S&P a abaissé de « stable » à « négative » la perspective associée à la note de crédit (BBB-) de la devise brésilienne, ce qui la place à un échelon de la catégorie spéculative. Cette perspective implique qu’il existe une probabilité supérieure à 33 % que la note du Brésil soit révisée à la baisse dans les 18 prochains mois. Dans son communiqué, l’agence S&P annonce « qu’elle pourrait abaisser la note en cas d’aggravation des indicateurs externes et budgétaires brésiliens résultant de ce que l’on pourrait considérer comme une marche arrière du Brésil sur ses engagements politiques initiaux et sur les diverses corrections politiques en cours. »
Selon nous, un abaissement de la note du Brésil est inévitable. Le pays est confronté à un certain nombre de difficultés économiques, dont une récession, un taux d’inflation élevé, un niveau d’endettement croissant, un faible cadre budgétaire et des termes de l’échange négatifs liés à la faiblesse de la demande pour les exportations de matières premières. Sur le plan politique, la polémique soulevée par le gigantesque scandale de corruption qui touche Petrobras entraîne une instabilité politique et un regain d’aversion chez les investisseurs. Hormis le fait que les réserves de change se maintiennent à des niveaux adéquats d’après les divers indicateurs, il est difficile de trouver de nombreux points positifs en faveur du Brésil à l’heure actuelle. En outre, la Banque centrale a réduit son programme d’intervention visant à soutenir la devise au moyen de swaps, ce qui avait un effet positif sur le crédit.
Si l’on examine l’évolution de la balance courante, on constate que la composante « voyages » s’est détériorée au cours de la dernière décennie. Alors que les sommes dépensées par les touristes étrangers au Brésil sont restées relativement stables, la principale dégradation est liée au fait que les Brésiliens voyagent à l’étranger et dépensent leur argent durement gagné. Ce phénomène découle de l’appréciation réelle du Real.
Il est intéressant de noter que la diminution du déficit touristique ne s’est pas amorcée lorsque le Real a commencé à se déprécier en 2011. Cela peut s’expliquer par le fait que les salaires réels ont continué d’augmenter jusqu’au début de l’année 2014. L’économie étant désormais en récession, les salaires réels ont commencé à baisser et le chômage (un indicateur tardif) est également reparti à la hausse.
Compte tenu de ces facteurs, nous pensons que le déficit touristique devrait commencer à diminuer au cours des prochains trimestres. Si les Brésiliens décidaient de voyager dans leur pays au lieu de se déplacer à l’étranger, ils accompliraient deux choses : ils réduiraient le déficit de la balance courante et stimuleraient le secteur tertiaire du pays qui connaît actuellement de grosses difficultés. Bien qu’il ne s’agisse que d’une action modeste dans ce contexte macroéconomique complexe, chaque petit geste compte.
La réunion du Sommet de la zone euro à Bruxelles, qui s’est tenue il y a quelques semaines, semble avoir mis fin provisoirement à la crise de la dette grecque. Le scénario redouté de sortie de la Grèce a été évité (tout au moins pour l’heure) et l’État grec a été en mesure de rembourser ses arriérés au FMI et à la BCE en utilisant le prêt-relais de 7,2 milliards d’euros accordé par le Conseil européen. En ce qui concerne l’avenir, ce prêt à court terme offre à la Grèce et à ses créanciers un peu de répit pour mettre en place un « protocole d’accord » axé sur un plan de sauvetage plus complet, estimé à un total d’environ 85 milliards d’euros au cours des trois prochaines années. Pour ce qui est des concessions faites par le gouvernement grec, le Premier ministre Tsipras a été contraint de franchir plusieurs limites fixées par son parti en termes d’impôts et de réduction des dépenses publiques, et ces mesures d’austérité vont probablement continuer à exercer des pressions sur l’économie grecque au cours des prochains mois et des prochaines années.
Alors que les longues négociations ont jusqu’alors été principalement axées sur les réformes à mettre en œuvre par le gouvernement grec, je trouve étonnant que très peu de progrès aient été accomplis en ce qui concerne l’octroi à l’État grec et à ses citoyens d’un certain type d’allégement de la dette. En effet, bien qu’il ait considérablement baissé en 2012, le ratio dette/PIB de la Grèce a rebondi, passant de moins de 130 % en 2009 à plus de 180 % aujourd’hui et, selon le FMI, il devrait culminer à 200 % dans les deux prochaines années. Plus alarmant encore, la dynamique de la dette grecque continue d’être extrêmement inquiétante, la poursuite du dérapage budgétaire et les chiffres de croissance décevants (la Commission européenne a récemment réduit ses prévisions de croissance pour la Grèce en 2015 de 2,5 % à 0,5 %) laissant penser que la situation risque de s’aggraver encore davantage avant de s’améliorer. Plus récemment, la fermeture forcée des banques et la mise en place d’un contrôle des capitaux n’ont fait qu’exacerber les difficultés du pays dans la mesure où une injection de capitaux plus importante que prévu dans le secteur bancaire grec sera désormais nécessaire pour le maintenir à flot.
Face à cette évolution récente de la situation, la notion selon laquelle la dette publique grecque est insoutenable dans sa forme actuelle semble être désormais largement acceptée. Cela a été non seulement mentionné de façon assez explicite par le FMI dans la mise à jour de son « projet préliminaire d’analyse de la viabilité de la dette » (publié le 14 juillet dernier), mais également par de nombreuses personnalités impliquées dans le dossier, comme Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières. La question cruciale et âprement débattue est désormais de savoir si l’allègement de la dette grecque doit intervenir via une réduction du montant de cette dette (également connu sous le nom de « décote » ou de « remise de dette »), comme le demandent Tsipras et le gouvernement grec, ou par le biais d’une restructuration de la dette (l’option privilégiée par l’Eurogroupe dirigé par Angela Merkel) qui maintiendrait inchangée la valeur totale de la dette mais permettrait de prolonger les échéances et de diminuer les charges d’intérêt.
Depuis le début de la crise, Angela Merkel et ses partenaires de la zone euro n’ont eu de cesse de déclarer qu’il était hors de question d’effacer la dette de la Grèce, et cette intransigeance leur a attiré de nombreuses critiques de la part des observateurs internationaux et du peuple grec lui-même. Certes, la notion de remise de dette comporte plusieurs inconvénients :
- Elle alimenterait, par exemple, les voix populistes dans d’autres pays endettés, notamment en Espagne où le parti Podemos verrait sa position renforcée.
- Elle aurait également un impact négatif immédiat sur le secteur bancaire grec, qui détient encore environ 26 milliards d’euros d’obligations d’État grecques (bien que ce chiffre représente moins de 10 % du total de la dette grecque) et qui serait contraint d’enregistrer de nouvelles pertes.
- La Banque centrale européenne, qui a acheté plus de 20 milliards d’euros d’obligations grecques en 2010 au travers de son Programme SMP (Securities Market Program), serait elle aussi contrainte de constater des pertes, et les conséquences juridiques d’une telle situation restent incertaines.
- Enfin, et c’est-là la principale objection de Merkel à cette idée de remise de dette, une telle mesure serait impossible car elle irait à l’encontre de l’article 125 du Traité de Lisbonne (connu sous le nom de « clause de non-renflouement ») qui stipule que l’Union ne doit pas répondre des engagements d’autres entités publiques, ni les prendre à sa charge.
Personnellement, je trouve cet argument quelque peu douteux de la part de la même Angela Merkel qui, le 29 mai dernier, a répondu à la demande de David Cameron concernant une réforme des traités européens : « quand on veut, on peut ». Pour l’anecdote, signalons qu’elle a répété la même phrase à Tsipras le 12 juin lorsque les négociations étaient au point mort, ce qui suggère que l’expression lui plait en ce moment. Quoi qu’il en soit, dans la réalité, il semble que le Traité de Lisbonne puisse être modifié pour les réformes de David Cameron concernant l’immigration et les retraites en Europe, mais pas lorsqu’il s’agit d’alléger la dette de la Grèce.
Je pense que c’est regrettable dans la mesure où, malgré les inconvénients, plusieurs arguments convaincants plaident en faveur d’un tel allègement :
1. Étant donné que la dette grecque a déjà été restructurée, tout d’abord en 2010, puis à nouveau en 2012, le taux d’intérêt moyen que l’État grec paye actuellement sur sa dette est déjà très faible (environ 2,4 % selon la Commission européenne), soit seulement 0,2 % de plus que la France et l’Allemagne, comme le montre le graphique ci-dessous :
En outre, à plus de 20 ans, l’échéance moyenne de la dette est déjà assez longue elle aussi. C’est pourquoi non seulement une restructuration ne réduirait le coût de la dette que de façon marginale, mais elle prolongerait également de plusieurs décennies la tutelle financière de la Grèce et la nécessité de poursuivre les mesures d’austérité. Par exemple, le fait de réduire le taux d’intérêt moyen sur la dette grecque de 2,4 % à 1,4 % et d’allonger l’échéance moyenne de la dette de 30 ans (comme certaines institutions l’ont recommandé) ne réduirait la valeur nette actualisée de la dette que d’environ 30 %1. Ce serait un pas dans la bonne direction, mais cela n’offrirait vraisemblablement que peu de marge de manœuvre à la Grèce.
Et si les taux d’intérêt sont abaissés et les échéances prolongées pour la Grèce, quelle sera la réaction des partis populistes en Europe ? En matière d’allégement de la dette, leur cause n’est-elle pas quasiment aussi solide que celle de la Grèce, que cet allégement intervienne via une remise de dette ou au travers d’une restructuration ?
2. Alors que la Grèce entame sa 7e année de récession, on peut faire valoir que le pays et ses citoyens ont atteint les limites de ce qu’ils peuvent supporter en termes de mesures d’austérité. Une décote grecque permettrait de relancer les dépenses à court terme dont le pays a grandement besoin, en vue de stimuler l’investissement et de réduire le chômage.
On peut espérer que l’Allemagne et ses partenaires de l’Eurogroupe sont sensibles aux avantages potentiels d’une remise de dette et qu’ils ont refusé d’envisager cette option jusqu’à présent parce qu’ils estiment que le moment n’est pas opportun. Il est vrai qu’à l’approche des élections nationales au Portugal, en Espagne et en Irlande et des élections fédérales allemandes en 2017, ce n’est sans doute pas le meilleur moment de cristalliser une perte sur les prêts consentis à la Grèce.
À cet égard, la stratégie de l’Allemagne est sans doute logique et on ne peut qu’espérer que dans quelques années, si la Grèce a fait preuve d’un solide engagement envers les réformes et si les pressions politiques ont diminué en Europe, l’idée de la remise de dette soit remise sur la table. À cette occasion, peut-être entendrons-nous même Angela Merkel réutiliser son slogan favori… quand on veut, on peut… n’est-ce pas Madame Merkel ?
1 Sur la base d’un taux d’actualisation fixe de 2,4 %
Il est difficile d’y voir clair avec l’omniprésence de la Grèce dans les médias ces derniers mois. Or, lorsqu’on s’intéresse au contexte économique, on croit difficilement les titres alarmistes de certains journaux. Des vents contraires de grande ampleur sont devenus favorables et devraient ainsi propulser la croissance au cours des 18 prochains mois.
1. L’euro
En avril, l’euro a chuté à son plus bas niveau depuis 12 ans. Aujourd’hui, son taux de change effectif nominal reste inférieur de 11 % à son plus haut récent de mars 2014. L’envolée du dollar américain portée par les prévisions du marché selon lesquelles le FOMC pourrait relever les taux en septembre, y est pour quelque chose. L’engagement de la BCE à maintenir l’assouplissement quantitatif jusqu’en septembre 2016 a aussi joué un rôle déterminant. À un moment où deux importantes banques centrales mettent en œuvre des politiques monétaires opposées, l’euro devrait continuer à s’affaiblir à moyen terme. Pour l’instant, rien ne peut empêcher le dollar américain de parvenir à la parité avec l’euro.
Un tel fléchissement, susceptible de rendre les conditions monétaires bien plus accommodantes, serait très apprécié de la Banque centrale européenne. Toute baisse de l’euro soutient la croissance des exportations et des bénéfices des entreprises européennes, la consolidation des marchés du travail et la hausse de l’inflation. C’est donc un avantage considérable pour l’économie européenne à l’heure actuelle.
2. Confiance
Pour les périodes janvier 2010-janvier 2012 et septembre 2014-janvier 2015, on observe une évolution de la perception de la Grèce et des pays périphériques par le marché en un temps relativement court. Entre 2010 et 2012, les rendements des obligations souveraines européennes (en particulier, celles des émetteurs périphériques) étaient fortement corrélés et les variations des rendements absolus étaient du même ordre. Le contraste avec les mouvements plus récents est saisissant, le marché ayant considéré la Grèce comme un cas isolé et les rendements obligataires des autres pays européens ayant reculé. Incontestablement, les investisseurs obligataires se préoccupent bien moins de l’explosion de la zone euro et croient en la capacité des autorités européennes à mener à bien leur mission d’achever la mise en place de l’Union économique et monétaire européenne.
Certes, les rendements ont progressé dans la zone euro après avoir touché des plus bas en avril, mais c’est probablement le résultat des prévisions d’inflation à la hausse et de croissance économique plutôt que d’un renchérissement de la prime de risque du crédit. La stabilité observée sur les marchés obligataires de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne et de l’Italie est une bonne nouvelle pour les ménages et les entreprises, qui auront davantage tendance à consommer ou à investir, confortés par des perspectives stables. Ainsi, de nombreuses entreprises européennes ont émis des obligations, afin de verrouiller les taux d’intérêt, d’étaler leur dette et d’investir pour développer leurs activités.
3. Consommation
Les perspectives pour la consommation européenne sont indubitablement favorables. La baisse des taux d’intérêt et du chômage (l’économie espagnole a créé plus de 411 000 emplois au 2e trimestre 2015, soit le plus haut niveau depuis 2005), la progression du patrimoine des ménages grâce à la montée des prix des actifs, la croissance record des salaires réels en Allemagne et la chute des cours pétroliers augurent une période propice à la consommation.
Outre de meilleures conditions d’emprunt, les taux d’intérêt très faibles dopent les prix des actifs en réduisant le taux de décote des flux de trésorerie provenant des actifs (dividendes, loyers, etc.). En outre, les prix immobiliers gagnent du terrain dans la majorité des pays européens, ce qui crée un effet de richesse parmi les ménages. Cela permet de renforcer l’optimisme et la confiance en Europe et c’est précisément le but visé par le programme d’assouplissement quantitatif.
Avis à ceux pour qui le projet de zone euro est voué à l’échec. Comme je l’ai déjà expliqué, il existe des arguments solides en faveur d’un maintien de l’euro. Tout d’abord, aucun pays membre de l’Union économique et monétaire européenne n’en est sorti. Même si la politique est sur toutes les lèvres, les marchés ignorent régulièrement la volonté politique déterminée de conserver la zone euro et la monnaie unique. Bien entendu, il reste encore du travail pour parvenir à une union économique et monétaire totale et le cas grec n’est pas entièrement résolu. Malgré tout, la monnaie, la confiance et la consommation seront des facteurs favorables à l’économie européenne à court terme et devraient favoriser une croissance auto-entretenue pour la plus grande économie au monde.
Si vous êtes un investisseur obligataire, les termes « déflation », « liquidité » et « Grèce » sont les maîtres mots de 2015. L’année a débuté sur les chapeaux de roues, ou plutôt par une rupture lorsque la Banque nationale suisse (BNS) a surpris en annonçant l’abandon de l’ancrage du franc suisse à l’euro. Cette annonce a précédé d’une semaine seulement la décision de la Banque centrale européenne (BCE) de donner le coup d’envoi d’un programme d’assouplissement quantitatif qui fera date dans l’histoire. La déflation s’est installée en Europe, les rendements des emprunts d’État sont tombés à leurs plus bas niveaux historiques et la Réserve fédérale américaine n’a pas réagi.
Mais pour en revenir à aujourd’hui, c’est comme si nous avions vécu un cycle de marché complet en l’espace de seulement six mois. Les rendements des emprunts d’État sont repartis à la hausse lorsque l’économie européenne a commencé à se redresser, et la situation politique grecque a également fragilisé la confiance des investisseurs. Au Royaume-Uni, le résultat des élections générales a pris tout le monde à contre-pied, les investisseurs ayant accordé aux Conservateurs une majorité au parlement. Aux États-Unis enfin, la vigueur indéniable du marché américain du travail pourrait finir par entraîner des hausses de salaires, ce qui incite bon nombre d’observateurs à prévoir le premier relèvement des taux du Comité fédéral de l’open market (FOMC) depuis 2006.
Dans la présente édition du M&G Panoramic Outlook, Jim Leaviss – Head of Retail Fixed Income, expose sa vision des marchés obligataires et de l’économie mondiale pour le second semestre 2015. Les thèmes abordés couvrent notamment la valorisation des instruments de crédit, la liquidité du marché obligataire et les marchés des changes mondiaux.
Cliquer ici pour accéder à la page Internet M&G Panoramic Outlook.
Ces derniers jours, j’ai étudié la performance du crédit investment grade mondial. Le graphique ci-dessous illustre les fourchettes d’évolution de l’asset swap spread des obligations d’entreprises BBB en dollars à 5‑10 ans depuis le début de l’année.
Voici nos trois grandes observations :
- Tout d’abord, point positif, le spread de l’indice des titres BBB en dollars s’est contracté de 18 points de base (pb) depuis le début de l’année. Même si cette contraction est d’ampleur relativement limitée, elle a permis de compenser, du moins en partie, les pertes en capital subies par les investisseurs en obligations privées en raison de la progression des rendements des bons du Trésor américain.
- Sans surprise, dans un contexte de rebond des cours du pétrole, l’énergie a largement surperformé (contraction de 76 pb depuis le début de l’année). D’autres secteurs « à spread élevé » (c’est-à-dire dont le spread dépasse la moyenne de l’indice) se sont également bien comportés. Citons notamment la banque et l’industrie de base, avec des resserrements de respectivement 28 et 15 pb depuis le début de l’année.
- Les secteurs « à spread faible » (c’est-à-dire dont le spread est inférieur à la moyenne de l’indice) ont enregistré des performances nettement plus médiocres et ont tous sous-performé l’indice. La majorité est restée globalement stable depuis le début de l’année, tandis que certains secteurs ont connu un élargissement (11 pb pour l’immobilier, 14 pb pour les médias et 15 pb pour les services aux collectivités). Les télécommunications ont signé une surperformance notable, avec une contraction de 14 pb depuis le début de l’année.
Le graphique ci-dessous est similaire au précédent, à l’exception du fait que je me suis concentré sur les obligations d’entreprises BBB en euros à 5‑10 ans.
Voici nos principales conclusions sur la performance du marché en euros :
- Le spread de l’indice BBB en euros s’est contracté depuis le début de l’année, mais de seulement 5 pb. En termes absolus, cette évolution est donc nettement moins prononcée que celle du crédit BBB en dollars. Cela étant, il faut noter que les spreads BBB en euros sont partis d’une base beaucoup plus basse (128 pb) que leurs homologues en dollars (190 pb) en début d’année.
- À l’instar du crédit BBB en dollars, la surperformance la plus nette a été enregistrée par l’énergie, en baisse de 136 pb. Les autres secteurs qui se distinguent sont la distribution (-9 pb), la banque (-12 pb), les soins de santé (-12 pb) et le transport (-24 pb), avec une répartition relativement uniforme entre les secteurs de spread (contrairement au crédit BBB en dollars, où les surperformances étaient concentrées sur les secteurs à spread élevé). La contraction de 47 pb enregistrée depuis le début de l’année et la taille de la fourchette d’évolution des spreads du secteur des loisirs doivent en revanche être prises avec précaution : l’indice BBB en euros ne contient actuellement qu’une seule obligation dans cette catégorie (ACFP 2.625 21), ce qui signifie que les facteurs de risque spécifiques l’emportent sur la dynamique sectorielle.
- Neuf secteurs BBB en euros ont connu un élargissement, l’automobile (+10 pb), les médias (+12 pb), les services aux collectivités (+19 pb) et les services financiers (+20 pb) signant les moins bonnes performances depuis le début de l’année. Contrairement aux secteurs BBB en dollars, les secteurs à spread faible ne sont pas surreprésentés.
Tous ces éléments ont des conséquences en termes de valeur relative pour les investisseurs. Les secteurs BBB en dollars à spread élevé, énergie en tête, affichent des performances impressionnantes depuis le début de l’année. L’argument de la valeur relative est donc bien moins favorable pour le crédit investment grade en dollars de ces secteurs qu’il ne l’était en début d’année. Les spreads de la banque, de l’énergie et de l’industrie de base se situent actuellement dans le premier quartile de leurs fourchettes respectives depuis le début de l’année, ce qui témoigne de l’étroitesse des niveaux par rapport à l’histoire récente. Par ailleurs, l’écart entre secteurs à spread faible et secteurs à spread élevé se resserre. Ainsi, en début d’année, les investisseurs en obligations en dollars étaient en mesure d’engranger un spread de 153 pb en passant d’un secteur relativement défensif (les biens de consommation, par exemple) à un secteur plus volatil et cyclique (tel que l’énergie). Ce différentiel de spreads a été plus que réduit de moitié : il s’établit aujourd’hui à 73 pb. Selon nous, compte tenu de la volatilité accrue des spreads de ces obligations, il ne s’agit pas d’une rémunération avantageuse.
Au sein de l’univers BBB en euros, pas un seul secteur n’évolue actuellement dans le premier quartile de sa fourchette de spreads. En réalité, les spreads de plusieurs secteurs atteignent leur plus-large depuis le début de l’année (assurance, automobile, services aux collectivités et biens d’équipement) ou le frôlent (industrie de base, technologie et électronique). Il semblerait donc logique de penser que ces secteurs offrent une valeur relative intéressante par rapport à leur histoire récente. Pourtant, l’euphorie déclenchée au premier trimestre par l’assouplissement quantitatif pourrait avoir biaisé à la baisse la valeur des spreads en euros, ce qui rend les niveaux actuels exagérément larges en comparaison. Par ailleurs, la peur croissante d’un « Grexit » désordonné et les répercussions potentielles sur la zone euro pourraient générer des tensions haussières sur les spreads BBB en euros. Enfin, soulignons que, même si les spreads BBB en dollars ont surperformé leurs homologues en euros de 13 pb depuis le début de l’année au niveau de l’indice, il est encore possible de gagner 50 pb en moyenne en passant des obligations d’entreprises européennes aux titres américains.
De manière générale, nous estimons que les spreads de crédit investment grade sont porteurs d’une valeur relative correcte aux niveaux actuels. Nous restons optimistes vis-à-vis des obligations privées, notamment sur le marché en dollars. Les taux restant très faibles, les spreads de crédit constituent une source de rendement supplémentaire pour les investisseurs obligataires. Tant que la corrélation entre taux et spreads de crédit reste inférieure à 1,0, ce qui a historiquement été la norme, cette situation est également pertinente du point de vue de la diversification. Dans ce contexte, les spreads de crédit investment grade peuvent atténuer les difficultés rencontrées par les investisseurs obligataires lorsque les taux augmentent comme ils l’ont fait au premier semestre 2015.
J’ai entendu dire, à moitié sérieusement, que le risque majeur pour la zone euro n’est pas que la Grèce abandonne la monnaie unique et que son économie s’effondre, mais qu’elle l’abandonne et prospère. Dans le cadre de ce scénario, la Grèce prend un nouveau départ, exempte de dette, capable de s’adapter à l’assouplissement budgétaire plutôt qu’à l’austérité, et avec une « nouvelle drachme » dévaluée qui encourage les flux touristiques et génère une expansion industrielle et agricole. Lorsque les autres pays européens endettés et menant une politique d’austérité constatent les avantages de l’abandon de l’euro, ils sautent le pas, laissant leurs dettes derrière eux et provoquant l’éclatement total de l’Union européenne telle que nous la connaissons (et la seconde Grande Crise Financière en une décennie ?). Un parallèle régulièrement établi est celui de la dévaluation en Argentine en 2002, et la reprise économique consécutive. Nous avons expliqué les points communs entre les deux pays il y a quelques années, ici.
Après quatre ans de taux de croissance annuels négatifs du PIB (inférieurs à -10% par an au plus fort de la tourmente), l’Argentine a renoué avec une croissance élevée à un chiffre pendant cinq ans, une fois abandonné son carcan monétaire. La Grèce peut-elle espérer connaître le même type de rebond économique que l’Argentine après l’abandon de la parité peso-dollar en janvier 2002, si elle quitte la zone euro ?
PIB réel de l’Argentine (en glissement annuel)
Il existe de nombreuses similarités économiques entre les crises argentine et grecque : parités monétaires surévaluées ; fardeau insoutenable de la dette publique et contribution du FMI ; défaillance du recouvrement de l’impôt ; exactitude douteuse des statistiques et chômage élevé. Après l’hyperinflation des années 1980, le peso argentin a été arrimé au dollar US. L’inflation a nettement reculé, et cette stabilité et ce renforcement monétaire ont amélioré le niveau de vie national et entraîné une forte hausse des biens importés ; toutefois, le pays a connu des fuites de capitaux, car de nombreux acteurs ont réalisé que la parité risquait de ne pas durer. Le déficit de la balance des paiements courants a explosé. En 1999, du fait du ralentissement économique après une période de croissance, le taux de chômage en Argentine a bondi à 15% et la dette publique a commencé à gonfler à des niveaux alarmants. La dette extérieure a atteint 50% du PIB, et le FMI a conditionné son aide financière à la nécessité de mettre en œuvre un programme d’austérité. Les taux d’intérêt sur le marché ont presque doublé à 16% et la notation de crédit de l’Argentine a été rétrogradée dans la catégorie à haut risque (une restructuration de la dette a eu lieu par la suite). Finalement, le FMI a refusé de débloquer de nouveaux fonds puisque le gouvernement n’avait pas respecté ses objectifs de déficit budgétaire. Fin 2001, les écarts de rendements obligataires par rapport aux obligations du Trésor américain affichaient 42% et un gel quasi général des comptes bancaires (« corralito ») a été instauré pour endiguer les retraits massifs des dépôts. Sur fond de chaos politique et d’émeutes (la montée des inégalités constitue une autre caractéristique de l’économie) et de pénurie de dollars en circulation, des monnaies parallèles (titres de dette) émises par les municipalités sont apparues (Claudia Calich possède des « patacons » émis par Buenos Aires, nous avons tweeté des photos @bondv_francais si vous souhaitez en voir). En janvier 2002, la parité dollar-peso a été abandonnée, et le peso a subi une dévaluation et retrouvé un régime de change flottant. Les comptes bancaires et les investissements en dollars ont été convertis de force en pesos. De 1:1, le taux de change est passé à 4:1. Le pays a connu une résurgence de l’inflation, une raréfaction des biens importés, une vague de faillite des entreprises et une explosion du taux de chômage à 25%, à laquelle il faut ajouter un sous-emploi de 19%. (Pour toute information complémentaire, Wikipedia présente une excellente chronologie de la crise argentine, et je recommande également l’article d’Arturo O’Connell « The Recent Crisis – and Recovery – of the Argentine Economy ») (La crise récente et la reprise de l’économie argentine).
Toutefois, 2003 a marqué un tournant ; c’est ce revirement qui laisse espérer que la Grèce puisse suivre le même chemin si elle abandonne l’euro. Le tourisme a en effet contribué à la croissance économique, puisque la faiblesse de la monnaie en a fait une destination abordable. En 1997, la contribution totale du tourisme a représenté 7,5% du PIB, et en 2006, ce chiffre a grimpé à 12,5%. La Grèce dispose déjà d’un secteur touristique nettement plus important, représentant environ 18% du PIB. D’aucuns prétendent que cette prépondérance du secteur touristique serait un handicap ; il fonctionne peut-être déjà à pleine capacité (aéroports et transports, restaurants et hôtels) et après le défaut de la dette, les investisseurs ne seraient guère enclins à fournir des capitaux en vue de renforcer les capacités. Cependant, il ne semble pas extravagant de penser qu’une dévaluation puisse générer la croissance par le biais du tourisme en Grèce, même s’il est peu probable qu’on assiste à un quasi-doublement comme ce fut le cas en Argentine.
Toutefois, le moment opportun constituait l’atout majeur de l’Argentine, et la Grèce n’aura pas cette chance. La croissance mondiale s’est révélée très robuste au cours de la période consécutive aux réductions d’urgence des taux d’intérêt par la Fed après les attentats du 11 septembre. La croissance mondiale du PIB affichait 3,1% par an pendant la période comprise entre 1992 et 2001, et 3,9% en moyenne au cours de la décennie suivante. La Chine a intégré l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 2001, ce qui a donné lieu à un essor du commerce international (les pays fournisseurs de la Chine se sont particulièrement distingués) au bénéfice de l’Argentine. Jusqu’à la fin de l’ancrage au dollar, l’Argentine avait fait preuve d’un net manque de compétitivité, surtout lorsque son voisin le Brésil a procédé à une dévaluation en 1999 (les devises asiatiques ont aussi fait l’objet d’une dévaluation – O’Connell souligne que seules l’Argentine et Hong Kong avaient maintenu leur régime de changes fixes et suggère qu’au cours des années 1990, le Taux de Change Effectif Réel de l’Argentine s’était apprécié de 40%). L’expansion rapide du commerce international et le retour à la compétitivité après la dévaluation ont contribué à une augmentation de 120% des exportations de l’Argentine de 2002 à 2006. Une grande partie des avantages économiques est souvent attribuée à la demande chinoise en soja, même si Mark Weisbrot du Guardian estime son importance exagérée.
La Grèce a-t-elle le potentiel de sortir de la dépression par le biais des exportations ? Peut-être, bien que la mauvaise qualité de ses terres (la plupart sont inadaptées à l’agriculture) ne facilite pas la tâche. Les produits alimentaires et carnés ne représentent que 12% de ses exportations, contre plus d’un tiers en Argentine. Le principal produit d’exportation de la Grèce est le pétrole raffiné, secteur intermédiaire, toujours facturé en devise forte, donc sans aucun avantage lié à la dévaluation. En outre, son premier marché d’exportation est l’Allemagne, probablement source de difficulté après un défaut de la dette…
En conclusion, les pays qui ont prospéré après une dévaluation (Argentine, Canada, Suède) ont eu la chance que leurs partenaires commerciaux voisins connaissent une forte croissance à l’époque. La Grèce n’a pas ce luxe, et son économie n’est pas non plus capable de réagir rapidement à la compétitivité accrue des exportations. N’oublions pas également que même si l’Argentine a enregistré une croissance solide après la dévaluation et la restructuration de sa dette, son PIB réel actuel est seulement de 0,5% et les rendements des obligations d’Etat en devises fortes se situent aux alentours de 8%. La fin de l’ancrage au dollar et la restructuration de la dette ne se sont pas révélées être un remède économique permanent, mais il est également difficile de prétendre que le statu quo était viable ou souhaitable. Les décideurs grecs seront du même avis.
De nombreuses décisions prises par les ménages, comme l’achat d’un bien immobilier, la souscription d’un prêt automobile ou la sollicitation d’une augmentation de salaire, tiennent compte des attentes concernant le taux d’inflation futur. Les banques centrales estiment qu’un suivi minutieux des anticipations inflationnistes peut leur permettre de mieux comprendre le comportement économique des consommateurs. Les enquêtes comme l’Étude M&G YouGov sur les anticipations inflationnistes intéressent particulièrement les banques centrales, qui en tiennent compte dans leur analyse lorsqu’il s’agit de décider de l’évolution des taux d’intérêt.
L’Étude M&G YouGov sur les anticipations inflationnistes est la seule enquête de ce type qui interroge les consommateurs de huit pays différents en Europe et en Asie sur leurs attentes concernant l’avenir. Véritable source d’informations complémentaire pour les banques centrales, les économistes et les acteurs du marché de l’investissement, notre enquête s’appuie sur les recherches de la Réserve fédérale de New York. En interrogeant les consommateurs directement sur le « taux d’inflation » plutôt que sur les « prix en général », l’étude fournit un indicateur des attentes en matière d’inflation qui est plus instructif et moins susceptible de donner lieu à une interprétation erronée. Il s’agit-là d’un avantage considérable par rapport à d’autres enquêtes sur les anticipations inflationnistes.
Résumé des principales conclusions :
- Au Royaume-Uni, les anticipations inflationnistes à long terme ont atteint un niveau historiquement bas
- La confiance dans la politique économique menée par le gouvernement britannique n’a jamais été aussi élevée, ce qui pourrait expliquer l’issue inattendue des dernières élections
- Tous les pays européens affichent des anticipations inflationnistes à long terme supérieures à l’objectif de la BCE
- La décision de la Banque nationale suisse d’abandonner l’indexation sur l’euro n’a pas ébranlé la confiance des consommateurs qui estiment que la BNS sera en mesure de stabiliser les prix
- À Singapour et à Hong Kong, les anticipations inflationnistes restent obstinément élevées
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