieures ont mis en lumière la corrélation des primes à terme de différents marchés, mais l’Europe et la BCE semblent avoir joué récemment un rôle décisif. De la même façon que la politique monétaire non conventionnelle des États-Unis s’exportait jusqu’en 2014 (surtout vers les marchés émergents), le relâchement de la politique monétaire de la BCE (et dans une moindre mesure de la banque centrale du Japon) est désormais importé par les États-Unis.
Il est ressorti pour les investisseurs que les rendements des obligations américains à long terme n’ont que peu de rapport avec des facteurs internes des États-Unis, tout du moins récemment. L’évolution des rendements obligataires en zone euro ne s’explique pas seulement par l’assouplissement quantitatif. Même si l’engorgement de certaines positions a peut-être exacerbé le mouvement de vente massif récent des Bunds, la Grèce a probablement exercé une influence plus prononcée que certains ne le croisent sur les primes à terme au niveau mondial au cours des six derniers mois. Par conséquent, la Fed ne maîtrise pas totalement sa politique monétaire, puisque celle-ci ne porte pas seulement sur les taux d’intérêt à court terme (principalement les taux des fonds fédéraux), mais aussi sur ceux à long terme (Matt a écrit un billet à propos d’un excellent article de BRI sur ce sujet en 2013). Si les facteurs mondiaux provoquent une baisse excessive des taux d’intérêt longs américains, au point de doper outre mesure l’économie (le vase communicant le plus évident concerne le marché immobilier), la Fed doit intervenir. Elle doit se prononcer en faveur d’une remontée des taux à long terme. C’est précisément ce que semble avoir tenté Janet Yellen il y a quelques semaines (le compte rendu de la réunion d’hier du FOMC mentionnait également la prime à terme). Si cela ne fonctionne pas (résultat très probable si la prime à terme subit surtout l’influence de facteurs externes), elle devra procéder à un relèvement des taux courts plus énergique que ce qui serait normalement nécessaire. Si la situation s’améliore aux États et que la Fed veut vraiment provoquer un bond de la prime à terme, elle peut évoquer la possibilité d’une vente de ses titres américains (c’est d’ailleurs le thème d’un billet récent de Richard).
*La prime à terme n’est pas directement mesurable. Il en existe plusieurs définitions et plusieurs modèles. Le modèle Kim-Wright, amplement utilisé, donne des résultats globalement similaires à ceux du modèle ACM. Néanmoins, la BRI utilise un modèle qui offre un niveau bien moindre (-2 %) début 2015, malgré une tendance générale proche.
Les chiffres du chômage aux États-Unis en avril ont démontré que la reprise économique se poursuivait. Désormais, la création d’emplois est perçue comme faible lorsqu’elle est inférieure à 200 000 postes par semaine et forte lorsqu’elle dépasse les 300 000. Lorsque les chiffres se situent dans cette fourchette, les économistes en concluent que le Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale (FOMC) est dans une attitude attentiste, que la croissance économique est raisonnable, que l’inflation ne suscite aucune inquiétude et qu’aucune remontée des taux d’intérêt n’est imminente…
… un peu trop facilement à mon goût.
Avec la chute du taux de chômage, la demande d’emploi va se tarir, entraînant alors des hausses salariales. L’inflation sera tirée vers le haut et le FOMC devra se résoudre à éliminer certaines mesures ultra-accommodantes de sa politique monétaire, notamment en relevant les taux d’intérêt. Dans un scénario extrême, où l’on parviendrait au plein emploi, il n’y a plus lieu de s’intéresser aux chiffres de la création de poste de travail. Par définition, la marge de création est mince dans cette situation, car il y a peu de personnes actives disponibles. Tout rapport faisant état de la création de 100 000 postes, voire moins, alors que l’économie utilise toutes ses capacités signale une croissance économique solide et des tensions inflationnistes ravivées.
Nous avons créé le graphique ci-dessous afin d’étudier les marchés du travail à mesure que l’on approche du plein emploi. Le graphique illustre le ratio des emplois créés sous forme de pourcentage de la main-d’œuvre disponible. Nous délaissons les chiffres de l’emploi pour nous intéresser davantage aux véritables tensions des marchés du travail.
On observe que les marchés du travail sont très tendus d’un point de vue historique et que les pressions exercées sur les salaires sont supérieures au consensus du marché. Les mesures préventives du FOMC prendront de court le marché (les contrats en eurodollars à 90 jours comportent une hausse des cours en décembre). En comparant avec les taux fédéraux historiques, on voit à quel point la réponse normale du FOMC à travers les taux d’intérêt est éloignée de la réalité du marché de l’emploi pour ce cycle. Généralement, lorsque les nouveaux emplois non agricoles en pourcentage des chômeurs atteignaient ce niveau de tension, le FOMC entamait un cycle de durcissement (en 1986, en 1993 et en 1999).
En économie, on fait souvent la part belle aux valeurs absolues, mais il faut creuser davantage et étudier les rapports. Compte tenu de la santé de l’économie américaine, je ne serais pas surpris de voir une croissance plus forte des salaires, un regain de tension inflationniste et une intervention du FOMC malgré une bonne tenue des chiffres de l’emploi non agricole en termes absolus. La création d’emploi et la faiblesse des taux de chômage finiront par entraîner une hausse des rémunérations, ce qui est loin d’être une bonne nouvelle pour les marchés obligataires.
L’ensemble des cours de la courbe obligataire a subi une correction rapide au cours des dernières semaines, démontrant de nouveau le risque que fait peser sur le capital toute hausse des rendements. Les principaux marchés obligataires d’Europe ont été plus ou moins touchés. Néanmoins, un segment du marché obligataire a fait preuve de résistance : les obligations à taux variable.
Nous avons déjà vanté certaines des caractéristiques très utiles de ces instruments lors de hausses des rendements, en particulier leur très faible sensibilité aux mouvements des marchés des obligations d’État. Autrement dit, une obligation assortie d’une duration faible ou inexistante représentant un bon investissement au cours des dernières semaines.
Pour preuve, le comportement des deux obligations récemment émises par l’opérateur de téléphonie mobile suisse Salt (anciennement Orange Switzerland), qui a refinancé sa dette en avril au moyen de quatre obligations différentes. Les deux qui nous intéressent ici se ressemblent en de nombreux points. Toutes deux sont libellées en euros, seniors et garanties, et ont la même échéance. Il y a néanmoins une différence capitale : l’une a un coupon fixe de 3,875 % tandis que l’autre a un coupon variable fixé nouvellement chaque trimestre (taux EURIBOR à trois mois en vigueur plus marge fixe de 3,75 %).
Ces deux instruments sont associés au même risque de crédit (risque que Salt fasse défaut sur ses obligations envers les créanciers), mais le passage d’un coupon fixe à un coupon variable modifie considérablement la sensibilité d’une obligation au marché des obligations d’État (cela correspond au chiffre de la duration du tableau ci-dessus). Avoisinant les six ans dans le premier cas, elle chute à près de zéro dans le deuxième. L’impact de cette différence en apparence minime qui a pourtant toute son importance est flagrant dans la performance relative des prix des obligations au cours qui suit leur émission.
Comme on peut l’observer, l’obligation à taux variable est effectivement protégée contre les mouvements du marché des Bunds allemands et s’est même valorisée de 1 %. En revanche, les obligations à taux fixe ont subi une perte de capital de 2 %. Cet écart de sensibilité aux taux d’intérêt débouche sur un différentiel relatif de 3 % pour la performance du capital en seulement quelques semaines.
Au cours des dernières semaines, les obligations à taux variable émises par des entreprises étaient correctement valorisées.
Par souci de transparence, nous vous informons que les fonds M&G détiennent des obligations émises par Salt.
Les rendements des obligations d’État sont extrêmement faibles à travers le monde. Le phénomène très inhabituel des rendements obligataires négatifs, même pour la dette des pays encore confrontés à une crise d’endettement, est désormais monnaie courante. En outre, les investisseurs cherchent à se protéger de la débandade des marchés obligataires au cours des dernières semaines (par exemple, l’obligation allemande « sans risque » à 2,5 % à échéance 2046 est en repli de 19 % depuis le sommet atteint le 20 avril). Le rendement du Bund allemand à 10 ans, qui fait si souvent figure de référence, est passé de seulement 0,075 % le 20 avril à 0,56 % en fin de semaine dernière, mais remettons les choses dans leur contexte : cela veut simplement dire que le niveau de début 2015 a été retrouvé.
Où les investisseurs obligataires doivent-ils allouer leurs fonds, en particulier après les mouvements récents des rendements ? Doivent-ils rester sur le segment des obligations d’État et jouir de la tranquillité d’esprit associée aux actifs sans risque ou assumer des niveaux de risque plus élevés afin de profiter du surcroît de rendement offert par les obligations investment grade et à haut rendement ? Peut-être faut-il se poser plutôt la question suivante : quel est le potentiel de baisse des obligations ?
Bien évidemment, il ne s’agit pas seulement de maximiser le retour sur investissement. L’investisseur doit absolument prendre en compte la volatilité qu’il est prêt à accepter pour obtenir plus de rendement.
Le graphique ci-dessous compare les pertes maximums (écart entre plus haut et plus bas) des obligations d’État et d’entreprise à travers le monde depuis les dates de lancement respectives (1986 pour l’indice des obligations d’État et 1996 pour l’indice des obligations d’entreprise investment grade).
Depuis 1986, les investisseurs en obligations d’État ont essuyé des pertes au cours de trois années civiles : -3,1 % en 1994, -0,8 % en 1999 et -0,4 % en 2013. La performance totale a été rarement négative, car les investisseurs reçoivent des coupons relativement importants et bénéficient d’une protection considérable (revenu) contre toute perte de capital. Aujourd’hui, la performance totale des marchés des obligations d’État est fortement tributaire des mouvements de capitaux et le revenu ne suffit pas sur un marché baissier tel que celui des obligations d’État. Il est intéressant de constater que les obligations d’État mondiales représentent une opportunité d’investissement formidable immédiatement après une année à performance négative (16,9 % en 1995, 8,1 % en 2000 et 8,4 % en 2014).
Les investisseurs en obligations d’État et d’entreprise investment grade bénéficient généralement d’une relative stabilité. Certes, on a bien assisté à un mouvement de vente massif en 1994. Or, celui-ci s’était seulement soldé par une perte totale d’environ 5 % pour les investisseurs. C’est la seule de cette ampleur depuis 29 ans. La perte maximum moyenne par année civile depuis 1986 s’élève à seulement 1,5 %. Par conséquent, les obligations d’État ont une position unique dans de nombreux portefeuilles, car elles sont considérées comme sûres, elles sont liquides et elles apportent la tranquillité d’esprit à de nombreux investisseurs.
Les obligations d’entreprise investment grade ont généralement constitué une bonne option de remplacement des obligations d’État avec un profil risque-rendement similaire. Elles entretiennent une corrélation bien plus étroite avec les obligations d’État, mais se caractérisent par un risque de taux d’intérêt faible. En outre, le taux de défaut historique des obligations d’entreprise investment grade est très bas. Depuis 1970, le taux de défaut total à 5 ans sur les obligations d’entreprise non financière investment grade en USD est de 1,1 %. Compte tenu du contexte macroéconomique, nous estimons toujours que les obligations d’entreprise investment grade offrent une valorisation intéressante par rapport aux obligations d’État, notamment parce que les investisseurs en obligations d’entreprise reçoivent un rendement adéquat pour a) le risque de défaut et b) le risque de liquidité.
Depuis 1997, la perte maximum a été enregistrée en 2008 (10 %), mais la très forte pondération historique des valeurs financières a résolument pesé, car c’est l’année d’une grande crise bancaire. La perte maximum moyenne par année civile depuis 1997 s’élève à seulement 1,9 % pour un rendement annualisé de 7,7 %. Sur la même période, les obligations d’État ont produit un rendement annualisé de 7 %.
Si l’on observe les pertes maximum par année civile, il devient évident que les obligations d’entreprise à haut rendement ont subi une volatilité supérieure à celle des classes d’actifs obligataires plus défensives. Depuis 1998, la perte maximum sur le segment à haut rendement a dépassé 5 % (pour une perte maximum annuelle moyenne de 5,6 %) en pas moins de 6 occasions.
Au cours des 29 dernières années, la moyenne des pertes maximums annuelles du marché actions mondial a été de 9,4 %. Les obligations d’entreprise à haut rendement ont d’ailleurs une corrélation plus importante avec les marchés actions que les obligations classiques. En effet, les obligations à haut rendement et les actions ont généralement une réaction similaire au comportement des indicateurs macroéconomiques, ce qui débouche parfois sur des profils de rendement similaires pour un cycle de marché complet. Certes, les actions sont une classe d’actifs distincte des obligations d’entreprise à haut rendement, mais, pour un investisseur obligataire, les actions peuvent être considérées comme des titres perpétuels et possèdent donc une duration du spread de crédit considérable. En outre, contrairement aux investisseurs obligataires, les actionnaires ont des droits plus ou moins inexistants sur les actifs de la société. Les obligations à haut rendement ont tendance à être moins volatiles que les actions, car la composante obligataire de la performance totale offre un surcroît de stabilité et, grâce au potentiel d’appréciation du capital, les obligations d’entreprise à haut rendement proposent une performance totale similaire (voire supérieure) à celle des actions à long terme.
Toutefois, lors des poussées d’aversion au risque, les obligations à haut rendement sous-performent généralement le marché obligataire dans son ensemble. En 2008, les investisseurs en obligations d’entreprise à haut rendement du monde entier, confrontés à un mouvement de vente massif, ont essuyé une perte de 33 % sur la valeur de leurs investissements. Les performances des titres à haut rendement étaient mauvaises, car leurs émetteurs ont un risque de crédit bien supérieur à celui des entreprises investment grade (depuis 1970, le taux de défaut total à 5 ans sur les obligations d’entreprise non financière à haut rendement en USD a été de 20,5 %) et les perspectives macroéconomiques du 4e trimestre 2008 n’avaient jamais été aussi pessimistes. Sur la même période, les obligations d’État se sont valorisées de près de 5 %. L’atout de ces dernières est donc évident : elles n’entretiennent globalement aucune corrélation avec les actifs plus risqués.
Les investisseurs en titres à haut rendement qui n’ont pas cédé à la tentation de vendre au plus haut de la crise de 2008 ont été dûment récompensés par le marché. De novembre 2008 à mars 2015, les obligations d’entreprise à haut rendement ont offert une performance totale de 172 % dans un environnement où les taux de défaut des titres à haut rendement mondiaux étaient exceptionnellement bas. Au cours de la même période, les actions mondiales ont affiché une performance totale de 135 %. On peut donc affirmer que les obligations d’entreprise à haut rendement se sont comportées plus comme des actions que comme des obligations classiques, telles que les obligations d’État.
À titre d’information, le trait bleu du graphique ci-dessous représente la performance d’un portefeuille équipondéré d’obligations mondiales depuis décembre 1997. Ce portefeuille a généré une performance annualisée de 7,9 % (similaire à celle des actions mondiales) pour une volatilité inférieure de moitié à celle d’un investissement exclusif en titres à haut rendement ou en actions.
L’analyse historique est intéressante, mais peut-on en retirer un enseignement pour évaluer les rendements futurs potentiels des obligations ?
Moyennant des hypothèses simplificatrices (tout mouvement des taux constitue un choc ponctuel, les rendements progressent uniformément sur toute la courbe et les devises restent stables), il est possible de modéliser tout mouvement de taux obligataires et de spreads d’obligations d’entreprise et de le comparer au rendement historique des obligations. Cela permet malgré tout d’avoir une idée générale de l’impact de la baisse des rendements sur la performance totale des obligations.
Tout d’abord, en partant du principe que les rendements des obligations d’État et les spreads des obligations d’entreprise ne changent pas et que les investisseurs reçoivent le rendement actuel jusqu’à échéance sur les classes d’actifs obligataires, les prévisions de performance totale à 12 mois :
- Obligations d’État mondiales : 1 %
- Obligations d’entreprise investment grade mondiales : 2,5 %
- Obligations d’entreprise à haut rendement mondiales : 6 %
Ensuite, d’après un scénario dans lequel le rendement des obligations d’État progresse de 1 %, mais où les spreads de crédit restent stables, la performance totale sur 12 mois est la suivante :
- Obligations d’État mondiales : -6,6 %
- Obligations d’entreprise investment grade mondiales : -4 %
- Obligations d’entreprise à haut rendement mondiales : 1,8 %
Les rendements étant à des niveaux historiquement bas, il n’y a jamais eu de protection (sous forme de revenu) contre la possibilité d’une chute des prix des obligations. Il suffit que les rendements des obligations d’État augmentent de 73 pb pour atteindre la perte record de 1994.
Enfin, le rendement de l’indice Global Government Bond a gagné 219 pb de janvier à novembre 1994, année au cours de laquelle les plus grandes pertes ont été enregistrées pour les obligations d’État mondiales. Un mouvement équivalent aujourd’hui (sans changement des spreads de crédit) déboucherait sur la performance totale suivante :
- Obligations d’État mondiales : -15,5 %
- Obligations d’entreprise investment grade mondiales : -11,7 %
- Obligations d’entreprise à haut rendement mondiales : -3,2 %
Nous pouvons donc tirer les conclusions suivantes :
- Le positionnement sur la duration contribue plus que jamais à la performance obligataire.
- La moindre hausse des rendements obligataires est susceptible d’entraîner une perte record pour les obligations d’État. La montée des taux d’intérêt ou de l’inflation pourrait entraîner une envolée des rendements obligataires.
- Les performances futures des obligations seront probablement très inférieures à celles obtenues jusqu’à aujourd’hui par les investisseurs.
- Il est normal pour les obligations d’État d’accuser parfois des pertes. Toutefois, les possibilités de perte n’ont jamais été aussi grandes compte tenu de l’effondrement des rendements obligataires à travers le monde.
- Si les spreads des obligations d’entreprise entamaient une remontée (parce que les investisseurs intègrent une prime de défaut plus élevée aux cours), tout comme les rendements des obligations d’État, les scénarios ci-dessus seraient alors optimistes.
Bien évidemment, il existe des raisons valables pour détenir des obligations d’État. Je les ai précédemment mentionnées. Étant donné le lourd endettement, les forces déflationnistes structurelles et l’épargne surabondante à travers le monde les rendements des obligations d’État risquent de ne pas retrouver les niveaux d’il y a deux ans avant longtemps. Comme le montre l’analyse des pertes ci-dessus, les obligations d’État et d’entreprise investment grade sont généralement moins volatiles, encaissent moins de pertes et entretiennent une corrélation moindre avec les actifs plus risqués, tels que les obligations d’entreprise à haut rendement et les actions.
Le ratio risque-rendement des obligations d’entreprise investment grade en fait une bonne solution de remplacement pour les investisseurs qui cherchent à abandonner les obligations d’État en raison des rendements faibles. Les actifs investment grade ont rarement affiché une performance négative au cours d’une année civile. Néanmoins, les investisseurs doivent savoir que la corrélation étroite des obligations d’entreprise investment grade avec les obligations d’État est un fait avéré. Autrement dit, tout mouvement de vente massif sur les marchés des obligations d’État est susceptible de peser sur les performances des obligations d’entreprise investment grade. Le recul des rendements des obligations d’entreprise jusqu’à des niveaux abyssaux a réduit la part du revenu dans la performance totale, bien que le spread de crédit proposé soit rémunérateur dans un environnement caractérisé par des défauts peu nombreux et une croissance économique solide.
À présent que les rendements sont extrêmement faibles et que les perspectives de performance des obligations sont décourageantes, il peut être tentant d’investir dans des actifs plus risqués. Les obligations d’entreprise à haut rendement sont davantage corrélées avec les actions, mais bénéficient d’une moindre volatilité. Les obligations d’entreprise à haut rendement ont une volatilité bien supérieure à celle des classes d’actifs obligataires plus défensifs et les portefeuilles peuvent donc essuyer des pertes sur un cycle de marché complet. Néanmoins, les rendements plus élevés proposés offrent une protection contre une éventuelle remontée des taux, tout comme la duration plus courte des actifs à haut rendement.
L’étude des performances, des pertes et des corrélations historiques donne une bonne idée de l’impact d’une hausse des taux généralisée sur les performances des obligations. Cependant, avec l’effondrement des rendements pour l’ensemble des obligations, les investisseurs sont exposés à un risque de perte sans précédent et la composante revenu de la performance totale ne devrait plus être suffisante pour compenser d’éventuelles baisses de performance du capital.
Réflexions sur certains événements qui se sont déroulés la semaine dernière.
Tout d’abord, les élections législatives britanniques et la débâcle des sondages d’opinion. Préalablement aux élections, nous avons rencontré quelques-uns des plus gros instituts de sondage et avons même organisé un événement Bond Vigilantes x Politics auquel a participé Anthony Wells of YouGov. Ces instituts ont tous, sans exception, insisté sur le caractère inhabituel de ces élections. En effet, alors que les conservateurs et les travaillistes apparaissaient au coude à coude dans les sondages, une défaite des premiers aurait constitué une première dans la mesure où a) David Cameron devançait nettement Ed Miliband à l’issue d’un sondage invitant les personnes interrogées à désigner le candidat qui ferait le meilleur Premier ministre et b) les conservateurs devançaient largement les travaillistes dans les sondages invitant les personnes interrogées à désigner le parti le plus à même de gérer les affaires économiques du pays. Ces deux questions ont de tout temps déterminé le gagnant des élections législatives. Ces deux résultats conciliés au concept « shy Tories » (théorie qui postule qu’un grand nombre de personnes votant pour les conservateurs ont honte de l’admettre en ce que cela pourrait être perçu comme un choix égoïste et que, par conséquent, ils mentent ou refusent de participer aux sondages d’opinion) ont toujours amené les sondages à sous-estimer la part réelle des votes conservateurs. Partant, le bon sens aurait dû amener les observateurs à réaliser que le chemin menant à une victoire potentielle des travaillistes était jonché d’obstacles majeurs. Cependant, tous les instituts de sondage anticipaient une victoire d’Ed Miliband. Il s’agit là d’une bonne leçon : il convient de faire fi des rumeurs en ce que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. C’est notamment le cas de l’Europe : pour quelle raison le vaste programme d’assouplissement monétaire lancé par la BCE et l’atténuation des mesures d’austérité budgétaire n’auraient-ils pas un effet positif sur la croissance de la zone euro ? Rien ne permet d’en douter (même si cet effet ne durera pas et pourrait être marginal, comme ce fut le cas au Japon). Pourtant, de nombreux observateurs anticipent un épisode déflationniste et une récession durables.
Deuxièmement, le gouvernement danois a annoncé un plan visant à interdire aux commerces d’accepter les règlements en espèces. Officiellement, cette mesure permettrait d’alléger les fardeaux administratif et financier et s’inscrit dans le cadre du programme de réformes destinées à stimuler la croissance. Il a été prouvé que le fait de régler ses achats principalement en espèces constitue un frein à la croissance du PIB. L’article cite une étude du cabinet McKinsey selon laquelle l’utilisation excessive d’espèces grèverait la croissance du PIB américain de 0,47% par an. La manipulation d’espèces est onéreuse et les règlements en espèces peuvent facilement échapper à l’imposition. Il existe cependant une autre raison incitant le Danemark à promouvoir le passage au tout scriptural. Les taux d’intérêt danois sont négatifs à l’heure actuelle et le taux de dépôt s’établit à -0,75%. Dans un monde caractérisé par la prévalence de l’argent liquide, un grand nombre d’acteurs économiques peuvent éviter de composer avec des taux d’intérêt négatifs simplement en retirant leur argent du système bancaire et en le stockant dans des coffres-forts ou sous leur matelas. En Suisse (où les taux d’intérêt sont également négatifs), 60% des billets en circulation sont des coupures de 1000 CHF, peut-être afin de faciliter leur stockage en dehors du système bancaire. Seuls la disparition de la monnaie physique et le passage au tout scriptural peuvent permettre aux banques centrales d’assurer un contrôle absolu sur leur politique monétaire. L’article écrit par Trond Andresen de l’Université norvégienne des sciences et (qui emprunte au travail de Paul Krugman sur la monnaie électronique) suggère par ailleurs que l’utilisation de monnaie électronique permettrait aux banques centrales de contrôler la vitesse de circulation de la monnaie en sus de la demande. La présence de taux d’intérêt négatifs devrait inciter les autorités monétaires à précipiter l’abandon de la monnaie fiduciaire.
Troisièmement, Tesla. J’en ai soupé des variations des cours du pétrole poussant mes investissements à la hausse ou à la baisse en fonction du bon vouloir de dictateurs ou de cartels à mesure qu’ils décident d’augmenter ou de réduire la production. Nous pourrions bientôt être libérés de cette ineptie. Tesla a annoncé la semaine dernière avoir reçu pour 800 millions USD de commandes (38 000 commandes) pour leur nouvelle batterie rechargeable destinées aux ménages et aux entreprises – Tesla est en rupture de stock jusqu’à mi-2016 et s’efforce d’augmenter sa capacité de production pour répondre à la demande. Chaque batterie pour parc domestique peut alimenter une maison en électricité pendant 5 heures (ce n’est pas beaucoup) pour un prix exorbitant pouvant aller jusqu’à 2300 GBP. Mais l’amélioration de l’autonomie et les efforts entrepris pour réduire le prix sont vraiment encourageants. Je pense qu’il s’agit là d’un progrès considérable pour la sécurité énergétique mondiale – j’avais jusqu’alors fondé tous mes espoirs sur la fusion nucléaire, mais les progrès ont été plutôt rares ces derniers temps. L’Europe a fait le choix d’investir en toute discrétion pour renforcer considérablement ses capacités de production d’énergie solaire. En 2014, le vieux continent à renforcer ses capacités de production d’énergie solaire à hauteur de 7,3 GW, dont 2,2 GW sous la forme de panneaux solaires sur les toits de maisons. À titre de comparaison, une grande centrale nucléaire produit 1,6 GW d’énergie (alors qu’elle est en activité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et non pas uniquement lorsque le soleil est là). La capacité à stocker de l’énergie de manière de plus en plus bon marché et efficiente devrait permettre la réalisation d’importantes économies. Tesla n’est pas la seule à montrer le chemin. Samsung construit également des batteries nettement plus grosses (de la taille d’un semi-remorque), qui sont désormais utilisées par des entreprises de production d’énergie. Ce n’est pas tant la réduction de la dépendance aux énergies fossiles qui me sensibilise que la réduction de la dépendance au réseau électrique national. Cela veut dire que la probabilité de voir l’humanité survivre à une catastrophe mondiale (guerre nucléaire, collision avec une météorite, attaques de zombie) augmente sensiblement, car la micro-production d’énergie permet d’éliminer la dépendance à une poignée de centrales nucléaires et de réseaux de distribution complexes. L’énergie solaire et les batteries nous permettront de ne pas repartir de zéro sur le plan des sciences et des technologies si le pire venait à se produire. À tout le moins, nous pourrions regarder un DVD de House of Cards à la télé en attendant la prochaine attaque de zombies.
Enfin, si vous ne l’avez pas encore vu, nous avons une chaîne YouTube (https://www.youtube.com/@bondvigilantes). Nous sommes en train d’y ajouter nos vidéos sur l’actualité économique – notre film sur les emprunts de guerre, l’entretien de Mike Riddell avec Richard Koo sur la réduction des bilans et des interviews de Diane Coyle (sur le concept de PIB) et Ed Conway (sur Bretton Woods). Nous vous invitons à aller y jeter un coup d’œil.
Le consensus anticipe une baisse des cours des obligations des marchés émergents. De nombreux analystes mettent en avant les risques liés à une hausse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine (Fed) ainsi qu’au ralentissement de l’économie chinoise comme autant de raisons pour réduire leur exposition à cette classe d’actifs. Toutefois, en y regardant de plus près, les titres de dette émergente sont à l’heure actuelle particulièrement attractifs.
Tout d’abord, le contexte géopolitique semble s’être stabilisé dans plusieurs régions du monde. Ainsi, les premiers signes de la restructuration de l’État et des entreprises en Ukraine sont encourageants, avec l’aboutissement des négociations entre le gouvernement et ses créanciers pour allonger le délai de remboursement du prêt accordé à la banque nationale Ukreximbank. Au Brésil, après plusieurs mois de retard liés au scandale de corruption, la société Petrobras a enfin publié ses résultats financiers, éliminant ainsi le risque d’exigibilité anticipée et de défaillance technique de ses obligations. En Tunisie et au Kenya, pays récemment meurtris par des attaques terroristes, les obligations ont retrouvé leurs niveaux de performance antérieurs après une courte période de sous-performance. Selon nous, il faut encore intégrer ces risques de pertes inférieurs à l’évaluation des risques d’investissement pour ces pays.
En second lieu, l’inflation est désormais plus neutre dans les grands pays émergents. Cela devrait offrir plus de flexibilité aux banques centrales quant à la manière dont elles entendent piloter leurs politiques monétaires, dans la mesure où elles n’auront pas à augmenter leurs taux d’intérêt avant la Réserve fédérale américaine (Fed).
En troisième lieu, l’évolution récente des cours du pétrole reflète la situation plus encourageante de certains marchés émergents. Des pays comme le Venezuela, l’Équateur et l’Iraq, dont les exportations et les recettes fiscales dépendent substantiellement du pétrole, auraient fait face à un environnement macroéconomique particulièrement défavorable si la baisse des cours du pétrole s’était poursuivie pour avoisiner les 40 USD. Avec le rebond du cours du pétrole, le risque de défaut du Venezuela en 2015, largement anticipé par les marchés en début d’année, a désormais été repoussé à 2016, éliminant un autre risque de pertes immédiat. Les exportateurs de pétrole qui ont défendu leur devise en l’empêchant de se déprécier, à l’instar du Nigeria, ont perdu des réserves de change considérables ; le rebond des cours du pétrole dans la fourchette comprise entre 50 et 60 USD a toutefois inversé cette sous-performance. En outre, les cours du pétrole restent bas dans l’ensemble, ce qui stimule également la consommation américaine et favorise les marchés émergents fortement liés à l’économie américaine, notamment l’Amérique centrale et les Caraïbes, le Mexique ainsi que certains exportateurs asiatiques.
Quatrième point, les rendements relatifs des obligations émergentes restent attractifs et les investisseurs peuvent encore acquérir des actifs dont les rendements dépassent 7 %. Les opportunités de création de valeur relative sont particulièrement importantes compte tenu des rendements très bas des obligations d’État des pays développés. En outre, les émetteurs des marchés émergents tirent parti des rendements inférieurs des titres européens en privilégiant l’euro au dollar pour se financer. Si certains émetteurs publics ou privés dont les bilans affichent des écarts importants sont bien sûr vulnérables dans cet environnement, d’autres, notamment les sociétés exportatrices, tirent leur épingle du jeu. Les États qui ont déjà bien progressé dans le rééquilibrage de leur compte courant, comme l’Inde, le Chili, le Pakistan, la Pologne et la Hongrie, sortent également du lot.
Dernier point, le ralentissement des entrées de capitaux vers la dette émergente depuis 2013 réduit le risque de sorties de capitaux aussi importantes que dans un contexte d’assouplissement quantitatif si la Réserve fédérale américaine (Fed) relève ses taux d’intérêt. Il est probable qu’une partie des capitaux spéculatifs aient déjà quitté cette classe d’actifs, ce qui devrait réduire la volatilité future.
Selon moi, les titres de dette émergente seront attractifs aussi longtemps que les taux d’intérêt resteront très bas et les politiques monétaires accommodantes. L’éloignement des risques géopolitiques, l’inflation faible, la stabilisation des cours du pétrole, la dynamique solide des valeurs relatives et la diminution des risques de sorties de capitaux constituent autant d’atouts sérieux pour cette classe d’actifs pour le reste de 2015.