Le 7 septembre prochain, 38 milliards de livres sterling de Gilts britanniques (4,75 % 2015) arriveront à échéance. La Banque d’Angleterre (BoE) détient un peu moins de la moitié de ces titres, achetés dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif. Pour l’heure, la BoE a indiqué qu’elle souhaitait maintenir le montant du programme d’assouplissement à 375 milliards de livres. Conséquence : lorsque ces titres arriveront à échéance, elle n’aura d’autre choix que de réinvestir environ 17 milliards de livres sur le marché obligataire britannique.
Selon moi, cela revient à assouplir la politique monétaire. Pourquoi ? Parce que la duration moyenne des Gilts détenus par la BoE va augmenter. Ce montant de 17 milliards de livres réinvesti dans des obligations souveraines britanniques aura donc un impact (baissier) sur les rendements des Gilts plus important que ce n’est le cas aujourd’hui.
Heureusement, la BoE a établi des règles pour ce type de réinvestissement. Tout d’abord, les liquidités seront investies à parts égales (trois tranches de 5,6 milliards de livres) sur trois fourchettes de maturités : 3‑7 ans, 7‑15 ans et plus de 15 ans. La banque centrale a également déclaré qu’elle n’achèterait pas plus de 70 % de chaque émission obligataire.
Toutes choses égales par ailleurs, l’arrivée de 17 milliards de livres sterling sur le marché des Gilts aura bien évidemment des répercussions baissières sur les rendements de l’ensemble de la courbe (sans même tenir compte des 21 milliards de livres dont les investisseurs privés devront s’occuper). La tranche 7‑15 ans comptant moins d’obligations que celles à plus courte et plus longue échéances, je pense que le réinvestissement aura un impact disproportionnément positif sur ce segment de la courbe des taux.
Sans surprise, les débats au sujet des obligations qui seront achetées par la banque centrale (et dont les rendements pourraient donc enregistrer la plus forte baisse) vont bon train sur le marché des Gilts. Si l’on ne s’intéresse qu’à la poche 7‑15 ans, le graphique ci‑dessous montre que la BoE détient une quantité importante de titres 4,25 % 2027 et beaucoup moins (voire pas du tout) d’autres Gilts en circulation.
Selon moi, les lignes de Gilts qui sont déjà largement détenues par la BoE (c’est-à-dire à plus de 60 %), tout en étant suffisamment loin de la barre des 70 % pour que des achats soient encore possibles (je pense notamment aux obligations 5 % 2025 et 6 % 2028), sont celles qui tireront leur épingle du jeu. Compte tenu de cette dynamique technique, les investisseurs en Gilts pourraient avoir intérêt à allonger les durations et mettre l’accent sur la partie centrale de la courbe dans les semaines à venir.
Nous avons récemment évoqué le cas d’une clause contractuelle (ou « covenant ») favorable aux investisseurs obligataires. Mais après le soleil, voici l’heure de la pluie : une clause susceptible de pénaliser les détenteurs d’obligations. Ces deux exemples montrent pourquoi il est essentiel de comprendre les moindres détails de la documentation avant d’investir dans un titre de créance.
Burgan Bank, troisième banque du Koweït, a indiqué dans une déclaration réglementaire qu’elle avait obtenu le feu vert de la banque centrale du pays pour le rachat de 400 millions de dollars d’obligations subordonnées en circulation. Il s’agit de titres subordonnés à échéance 2020 (fonds propres Tier 2 ancienne norme) pouvant être rachetés au plus tôt le 29 septembre 2015. Le 17 août 2015, ils se négociaient à un prix de 113.
La banque centrale a donné son feu vert au « rachat pour des raisons liées au traitement des fonds propres réglementaires », une clause tout à fait commune dans la documentation des obligations bancaires. Elle permet à l’émetteur de racheter au pair ou à 101 toute obligation en circulation ayant perdu son statut de fonds propres réglementaires en raison d’un changement de législation.
Début 2014, la Banque centrale du Koweït a annoncé une transition vers les règles de fonds propres de Bâle III. Contrairement à l’Europe, qui prévoit une protection des droits acquis, les fonds propres Tier 2 ancienne norme du Koweït n’ont pas bénéficié d’une période de transition. La réglementation Bâle III est effective depuis juin 2014. Rien de nouveau, donc.
Pourtant, la documentation des obligations Burgan Bank 7,875% 2020 prévoit, aux pages 25 et 26, les éléments suivants :
Rachats liés au traitement des capitaux réglementaires
Si, après la date d’émission des obligations, un événement réglementaire survient, sous réserve de l’accord écrit préalable de la Banque centrale du Koweït, le garant pourra, le ou à compter du 29 septembre 2015, demander par écrit à l’émetteur, sous réserve d’un préavis d’au moins 30 jours et d’un maximum de 60 jours accordé aux détenteurs des obligations (l’avis étant irrévocable), de racheter en totalité, mais pas en partie, les obligations, dans le respect des présentes conditions, à un montant correspondant au principal et aux intérêts courus à la date fixée pour le rachat, sous réserve qu’à la date de l’avis de rachat et immédiatement après ledit rachat, le garant respecte la réglementation en vigueur en matière d’exigences de fonds propres réglementaires (sauf si le régulateur financier ne l’exige plus).
Le terme « événement réglementaire » désigne une situation dans laquelle, en raison d’une modification de la loi ou de la réglementation postérieure à la date d’émission des obligations, la dette cesse d’être éligible ou ne peut plus être qualifiée dans sa totalité de « fonds propres Tier 2 » au sens de la réglementation sur les fonds propres. Aucun événement réglementaire ne sera considéré comme étant survenu si la situation résulte (a) d’une limitation du montant des fonds propres applicable au garant ou (b) du fait que ces fonds propres cessent d’entrer dans la base de fonds propres du garant en raison d’un amortissement ou d’une procédure similaire ou d’une modification y afférent (y compris les amortissements ou procédures similaires résultant de dispositifs de protection des droits acquis).
À l’aune de la clause ci-dessus, Burgan Bank a reçu le feu vert de la Banque du Koweït pour le rachat de ses obligations subordonnées à échéance 2020 à compter du 29 septembre 2015. Les covenants précisent que les titres peuvent être rachetés au pair, ce qui serait synonyme d’une perte potentielle d’environ 13 points pour les détenteurs des titres si ceux-ci sont effectivement rachetés.
Pour l’heure, la banque n’a pas encore officiellement annoncé si elle souhaitait racheter les obligations. Compte tenu de l’importance du coupon (7,875%) et de la solidité actuelle de sa trésorerie, la probabilité d’un rachat semble élevée, car il réduirait nettement la charge des intérêts et serait une bonne nouvelle pour les actionnaires. Aujourd’hui, le prix moyen de l’obligation est de 105 (101,3 / 108,7), ce qui signifie que le marché table sur une probabilité de rachat élevée (plus de 50%).
Les détenteurs actuels d’obligations risquent fort de ne pas apprécier un rachat au pair. C’est la raison pour laquelle d’autres options sont envisageables. Même si cela semble très peu probable, la banque pourrait décider de ne pas racheter cette obligation, car elle en détient d’autres, notamment des titres hybrides super-subordonnés (une obligation perpétuelle à 7,25%), et pourrait redouter la réaction des détenteurs d’obligations. Autre option plausible : le lancement d’une offre de rachat des obligations à un prix compris entre le pair et leur niveau récent (113). Le cas échéant, la perte de valeur serait rémunérée. Le Credit Suisse a choisi cette option lors du rachat de son obligation hybride Tier 1 à 7,875% début février 2015 : la banque a proposé un prix de rachat à 103 alors que les titres se négociaient 107 avant l’annonce.
Cet exemple démontre pourquoi les investisseurs doivent passer les covenants en revue et mener une due diligence réglementaire afin d’éviter ce genre de désagrément.
*Merci de noter que nous ne détenons pas d’obligations Burgan Bank
La Banque populaire de Chine (BPC) a annoncé ce matin qu’elle améliorait le mécanisme de détermination du taux de fixing quotidien du renminbi. Elle le fera en référençant le taux de clôture de la veille et en tenant compte des « conditions de l’offre et de la demande sur les marchés des changes » ainsi que de l’évolution des taux de change d’autres devises majeures. En conséquence, le taux USD/CNY (taux de change entre le dollar américain et le yuan renminbi chinois) a été relevé de 1,9 % à titre d’ajustement ponctuel, soit un affaiblissement record de la devise chinoise. Il s’agit du premier repli du taux de change décidé par la BPC depuis 1994.
L’annonce de la BPC selon laquelle elle renforcera la flexibilité du yuan suggère que le fixing quotidien de la devise dépendra beaucoup plus du marché. En conséquence, il est peu probable que le yuan continue d’afficher une volatilité relativement faible et il pourrait encore se déprécier à moyen terme, dans la mesure où les autorités sont aux prises avec un ralentissement de la croissance économique.
Un affaiblissement du yuan à moyen terme ne serait pas sans conséquence. Tout d’abord, toute tentative d’affaiblissement du yuan face au dollar devrait avoir un effet haussier sur les bons du Trésor américain, se traduisant par une baisse des rendements. Si la valeur du yuan se déprécie, la Chine aura davantage de dollars US à investir dans les bons du Trésor américain au travers de l’accumulation des réserves de change, ce qui suggère une hausse de la demande. Toutefois, si un affaiblissement durable du yuan ne se manifeste pas dans les semaines à venir, il est peu probable que cette mesure ait une forte incidence sur la demande de bons du Trésor américain à court terme.
Deuxièmement, cette mesure exercera une pression baissière sur des taux d’inflation déjà faibles au sein des économies développées. Pour ces dernières, les prix à l’importation sont susceptibles de chuter, suggérant une baisse des prix à la production et à la consommation. De très nombreux produits fabriqués en Chine et consommés dans les pays développés sont désormais moins chers et leurs prix pourraient chuter encore davantage, ce qui entraînerait une baisse des coûts des intrants susceptible, elle-même, d’entraîner une baisse des prix à la consommation.
Troisièmement, la chute du yuan se traduira par une dégradation du pouvoir d’achat des entreprises et des ménages chinois. Elle rendra également les prix des matières premières, qui sont principalement libellés en USD, plus coûteux. Cela suggère davantage de pressions baissières sur les prix des matières premières et davantage de pressions sur les pays exportateurs riches en matières premières comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Brésil. Un affaiblissement du yuan laisse entrevoir un affaiblissement de la demande et pourrait entraîner un repli de la croissance dans les pays qui exportent vers la Chine et un ralentissement de la croissance dans la région asiatique.
Toute mesure visant à libéraliser la fixation des taux de change doit être considérée comme une mesure positive pour l’économie mondiale. Compte tenu de l’importance de la Chine dans la fabrication de marchandises à l’échelle mondiale et de ses réserves de change considérables, il n’est guère surprenant que les fortes fluctuations du taux de change aient des retombées importantes sur d’autres économies et actifs financiers. Toute évolution ultérieure de la détermination du taux de fixing quotidien du renminbi continuera d’être étroitement surveillée, en particulier dans un environnement où le profil de la croissance économique chinoise continue de susciter des interrogations.
Une relation devrait exister entre les rendements offerts par les actions (rendement réel ou rendement du dividende) et ceux offerts par les gilts indexés et autres obligations indexées sur l’inflation. Il serait logique que les différentes classes d’actifs affichent des performances escomptées (ex ante et corrigées du risque) similaires. S’agissant des actions et des obligations indexées, ces deux classes vous permettent d’être exposé aux performances « réelles » des revenus et du capital. Concernant les obligations indexées, le lien est explicite dans le contrat obligataire – les coupons et le remboursement final sont augmentés en fonction de l’indice des prix de détail (IPD) au Royaume-Uni et de l’indice des prix à la consommation (IPC) sur la plupart des autres marchés. Concernant les actions, le lien est plus ténu mais existe néanmoins. L’achat d’une action vous permet en principe d’être exposé à l’économie « réelle ». Lorsque l’inflation augmente, les entreprises peuvent accroître les prix des biens qu’elles vendent, et les prix des actifs qu’elles détiennent (stocks, équipements, biens, brevets) devraient également augmenter. Certains de leurs engagements – leurs dettes par exemple – diminueront en termes réels (alors que ce ne sera pas le cas pour d’autres charges : salaires, pensions indexées sur l’indice des prix de détail, etc.). Toutefois, comme détenir l’action d’une entreprise est comparable à détenir une part de l’économie réelle, les bénéfices et les dividendes devraient augmenter parallèlement à l’inflation.
En conséquence, il serait normal que les rendements des obligations indexées et des actions soient corrélés sur le moyen terme. Cependant, le graphique ci-dessous montre que le rendement des dividendes des actions du FTSE 350 est actuellement supérieur de 400 pb au rendement offert par les gilts indexés à 10 ans (lequel est actuellement négatif). Au plus haut de la flambée des valeurs dites « .com », la relation s’était brièvement inversée – le rendement des emprunts d’État britanniques devenant supérieur à celui des actions plus à risque – mais depuis lors, les actions affichent généralement des rendements supérieurs à ceux des obligations.
Cette importante divergence pourrait révéler une augmentation significative du niveau de risque perçu des actions par rapport aux obligations au cours de la dernière décennie. Mais en réalité, les spreads des obligations privées sont proches de leur plus bas du cycle actuel (de sorte que le rendement élevé des dividendes ne signifie probablement pas que le marché anticipe de nombreux défauts d’entreprises) et l’indice VIX (indicateur de la volatilité implicite des actions) n’est pas loin de ses plus bas niveaux historiques. N’oublions pas que dans les années 1970, lorsque l’inflation était totalement incontrôlée, les actions se sont très mal comportées malgré le lien existant entre les dividendes et l’inflation. Si les dividendes ont effectivement augmenté, les performances ont été annihilées par l’effondrement des multiples de capitalisation des bénéfices (PER) des actions. Serait-il possible que cela explique l’écart entre les rendements des actions et des obligations indexées – l’anticipation d’une inflation élevée entraînant une chute des PER ? C’est à nouveau improbable : pour les dix prochaines années, le marché anticipe une inflation de l’IPD de l’ordre de 2,5 % (chiffre qui s’établissait à 2,8 % en juin, mais a été révisé du fait de la nouvelle baisse des prix du pétrole). Les marchés n’anticipent pas non plus de déflation pour l’avenir, laquelle serait assortie d’une baisse des dividendes. Finalement, pour expliquer la supériorité (4 %) du rendement des dividendes, il convient peut-être de prendre en compte les mesures exceptionnelles de politique monétaire engagées à travers le monde (y compris les mesures d’assouplissement quantitatif), les rendements nominaux négatifs sur fond d’excès d’épargne qui ont tiré avec eux à la baisse les rendements obligataires réels et la demande exceptionnelle de fonds de pension (à des fins de sécurité) liée à cet excès d’épargne. Après avoir structurellement privilégié les actions au détriment des obligations (en détenant trop d’actions par rapport à leurs référentiels associés aux rendements obligataires et à l’inflation) pendant des années, les fonds de pension réduisent actuellement leurs risques à l’heure où les régimes à prestations définies arrivent à échéance. Les obligations indexées bénéficient donc d’une demande structurelle, en particulier au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.
En tant qu’outil de trading, le graphique ci-dessus ne vous aurait pas été d’un grand secours – il vous aurait peut-être incité à vendre les actions au début de la dernière décennie, sans vraiment vous dire quand les racheter : 2003 ? 2009 ? 2013 ? Le marché n’a cessé de faire grimper les spreads vers de nouveaux plus hauts grâce au rallye incessant des gilts indexés. Sur le plan économique toutefois, il est possible que vous préfériez un rendement des dividendes de 3,8 % assorti de la croissance du FTSE 350, au rendement indexé sur l’inflation (-0,8 % par an) des gilts indexés à 10 ans !
catégories obligatairesAux États-Unis, les obligations à haut rendement du secteur de l’énergie ont récemment accusé une correction qui a effacé la quasi-totalité de leur rallye du premier semestre. Une fois encore, ce sont les prix du pétrole qui en sont responsables. L’énième baisse des prix de l’or noir a fait chuter les obligations du secteur de l’énergie à des niveaux encore plus bas que ceux qu’ils avaient touchés lors du décrochage du début 2015. De fait, les spreads de l’indice BAML U.S. High Yield Energy ont atteint un record cette semaine à 1 019 points de base, leur plus haut niveau depuis avril 2009.
Alors qu’en 2014, les cours du pétrole avaient reculé en raison de la morosité des perspectives économiques mondiales, le repli de toute fin d’année dernière s’explique par la décision de l’OPEP de ne pas réduire la production. Les prix ont brièvement rebondi au deuxième trimestre, les observateurs estimant que les coupes dans la production américaine allaient stabiliser l’offre et soutenir les prix sur la deuxième partie de l’année. Quelle est donc la raison de ce nouvel accès de faiblesse ? La croissance mondiale reste atone et les perspectives de la Chine se sont dégradées. Par ailleurs, la dévaluation du yuan va exacerber les pressions sur les prix des matières premières. De plus, les baisses de production aux États-Unis n’ont pas suffi à compenser l’offre surprise en provenance du Moyen-Orient, Irak inclus, d’autant que l’Arabie Saoudite et le Koweït ont enregistré des records de production le mois dernier. Les cours ont également reculé en prévision de l’afflux de pétrole iranien (les estimations vont jusqu’à 900 000 barils par jour), les sanctions contre Téhéran étant susceptibles d’être levées après le récent accord sur le nucléaire.
Il existe plusieurs raisons au fait que les obligations à haut rendement du secteur de l’énergie aient connu cette fois-ci une correction plus marquée.
Tout d’abord, plusieurs sociétés énergétiques qui avaient émis des obligations garanties par leurs actifs (ce que l’on appelle obligations de second rang) au premier semestre pour étoffer leur profil de liquidités ont vu ces titres enregistrer une sous-performance significative. Cette situation a effrayé les investisseurs au point que cette source de financement est désormais fermée aux sociétés susceptibles de bénéficier de liquidités supplémentaires. La situation a eu des répercussions sur la confiance des investisseurs, ces derniers allant jusqu’à délaisser les obligations d’entreprises n’ayant a priori pas besoin de liquidités supplémentaires.
Par ailleurs, la courbe des cours à terme s’est aplatie. Le marché, qui anticipait un rebond relativement solide des prix au second semestre 2015 et en 2016, table désormais sur une évolution plus modérée. Bon nombre de sociétés sont correctement couvertes pour 2015. Elles sont donc bien protégées contre les baisses des prix de l’or noir et peuvent se permettre d’attendre que les choses s’améliorent. Mais les couvertures finiront par se déboucler et le secteur sera globalement moins bien protégé en 2016. Conséquence : les entreprises devront évoluer dans un contexte de prix bas pendant une période plus longue que prévu sans la protection des couvertures, ce qui pèsera vraisemblablement sur leurs résultats et générera des tensions sur leurs liquidités.
Enfin, le marché des obligations de second rang étant globalement fermé tant que le WTI ne rebondit pas, les lignes de crédit basées sur les réserves (c’est-à-dire les facilités de crédit bancaire adossées aux actifs des sociétés) seront de plus en plus sollicitées pour fournir des liquidités. Ces lignes de crédit sont généralement réévaluées par les banques au mois d’octobre. Du fait de la dégradation de la courbe des cours, la capacité d’emprunt de ces lignes sera réduite au moment même où les résultats et les flux de trésorerie sont sous pression, ce qui dégradera le profil de liquidités des sociétés.
Cependant, en toute honnêteté, le marché n’a pas sanctionné toutes les sociétés aveuglément. Les prestataires de services, les producteurs offshore et les sociétés d’exploration‑production très endettées ont accusé un décrochage bien plus marqué que les acteurs du midstream (pipeline) et de l’exploration‑production affichant des bilans solides et des frais d’exploitation limités.
Voici quelques exemples d’évolution des prix d’obligations de différents sous‑secteurs :
- Crestwood Midstream Partners – société de pipeline stable
- Concho Resources Inc. – société d’exploration‑production avec un bilan solide
- Hercules Offshore, Inc. – prestataire de services offshore
- Energy XXI Gulf Coast, Inc. – société d’exploration‑production offshore (golfe du Mexique)
Comment les investisseurs obligataires doivent-ils aborder ce secteur ? Les obligations liées à l’énergie représentant 13,5% de l’indice américain du haut rendement (même si ce chiffre a baissé, il s’agit toujours de la principale composante de l’indice), il est difficile de l’éviter totalement, d’autant qu’en le délaissant aujourd’hui, les investisseurs risquent de passer à côté d’un éventuel rebond.
Malgré la débâcle, il existe encore des opportunités pour les investisseurs patients, capables de capitaliser sur les valeurs trop sévèrement sanctionnées qui devraient survivre à un contexte de faiblesse durable des cours du pétrole. Ils doivent notamment mettre l’accent sur :
- Les opérateurs à bas coûts capables de produire à des niveaux rentables même si les cours du WTI passent sous la barre des 50 dollars.
- Les producteurs installés dans des bassins porteurs (la qualité du bassin compte autant que sa localisation pour limiter les frais de transport).
- Une dette gérable, avec peu ou pas de maturités courtes et un levier financier limité au regard des résultats.
- Une liquidité financière robuste : une trésorerie et des capacités d’emprunt bancaire conséquentes. Notons que la tension sur les liquidités n’est pas généralisée, un certain nombre de sociétés ayant activement amélioré leur profil de liquidités lors du rebond du WTI au deuxième trimestre grâce à des emprunts, des extensions de maturités et même des émissions d’actions.
- La possibilité de réduire encore les coûts : la quasi-totalité des sociétés s’est mise à la diète, certaines plus que d’autres. Les entreprises qui ont opéré des coupes limitées mais ont encore la possibilité de réduire leurs coûts sans trop pénaliser les niveaux de production disposent d’une certaine flexibilité pour gérer le contexte de baisse des cours.
- Les opérateurs midstream qui possèdent un pourcentage important de contrats « take or pay » à frais fixes avec des contreparties investment grade, mieux armés pour faire face à la faiblesse des prix.
- Les éventuelles opportunités de fusions-acquisitions. Le secteur est mûr pour une consolidation et il existe plusieurs exemples de sociétés à haut rendement rachetées par des entreprises investment grade, pour le plus grand plaisir des détenteurs d’obligations. Rosetta Resources est par exemple récemment passée dans le giron de Noble Energy, Inc., une société appartenant au segment investment grade. À l’instar des investisseurs obligataires, les sociétés investment grade s’intéressent aux opérateurs à haut rendement présents dans des bassins de qualité, avec des coûts de production limités et des réserves solides. Elles chercheront également à mener des opérations verticales, en ciblant des actifs dans la distribution et le raffinage, par exemple des sociétés de pipeline avec lesquelles elles possèdent déjà des contrats, des coentreprises, etc. Le graphique ci-dessous met en avant les obligations Regency Energy Partners, actuellement rachetée par Energy Transfer Partners, une société notée investment grade.
Nous continuons d’éviter les prestataires de services et les sociétés offshore car, malgré l’extrême faiblesse des prix, le risque de poursuite de la dégradation est élevé et la volatilité des obligations sera exacerbée par l’arrivée d’investisseurs virulents.
Les cours du pétrole rebondiront-ils ? Difficile à dire, mais probablement pas à court terme : les chiffres chinois, le niveau de l’offre et la courbe des cours à terme plaident en faveur d’une morosité durable. L’un des catalyseurs potentiels pourrait être un rejet de l’accord sur le nucléaire iranien par le Congrès américain (ce qui est tout à fait plausible), mais l’impact sur les cours sera limité compte tenu des conséquences relativement modestes sur la production et l’offre à l’échelle mondiale.
Nous avons déjà évoqué, dans un précédent article, certaines des questions qui nous préoccupent concernant l’affaiblissement progressif des clauses contractuelles relatives aux obligations (autrement dit, les textes juridiques qui protègent le droit des porteurs d’obligations) ces dernières années. Aujourd’hui en revanche, c’est l’exemple d’une clause intervenant au profit desdits porteurs que nous souhaitons évoquer, à savoir la clause de changement de contrôle. Cet exemple illustre l’importance que revêtent de telles clauses dans la protection des intérêts des investisseurs.
Ce matin, la fusion entre Lowell Group, société britannique de services financiers spécialisés, et un concurrent allemand a été annoncée. Un changement de propriétaire est prévu dans le cadre de l’opération. En conséquence, la clause de « changement de contrôle » s’applique. Cette clause autorise, sans le contraindre, le porteur d’obligations à revendre ses titres à la société au prix de 101 % de leur valeur nominale.
Les obligations GBP 5,875 % 2019 de la société se négocient en deçà de ce niveau depuis la mi-2014. A la suite de l’annonce d’aujourd’hui, on constate dans le graphique ci-dessous que le cours a progressé d’un peu plus de 3 % pour atteindre ce niveau de 101. Dans la mesure où la nouvelle entité fusionnée sera davantage endettée, on peut affirmer que, sans cette clause, le cours des obligations aurait très certainement chuté pour refléter le risque de crédit accru qu’elle présente. On voit ici clairement la valeur économique que revêt cette clause contractuelle.
Trente-cinq des quarante-et-un économistes interrogés par Bloomberg s’attendent actuellement à ce que le FOMC relève le taux des fonds fédéraux le 17 septembre prochain, engageant ainsi une période de normalisation de la politique de la Fed. La plupart d’entre eux s’appuient sur le communiqué de juillet du FOMC qui signale une amélioration des données en juin et indique certains progrès dans les conditions nécessaires à un relèvement. Ces économistes qui prévoient une hausse des taux vous diront que l’économie américaine se reprend après le ralentissement observé cet hiver, que le marché de l’emploi continue de s’améliorer et que l’inflation de base fait preuve d’une relative inertie (l’indice PCE de base s’établit à 1,3 % en glissement annuel), permettant ainsi au FOMC d’engager le long processus d’inversion de sa politique monétaire ultra accommodante.
Les marchés, de leur côté, tablent à 50 % sur la possibilité d’une hausse des taux. Rien n’est encore joué en ce qui concerne le mois de septembre, notamment après la publication vendredi dernier du rapport concernant l’indice du coût de la main-d’œuvre (ECI). La hausse de 0,2 % de l’indice ECI en juin a mis fin à un mouvement d’accélération des salaires engagé il y a un an. Pour un FOMC qui surveille de près les conditions du marché de l’emploi, la faiblesse des données de l’ECI jette un doute sur les prévisions des économistes.
Il y a deux ans à peine, de nombreux économistes se mordaient les doigts d’avoir prédit que la Fed réduirait le programme d’achat d’actifs mis en place dans le cadre de sa politique d’assouplissement quantitatif. À l’époque, l’immense majorité d’entre eux estimait que Ben Bernanke avait signalé cette réduction dès mai 2013 et beaucoup avaient intégré ce facteur dans leurs prévisions. Au final, la Fed décida de ne pas intervenir, les milieux économiques et financiers se livrèrent à un examen de conscience et on inventa une expression accrocheuse (« Fed Fake ») pour tenter de tourner à la légère le fait que la plupart des économistes s’étaient trompés.
La Fed n’a eu de cesse de répéter que la politique monétaire dépendait des données et qu’elle n’était pas déterminée à l’avance. Le rapport sur l’emploi publié vendredi sera extrêmement important dans la décision de la Fed de relever ou non ses taux – tout semble se jouer sur ce point. Mais n’y a-t-il pas des enseignements à tirer du comportement de la Fed en septembre 2013, qui a surpris les marchés en décidant de poursuivre sa politique d’assouplissement quantitatif ?
À la lueur d’un certain nombre de données économiques intérieures, il semble que l’économie américaine bénéficie d’une meilleure assise qu’en septembre 2013. La croissance est solide, le taux de chômage est faible, la confiance des consommateurs est plus élevée et l’ISM signale que l’expansion de l’économie devrait se poursuivre. Malheureusement pour ceux qui appellent à un relèvement des taux, l’inflation est beaucoup plus faible, les ventes au détail sont stables et les vents contraires liés au dollar US devraient continuer de souffler sur les entreprises américaines pendant encore un certain temps. Par ailleurs, le contexte économique mondial est moins porteur qu’en 2013 compte tenu des préoccupations concernant la croissance économique chinoise et l’affaiblissement des marchés émergents qui en découle, des risques de retombées en Europe liés à l’incertitude entourant la Grèce et de la possibilité qu’un référendum sur l’Europe soit organisé au Royaume-Uni en 2016.
Cette analyse suggère que le relèvement des taux de la Fed en septembre est loin d’être acquis. Les économistes interrogés par Bloomberg préfèrent vraisemblablement se fondre dans la foule et suivre le mouvement. Personnellement, je pense que le fait de savoir si la Fed relèvera ou non ses taux est moins important que celui de déterminer où se trouve le taux final des fonds fédéraux dans un cycle potentiel de hausse des taux. Il est probable que le resserrement de la Fed dans ce cycle sera anormalement lent, prudent et bien communiqué aux marchés. Si c’est le cas, la réaction des marchés obligataires sera vraisemblablement limitée par rapport aux hausses de taux précédentes. Pour que les rendements obligataires augmentent de façon marquée, il faudrait une réévaluation des attentes en matière d’inflation. Selon nous, un tel mouvement est peu probable à court terme, compte tenu de l’appréciation du dollar US, de la croissance modérée des salaires, du niveau d’endettement élevé des consommateurs et de la chute des prix des matières premières. En conséquence, la réaction du marché à une éventuelle hausse des taux en septembre sera probablement timide par rapport à ce que nous avons pu connaître par le passé.