Zoom sur les covenants : après la clause favorable, la clause défavorable

Nous avons récemment évoqué le cas d’une clause contractuelle (ou « covenant ») favorable aux investisseurs obligataires. Mais après le soleil, voici l’heure de la pluie : une clause susceptible de pénaliser les détenteurs d’obligations. Ces deux exemples montrent pourquoi il est essentiel de comprendre les moindres détails de la documentation avant d’investir dans un titre de créance.

Burgan Bank, troisième banque du Koweït, a indiqué dans une déclaration réglementaire qu’elle avait obtenu le feu vert de la banque centrale du pays pour le rachat de 400 millions de dollars d’obligations subordonnées en circulation. Il s’agit de titres subordonnés à échéance 2020 (fonds propres Tier 2 ancienne norme) pouvant être rachetés au plus tôt le 29 septembre 2015. Le 17 août 2015, ils se négociaient à un prix de 113.

La banque centrale a donné son feu vert au « rachat pour des raisons liées au traitement des fonds propres réglementaires », une clause tout à fait commune dans la documentation des obligations bancaires. Elle permet à l’émetteur de racheter au pair ou à 101 toute obligation en circulation ayant perdu son statut de fonds propres réglementaires en raison d’un changement de législation.

Début 2014, la Banque centrale du Koweït a annoncé une transition vers les règles de fonds propres de Bâle III. Contrairement à l’Europe, qui prévoit une protection des droits acquis, les fonds propres Tier 2 ancienne norme du Koweït n’ont pas bénéficié d’une période de transition. La réglementation Bâle III est effective depuis juin 2014. Rien de nouveau, donc.

Pourtant, la documentation des obligations Burgan Bank 7,875% 2020 prévoit, aux pages 25 et 26, les éléments suivants :

Rachats liés au traitement des capitaux réglementaires

Si, après la date d’émission des obligations, un événement réglementaire survient, sous réserve de l’accord écrit préalable de la Banque centrale du Koweït, le garant pourra, le ou à compter du 29 septembre 2015, demander par écrit à l’émetteur, sous réserve d’un préavis d’au moins 30 jours et d’un maximum de 60 jours accordé aux détenteurs des obligations (l’avis étant irrévocable), de racheter en totalité, mais pas en partie, les obligations, dans le respect des présentes conditions, à un montant correspondant au principal et aux intérêts courus à la date fixée pour le rachat, sous réserve qu’à la date de l’avis de rachat et immédiatement après ledit rachat, le garant respecte la réglementation en vigueur en matière d’exigences de fonds propres réglementaires (sauf si le régulateur financier ne l’exige plus).

Le terme « événement réglementaire » désigne une situation dans laquelle, en raison d’une modification de la loi ou de la réglementation postérieure à la date d’émission des obligations, la dette cesse d’être éligible ou ne peut plus être qualifiée dans sa totalité de « fonds propres Tier 2 » au sens de la réglementation sur les fonds propres. Aucun événement réglementaire ne sera considéré comme étant survenu si la situation résulte (a) d’une limitation du montant des fonds propres applicable au garant ou (b) du fait que ces fonds propres cessent d’entrer dans la base de fonds propres du garant en raison d’un amortissement ou d’une procédure similaire ou d’une modification y afférent (y compris les amortissements ou procédures similaires résultant de dispositifs de protection des droits acquis).

À l’aune de la clause ci-dessus, Burgan Bank a reçu le feu vert de la Banque du Koweït pour le rachat de ses obligations subordonnées à échéance 2020 à compter du 29 septembre 2015. Les covenants précisent que les titres peuvent être rachetés au pair, ce qui serait synonyme d’une perte potentielle d’environ 13 points pour les détenteurs des titres si ceux-ci sont effectivement rachetés.

Pour l’heure, la banque n’a pas encore officiellement annoncé si elle souhaitait racheter les obligations. Compte tenu de l’importance du coupon (7,875%) et de la solidité actuelle de sa trésorerie, la probabilité d’un rachat semble élevée, car il réduirait nettement la charge des intérêts et serait une bonne nouvelle pour les actionnaires. Aujourd’hui, le prix moyen de l’obligation est de 105 (101,3 / 108,7), ce qui signifie que le marché table sur une probabilité de rachat élevée (plus de 50%).

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Les détenteurs actuels d’obligations risquent fort de ne pas apprécier un rachat au pair. C’est la raison pour laquelle d’autres options sont envisageables. Même si cela semble très peu probable, la banque pourrait décider de ne pas racheter cette obligation, car elle en détient d’autres, notamment des titres hybrides super-subordonnés (une obligation perpétuelle à 7,25%), et pourrait redouter la réaction des détenteurs d’obligations. Autre option plausible : le lancement d’une offre de rachat des obligations à un prix compris entre le pair et leur niveau récent (113). Le cas échéant, la perte de valeur serait rémunérée. Le Credit Suisse a choisi cette option lors du rachat de son obligation hybride Tier 1 à 7,875% début février 2015 : la banque a proposé un prix de rachat à 103 alors que les titres se négociaient 107 avant l’annonce.

Cet exemple démontre pourquoi les investisseurs doivent passer les covenants en revue et mener une due diligence réglementaire afin d’éviter ce genre de désagrément.

*Merci de noter que nous ne détenons pas d’obligations Burgan Bank

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Charles de Quinsonas

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