M&G et bondvigilantes.com sont fiers de vous présenter les graphiques les plus terrifiants sur l’économie mondiale. Vous en rirez, vous en pleurerez. Vous serez stupéfaits, envoûtés, déconcertés, amusés. Bien entendu, ce qui suit est déconseillé aux âmes sensibles. Vous aurez été prévenus.
- Le risque fait fuir les entreprises
Une pléthore d’obligations d’entreprises à faibles taux d’intérêt a été émise depuis la crise financière. Qu’ont fait les entreprises de toutes ces liquidités que les marchés financiers leur ont prêtées ? Dans l’immense majorité des cas, les sociétés américaines ont mené des opérations de rachats d’actions et de fusions/acquisitions, contribuant à pousser le marché d’actions à la hausse. Seul un faible pourcentage des sommes mobilisées par les entreprises américaines sur les marchés obligataires a servi aux dépenses d’investissement. Cela indique que les entreprises hésitent encore à prendre des risques, même dans un environnement dans lequel beaucoup considèrent que l’économie américaine peut faire face à des taux d’intérêt plus élevés.
- Aucune échappatoire pour les investisseurs
Autrefois, les investisseurs pouvaient compter sur la bonne tenue de leurs obligations en portefeuille lorsque les actions faisaient l’objet d’un mouvement de vente massive, et vice versa. Plus maintenant. Une analyse réalisée par le FMI montre que les classes d’actifs évoluent de plus en plus dans la même direction. Autrement dit, la règle d’or en matière d’investissement, diversifier, n’est plus aussi pertinente qu’auparavant. Ce qui est inquiétant, c’est que la tendance qu’ont les cours des actifs mondiaux à évoluer de concert atteint aujourd’hui un niveau record et que les corrélations sont restées élevées même durant les périodes de faible volatilité. Un sentiment de grande frayeur sur les marchés d’investissement pourrait réellement éprouver la fragilité du système financier en cas de chute des valeurs de l’ensemble des actifs.
- Des prévisions terrifiantes
Les prix des produits sont extrêmement volatils et imprévisibles, comme en témoigne le prix du pétrole brut fixé par le marché à terme. Ce phénomène constitue un défi de taille pour les autorités des pays riches en ressources. Dans la majorité des pays exportateurs de matières premières, une part importante des recettes publiques provient des ressources naturelles. Le choc qui secoue actuellement le prix des matières premières pourrait exercer de fortes pressions sur les comptes publics, notamment dans les régions troublées comme le Moyen-Orient, le Nigéria, la Russie et le Venezuela. Ceux qui prévoient (pour ne pas dire espèrent) un rebond des prix des matières premières risquent d’être déçus.
- Une exposition monstrueuse aux produits dérivés
La valeur notionnelle des instruments dérivés au sein du système financier mondial s’élève à environ 630 000 milliards USD. À titre de comparaison, la valeur du PIB mondial est estimée à 77 300 milliards USD. Ce chiffre de 630 000 milliards est certes considérable, mais l’importance des risques liés au marché mondial des produits dérivés est exagérée. Le montant notionnel ne reflète pas les actifs exposés au risque dans une opération sur dérivés. Selon la BRI, la valeur brute du marché mondial des produits dérivés négociés de gré à gré s’élève à 20 900 milliards USD (proche d’un tiers du PIB mondial).
- Les efforts pour empêcher le réchauffement climatique sont insuffisants
Et pour finir, voici le graphique le plus terrifiant de tous. Les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter à l’échelle mondiale, au détriment de l’environnement. L’OCDE estime que ces émissions augmenteront de plus de 50 % d’ici à 2050, sous l’impact d’une hausse de 70 % des émissions de dioxyde de carbone liées à la consommation d’énergie. La demande énergétique devrait progresser de 80 % d’ici à 2050. Si ces prévisions se confirment, les températures mondiales devraient augmenter de 3 à 6 degrés Celsius. Un tel phénomène modifierait les systèmes de précipitations, ferait fondre les glaciers, entraînerait la montée du niveau des océans et accentuerait les phénomènes météorologiques extrêmes à des niveaux sans précédent. Les bouleversements naturels qui l’accompagneraient pourraient avoir des résultats catastrophiques ou irréversibles sur l’environnement et la société.
D’un point de vue économique, le principal problème lié aux efforts de réduction des émissions de CO2 est que le monde développé doit trouver un moyen de subventionner les pays en développement afin qu’ils adoptent des technologies exploitant les énergies renouvelables (plus coûteuses). Le coût pourrait atteindre plusieurs centaines de milliards de dollars. Les pays en développement rétorquent que les pays développés devraient assumer l’essentiel des efforts de réduction des émissions dans la mesure où les émissions par habitant sont plus élevées dans les pays riches.
Heureusement, des mesures sont mises en œuvre pour tenter de limiter la hausse des émissions de gaz à effet de serre. Quatre-vingt-une multinationales ont signé un engagement parrainé par la Maison-Blanche visant à prendre des mesures plus énergiques concernant le changement climatique. En fin d’année, la France accueillera la « COP21/CMP11 », une conférence des Nations unies dont l’objectif est de conclure un nouvel accord international sur le climat afin de contenir le réchauffement de la planète en dessous de 2 degrés Celsius. Et pour les innovateurs, un prix de 20 millions USD a été mis en jeu et sera remis à quiconque parviendra à développer des technologies permettant de convertir les émissions de dioxyde de carbone des centrales électriques et des sites industriels en produits de valeur comme les matériaux de construction, les carburants de substitution et d’autres objets du quotidien.
Cette analyse fait partie de l’ABC de la série d’articles consacrée à la dette des pays d’Amérique latine
Le Brésil se retrouve coincé dans étau destructeur entre politique et économie.
Sur le plan politique, il est impossible d’investir en fonction des rumeurs quotidiennes et des risques liés à l’actualité. La destitution éventuelle de Dilma Rousseff (probabilité de 45% au pifomètre) serait toutefois soumise à plusieurs démarches et obstacles juridiques et pourrait ne pas intervenir avant six à neuf mois. Alors que 342 voix sont nécessaires pour destituer la présidente brésilienne, l’opposition n’en compte que 280 à l’heure actuelle. Entre-temps, des événements viendront détourner l’attention du Congrès et l’économie continuera à s’enliser jusqu’à ce que les incertitudes sur les forces au pouvoir soient balayées. L’objectif ultime de l’opposition est d’affaiblir le parti travailliste autant que possible avant les élections de mi-mandat de 2016 et l’élection présidentielle de 2018.
Par ailleurs, les économistes du pays pensent que l’économie devrait se contracter plus avant au cours des trois prochains trimestres avant d’atteindre son point bas. La baisse des salaires réels et la hausse du chômage pèsent sur la consommation et les entreprises ont gelé leurs investissements jusqu’à ce que la situation politique se clarifie. Les exportations nettes peuvent soutenir la croissance de manière marginale, mais pas assez pour redresser l’économie, car le Brésil est une économie fermée. Parallèlement, les finances publiques se sont fortement creusées, car les recettes fiscales affichent une élasticité au PIB supérieure à 1 et car plus de 90% des sorties correspondent à des dépenses non discrétionnaires qu’il est difficile de réduire sans l’accord du Congrès. Même un nouveau gouvernement, affaibli, n’aurait pas suffisamment de marge de manœuvre pour désindexer les retraites et prestations sociales de l’inflation, mesure qui pourrait permettre au Brésil de réduire sa dette publique. Un tel scénario est à exclure sous l’égide du gouvernement actuel. D’autres réformes structurelles, si tant est qu’elles soient adoptées (comme la Sécurité sociale et les retraites des fonctionnaires), enverraient un signal positif. Il convient toutefois de préciser que les bienfaits de telles mesures ne se feraient sentir que sur le long terme. La possibilité de voter de nouvelles hausses d’impôts pour réduire le déficit public a donné lieu à un débat animé, mais stérile au cours duquel l’opposition a affirmé que le Brésil avait d’ores et déjà atteint le point optimal sur la courbe de Laffer, c’est-à-dire le point à partir duquel toute nouvelle hausse d’impôts devient contre-productive. La taxe sur les virements bancaires, qui permet de collecter l’équivalent de 1% du PIB, ne devrait pas être approuvée par le Congrès (malgré la promesse d’une redistribution à des collectivités locales à court de liquidités), car l’opposition conditionne son vote en faveur de la taxe à des coupes budgétaires dans des domaines politiquement sensibles (comme les retraites). Or, miné par une faible cote de confiance et craignant une sanction des électeurs, le gouvernement n’est pas enclin à prendre ce genre de mesures. Le Brésil, comme beaucoup d’autres pays d’Amérique latine, dépend de la croissance pour consolider ses comptes publics.
Par conséquent, la dette passera à 70%-80% du PIB si le pays poursuit sa trajectoire actuelle en termes de déficit primaire et de contraction de la croissance et s’il maintient des taux d’intérêt réels figurant parmi les plus élevés au monde.
La capacité du pays à se refinancer n’est pas compromise pour l’instant, mais la maturité de la dette intérieure pourrait être de plus en plus courte (dans les années 1980, la majeure partie de la dette était refinancée au taux au jour le jour). Plusieurs Etats du pays ont également du mal à rembourser leur dette, et le scandale Petrobras n’arrange pas les choses (voir le blog de Charles sur les obligations quasi souveraines émergentes ici).
La Banque centrale court le risque de devoir gérer une inflation à deux chiffres persistante (certains projets de hausse d’impôts visant à réduire le déficit public ne feraient que le creuser) en pleine période de récession et sa fonction de réaction semble prête à tolérer une inflation à court terme plus forte jusqu’à ce que la situation politique et budgétaire du pays soit clarifiée. Je pense que les taux resteront inchangés pendant un certain temps, et ce malgré une inflation sensiblement supérieure à l’objectif de 4,5% et au seuil maximum de 6,5% fixés par la Banque centrale. Les observateurs exhortant la Banque centrale à assouplir sa politique devraient se montrer plus pressants en cas de recul de l’inflation.
Sur une note plus positive, la balance courante du Brésil devrait continuer à s’améliorer, soutenue par une réduction du déficit touristique (voir mon blog précédent) et des importations. Le réal s’est fortement déprécié et n’est plus surévalué. Il pourrait toutefois se déprécier davantage en cas de départ du ministre des Finances Joaquim Levy, de dégradation des comptes publics ou dans le cas où la Banque centrale commencerait à assouplir sa politique de manière prématurée. Malgré les interventions de la Banque centrale sur le marché des changes, les réserves de change brutes du Brésil (370 milliards de dollars) restent supérieures au niveau recommandé par le FMI, dans des conditions normales. Le gouvernement a réussi à contenir la fuite des capitaux jusqu’à présent. Toutefois, si elle venait à s’amplifier ou si les conditions venaient à empirer au point que le marché commence à exiger des dollars au comptant comme couverture au lieu des contrats d’échange de la Banque centrale pour couvrir le risque de contrepartie (dont le montant notionnel s’élève à 110 milliards de dollars), les réserves pourraient se tarir rapidement.
Fin septembre, les actifs (écarts de crédit, taux d’intérêt locaux et devise) affichaient des valorisations qui semblaient indiquer que le marché avait d’ores et déjà anticipé les mauvaises nouvelles à court terme. La correction marquée et soudaine du marché s’est révélée bénéfique, car les investisseurs avaient adopté un positionnement très défensif. Depuis, les investisseurs se sont positionnés à la baisse et les cours des actifs ont légèrement rebondi.
Les observateurs s’accordent à dire que la destitution de Dilma Rousseff entraînerait un rebond du marché. Si cela devait se produire, les investisseurs seraient bien inspirés de ne pas se positionner à la hausse, car le nouveau gouvernement (potentiellement non élu) aura également toutes les peines du monde à diriger le pays. En effet, de nombreuses réformes sont nécessaires, notamment sur le plan budgétaire, pour surmonter les difficultés auxquelles le pays est confronté. Mon avis est que la situation devrait empirer plus qu’elle ne devrait s’améliorer.
La semaine dernière, deux choses m’ont laissé dubitatif. La première, c’est qu’après avoir écrit un article sur l’impact d’El Nino sur l’inflation mondiale (ici), Anthony a été contacté par une société qui est ensuite venue nous voir pour nous présenter son activité. Grâce à des données de la NASA et des satellites européens, elle formule des prévisions de résultats pour les distributeurs et des projections de statistiques économiques. En comptant les voitures garées sur les parkings des supermarchés depuis l’espace, elle estime le nombre de clients des magasins (FootFall) : lorsque le décompte sort de l’ordinaire, c’est bien souvent synonyme de surprise en perspective au niveau du chiffre d’affaires. Cette société peut prévoir la production des constructeurs automobiles et comparer la vitesse de construction des infrastructures et bâtiments aux délais prévus. Elle surveille également les champs magnétiques et électriques entourant, par exemple, les centrales électriques ou encore les émissions de CO2 par régions (on nous a fait miroiter des chiffres très intéressants sur les rejets de CO2 de la Chine, mais nous ne nous sommes pas abonnés, donc…). Tout cela est fascinant et soulève de nombreuses questions éthiques et juridiques. Et me fait aussi me demander quel est l’avenir des statistiques traditionnelles (et de la gestion de fonds).
Est-ce éthique d’observer les habitudes d’achat de quelqu’un depuis l’espace ? Sur le plan juridique, quid du droit à la vie privée ? Si un astronaute compte vos camions pour savoir s’il faut vendre ou acheter des actions de votre entreprise, est-ce du délit d’initiés ? Quelle sera la réaction des instituts traditionnels de la statistique à ces « nouveautés » potentiellement capables de donner des chiffres du PIB fiables en temps réel, alors qu’il faut aujourd’hui des mois pour obtenir une estimation que personne ne prendra au sérieux et qui sera révisée à diverses reprises ? Nous avons parlé plusieurs fois du Billion Price Project, un IPC en temps réel construit à partir des prix sur Internet, et j’imagine que l’indice Li Keqiang prouve que même les États peuvent utiliser des données alternatives pour obtenir des « prévisions immédiates » de PIB. La technologie devrait donc avoir un impact important sur notre capacité à comprendre (ou du moins, à jauger) l’économie, alors même que son impact sur l’économie reste flou (« L’informatique est partout, sauf dans les statistiques sur productivité », comme disait Robert Solow).
Seconde chose, toujours dans le thème de la technologie et de ses conséquences sur la gestion des investissements : j’ai reçu un email d’une autre société me proposant un lien pour suivre en direct la conférence de presse de jeudi de Mario Draghi, le président de la BCE. Lien qui aurait huit secondes d’avance sur les flux Bloomberg et CNBC et vingt sur le site Internet de la BCE. Certes, ce n’est pas encore Flash Boys, mais il semblerait que le secteur de l’investissement soit sur le point de prendre un virage technologique. Est-ce que quelqu’un s’est abonné à Wired ?
Pour ceux qui n’ont pas tout compris au titre : dans A New England, l’auteur raconte qu’un soir, il a vu deux satellites et les a pris pour des étoiles filantes, et qu’il se demande si « c’est une mauvaise idée de faire un vœu quand on voit un engin spatial ».
Je viens juste de passer deux semaines en Amérique latine à l’occasion des réunions du FMI à Lima. La région traverse divers bouleversements : recul des prix des matières premières, détérioration des bilans, croissance en berne et dégradation budgétaire, besoin urgent de réformes structurelles et problèmes politiques importants. Il y a matière à réflexion, si bien que dans les prochains jours, je vais publier une série de blogs axés sur l’ABC de la dette latino-américaine : Argentine, Brésil et Colombie.
Première étape, l’Argentine. Voici un résumé de mon voyage, notamment ce qui constitue selon moi les problèmes majeurs du pays et mes impressions à cet égard.
Après un vol de nuit sans sommeil de 13 heures au départ de Londres, j’ai décidé de me ménager pour ma première journée et de donner un caractère éducatif à ma journée de tourisme. Le Congrès argentin et le Musée de la Dette Extérieure (tous deux liés à l’évolution du marché) semblaient une préparation idéale à ma tournée d’investisseur.
Officiellement, pour en revenir à l’objet principal de ma visite, les élections législatives prévues ce dimanche ont représenté le premier sujet de conversation. De l’avis général, le prochain gouvernement sera préférable à celui en place, ce qui a aidé la dette argentine en devise forte à se placer au 4ème rang des dettes souveraines depuis le début de l’année. Malgré l’imminence des élections, il est possible que Daniel Scioli, le candidat le plus proche du gouvernement existant, remporte le premier tour. Autrement, il devra affronter un second tour en novembre contre l’un des deux candidats partisans d’une économie de marché (Mauricio Macri et Sergio Massa ; Macri est actuellement en tête des sondages). Je suis toujours convaincu de la victoire de Scioli au premier tour.
Les difficultés du pays et les mesures à prendre sont parfaitement claires. Ce qui est moins évident est à quel rythme Scioli va s’attaquer à ces difficultés et combien de temps sa période de grâce va durer auprès des marchés. A mon avis, les marchés vont lui accorder entre 3 et 6 mois avant de manifester leur impatience et de commencer à metter à l’épreuve l’approche progressive et non conflictuelle de Scioli.
L’Argentine se heurte à deux difficultés :
Primo, les réserves nettes internationales ont atteint des niveaux extrêmement bas. L’accès de l’Argentine aux marchés financiers s’est trouvé fortement restreint en raison du litige persistant avec les fonds ayant refusé la restructuration de la dette. Jusqu’à sa résolution, les contrôles des capitaux (« cepo ») restent en vigueur, ce qui gêne les investissements directs étrangers et maintient des spreads élevés alors que la réserve de liquidités du pays s’amenuise. Un accord – au moins avec les principaux créanciers récalcitrants – est une condition nécessaire mais non suffisante pour stabiliser les perspectives macro-économiques difficiles du pays. Cela permettrait à l’Argentine de lever progressivement les contrôles des capitaux, de favoriser la reprise de certains investissements directs étrangers et d’émettre de nouvelles dettes extérieures en vue de reconstituer ses réserves. Un accord devra être rectifié par le Congrès argentin, et a des chances d’être adopté, même si aucun candidat n’a atteint la majorité absolue. C’est une question de détail.
Secundo, outre l’accord avec les fonds récalcitrants, l’Argentine doit parvenir à l’équilibre dans trois domaines :
a) Le taux de change officiel est manifestement surévalué et va probablement subir une dévaluation à un niveau intermédiaire entre le taux officiel actuel (9,50) et le marché parallèle (16,00), avec également la possibilité d’un double régime de change ;
b) Les taux d’intérêt réels (Badlar) restent négatifs et devront augmenter pour stabiliser la dévaluation ;
c) La situation budgétaire (-6 à -7 % du PIB) est insoutenable à moyen terme, à moins d’un redémarrage robuste de la croissance. Au mieux, toutefois, nous allons assister à un ajustement de 1 à 2 % par le biais d’une réduction des dépenses et d’une baisse des subventions au secteur de l’énergie à la fin du 1er trimestre 2016.
En conclusion, la dette argentine devrait selon moi continuer à se négocier aux alentours des niveaux actuels au cours des prochains mois, dans l’hypothèse d’une victoire de Scioli (et d’un redressement si l’opposition l’emporte, ce qui n’est actuellement pas envisagé). J’entrevois également un scénario binaire après le 2ème trimestre 2016 : une correction à des rendements de 12 à 13 % si les problèmes indiqués plus haut ne sont pas réglés de manière satisfaisante, ou un rebond à moins de 8 % si c’est le cas.
Récemment, Claudia et moi étions à Lima pour les réunions annuelles du FMI et de la Banque Mondiale. Sans surprise (au vu du pays hôte et de l’historique des réunions), la majorité des séances a porté sur les pays en développement, en particulier l’Amérique latine. Claudia publiera bientôt une série de blogs plus détaillés sur les pays d’Amérique latine visités, je vais donc privilégier un point de vue plus global.
Dans l’ensemble, le FMI table sur une croissance mondiale légèrement inférieure cette année (3,1 %) par rapport aux derniers chiffres, puis sur un regain de vigueur à 3,6 % en 2016. Dans ce contexte, il faut s’attendre à un redressement de la croissance au sein des pays développés et à un ralentissement des pays émergents. Le FMI indique un certain nombre de facteurs expliquant les raisons de ce ralentissement, mais l’impact de la situation en Chine fait beaucoup plus parler de lui.
La croissance chinoise est en perte de vitesse, mais les prévisions de croissance pour cette année et l’an prochain s’élèvent encore à 6,8 % et 6,3 % respectivement. Hormis l’Inde, on serait bien en peine de trouver un grand pays affichant des prévisions de taux de croissance supérieurs dans le reste du monde. La vraie question est de savoir comment cette croissance sera réalisée. La Chine semble évoluer d’une économie reposant sur les investissements/la construction (qui nécessite une grande quantité de matières premières importées pour continuer à se développer) à une économie où la demande et la consommation intérieures jouent un rôle accru dans la croissance économique (une évolution que nous avons auparavant soulignée ici et ici).
Il était fort probable que ce changement interviendrait à un moment donné : la classe moyenne en augmentation constante allait inévitablement commencer à profiter tôt ou tard des richesses accumulées. Quiconque ayant fréquenté une galerie commerciale à Beijing ces dernières années ne pouvait manquer de remarquer la multiplication des boutiques haut de gamme ; j’y ai tenté désespérément de trouver une cravate à moins de 100 £ lors de ma visite l’an dernier.
Les conséquences de la demande moindre de produits d’importation en Chine ont été le plus vivement ressenties dans d’autres parties de l’Asie et dans les pays sud-américains tributaires des exportations de matières premières pour une grande part de leurs revenus.
Le FMI a reconnu que ces effets de « contagion » en Asie se sont révélés plus importants que prévu, et puisque les anciennes stratégies de croissance induite par les exportations sont arrivées en bout de course, l’Asie devrait trouver de nouveaux moteurs de croissance économique. Alors que la dépréciation de certaines devises de la région est arrivée à point nommé, davantage d’efforts sont nécessaires. Les pouvoirs publics régionaux sont invités à améliorer les infrastructures, à accroître la flexibilité du marché du travail et à renforcer le respect de la légalité.
Concernant l’Amérique latine, ma principale conclusion est que le recul de la demande mondiale en matières premières et le spectre de la résurgence de l’inflation risquent de conduire certains pays auparavant performants à une période de stagflation. Les déficits non résorbés de la balance des paiements courants, le populisme politique et la productivité médiocre pourraient générer des problèmes pour davantage de pays de la région que ceux déjà concernés malheureusement.
Les séances au sujet des Etats-Unis et de l’Europe ont été peu nombreuses, ce qui est plutôt encourageant à mon avis. Je tiens à souligner que ces réunions se sont traditionnellement intéressées aux marchés émergents ; par conséquent, peut-être ne faut-il pas s’attendre à ce que trop de temps soit consacré aux questions relatives aux pays développés. Toutefois, s’il existe des problèmes majeurs dans les pays développés, ils tendent à s’imposer dans les discussions ; j’ai entendu dire que la Grèce constituait le principal sujet de conversation lors de la série de réunions du printemps, par exemple.
Toutes les séances auxquelles j’ai assisté sur les Etats-Unis étaient dominées par la prochaine élection présidentielle et les divers candidats rivalisant actuellement pour obtenir le soutien de leur parti respectif. L’impression générale que j’ai ressentie est que l’économie s’en sort bien, qu’il existe une lassitude généralisée quant au mystère de la date du relèvement des taux par la Fed et il n’y avait donc guère matière à s’y attarder.
En Europe, un grand nombre des derniers facteurs de volatilité semble s’estomper pour l’instant : la situation en Grèce et en Russie/Ukraine est désormais moins risquée qu’auparavant. Je ne suis pas sûr de partager forcément l’avis selon lequel le risque de mauvaise nouvelle s’atténue, mais selon moi, il est sans doute vrai que le marché semble moins focalisé sur les risques.
Les risques mis en lumière par le FMI en Europe sont (de nouveau) le tassement de la demande chinoise et les niveaux relativement élevés des prêts non productifs figurant toujours aux bilans des banques. L’institution est allée jusqu’à affirmer que la reprise économique récente a peu de chances de durer plus de 18 mois si la question de ces prêts n’est pas résolue. Selon le FMI, il faut s’attendre à de nouvelles mesures d’assouplissement quantitatif (QE) de la part de la BCE, et l’assouplissement quantitatif en Europe s’est avéré plus efficace qu’aux Etats-Unis ou au Japon, puisque la prime à terme dans ces deux pays a baissé davantage. Plus encourageant, du fait de la hausse du taux d’activité sur le marché du travail, le taux de chômage de 10 % n’est pas aussi sinistre qu’il y paraît à première vue. Le FMI suggère également la nécessité d’une réforme structurelle en zone euro, dans la mesure où la croissance potentielle est trop faible.
Je suis conscient d’avoir brossé un tableau général et qu’au sein de chaque zone économique, les pays connaissent des difficultés et des opportunités totalement différentes. Toutefois, certains thèmes communs reviennent sans cesse tout au long de mon voyage. La réforme structurelle et les gains de productivité sont sensiblement nécessaires partout dans le monde, et les changements vécus par la Chine sont appelés à durer. Ceci dit, je suis d’accord avec Christine Lagarde, Directrice Générale du FMI, lorsqu’elle déclare que les changements subis par l’économie chinoise sont salutaires et vont se révéler favorables à long terme pour le reste du monde également.
Tout d’abord, merci à Business Insider. Régulièrement, lorsque nous arrivons au bureau, nous découvrons que nous avons des centaines de nouveaux abonnés sur Twitter. Cette semaine, c’est grâce à BI, qui nous a classés numéro 2 de son panorama de la twittosphère financière. Cette liste est formidable et, globalement, tous ceux qui y figurent méritent d’être suivis. Je vous recommande également Mike Bird (@Birdyword), rédacteur en chef pour les marchés européens de Business Insider.
Venons-en à l’inflation. La composante « énergie » représentant à elle seule 10 à 15 % des IPC des pays développés, l’évolution des cours du pétrole a bien évidemment des répercussions sur les taux d’inflation globale. Les effets de second tour sont moins visibles, mais les coûts de transport, entre autres, joueront un rôle important dans l’évolution des autres composantes de l’inflation, qu’il s’agisse des biens ou des services. Aux États-Unis, l’impact de la hausse ou de la baisse des cours du pétrole est a priori plus important qu’en Europe, car la fiscalité des carburants est beaucoup moins élevée que sur le Vieux Continent. Les fluctuations des cours ont donc des répercussions plus directes qu’au Royaume-Uni ou dans la zone euro, où les prix à la pompe sont majoritairement faits de taxes et autres TVA. Au Royaume-Uni, par exemple, un litre de sans-plomb coûte environ 1,10 livre sterling, dont 58 pence de taxes et 18 pence de TVA : la partie non taxée représente donc environ un tiers du prix à la pompe. Les cours du WTI et du Brent ayant chuté l’an passé (le Brent a perdu 57 % entre août 2014 et août 2015), l’inflation globale a flirté avec les 0 % au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans la zone euro. Si l’on s’intéresse aux chiffres de la zone euro, la composante « énergie » de l’IPC a reculé de 7 % en glissement annuel. Et, malgré les effets de second tour, toutes les autres grandes composantes se sont inscrites en hausse (biens, alimentation et services, ces derniers avançant de 1,3 % sur l’année).
La peur de la déflation se faisant de plus en plus forte, le prix de la protection contre l’inflation a reculé. Les obligations indexées sur l’inflation ont connu un été mouvementé et l’évolution des anticipations du marché en matière de prix à la consommation – le point mort d’inflation à 5 ans dans 5 ans, très suivi par les dirigeants – a été synonyme de danger. Fin septembre, après que la Fed a évoqué le ralentissement de l’économie mondiale pour justifier le maintien des taux directeurs, le marché des TIPS américains tablait sur un IPC global de tout juste 1 % en moyenne sur les cinq prochaines années. Un investisseur baissier peut tout à fait démontrer que, dans les prochaines années, les cours du pétrole exerceront des pressions baissières sur les taux d’inflation. Le marché du pétrole de schiste américain souffre d’un excédent d’offre (même les entreprises du segment du haut rendement, qui ne sont pas rentables à moins de 50 dollars, continuent d’extraire de l’or noir : tout revenu est bon à prendre, ce sont leurs coûts fixes et le service de leur dette qui sont problématiques, pas les coûts marginaux) et, après des années de sanctions, le pétrole iranien devrait revenir sur les marchés mondiaux. La demande en provenance de Chine et des marchés émergents ralentissant, il n’y aurait rien d’étonnant à ce que les cours du pétrole aient encore reculé dans un an. Si les prix de l’or noir chutaient à 25 dollars le baril, la composante « énergie » de l’IPC reculerait de 7 à 10 % supplémentaires, empêchant l’inflation globale annuelle de dépasser 0 %. Il serait donc possible de démontrer une corrélation entre les points morts d’inflation à court terme et les cours du pétrole. Expliquer la force du lien entre cours et points morts à 30 ans est une autre affaire.
Le tableau ci-dessus montre qu’il existe une corrélation très importante entre points morts d’inflation à 5 ans et cours du pétrole depuis la mi‑2014 aux États-Unis et au Royaume-Uni. Pour l’instant, rien à redire. Mais, étonnamment, la corrélation entre points morts d’inflation à 30 ans et cours est ÉNORME : 95 %, avec un coefficient de détermination de 0,89, c’est-à-dire la plus forte corrélation que nous ayons pu trouver dans le domaine de l’inflation des pays développés. En quoi les niveaux actuels des cours du pétrole ont-ils un impact sur les anticipations d’IPC américain des trente prochaines années ? Pour avoir le même impact annuel sur le taux d’inflation aux États-Unis l’an prochain, il faudrait que le pétrole chute à 25 dollars. Puis à 12,50 dollars l’année suivante, puis 6 dollars, 3 dollars, 1,5 dollar, etc. Oui, le coût de l’énergie recule (nous avons évoqué les énergies renouvelables, les batteries et l’électricité d’origine nucléaire dans ce billet de blog). Mais, même si toutes les énergies devenaient gratuites, l’impact disparaîtrait des chiffres de l’IPC l’année suivante. Aux États-Unis, les points morts d’inflation à 30 ans sont passés de leur moyenne de long terme (2,4 %) il y a deux ans à 1,67 % aujourd’hui avec des cours du pétrole divisés par deux. Pourtant, je ne pense pas que les marchés puissent raisonnablement imaginer que les dirigeants américains ne parviendront pas à atteindre leur objectif d’inflation à 2 % sur les trente prochaines années à l’aune de l’évolution des prix de l’énergie sur une seule année. Cela semble irrationnel.
Sur cette question de l’inflation, je me souviens qu’il y a quelques années, la Banque d’Angleterre avait parlé des milliers de lettres qu’elle recevait au sujet du manque de billets de cinq livres dans les distributeurs automatiques et en circulation de manière générale. Elle s’était fixé pour objectif d’augmenter le nombre de billets de cinq livres dans l’économie. À l’époque, je pensais qu’il s’agissait d’un signal désinflationniste (le grand public demandant plus de petites coupures que le volume généralement disponible). Eh bien, la banque centrale d’Irlande vient d’annoncer qu’elle allait tenter d’éliminer les pièces d’un et deux cents et de demander un arrondi des prix aux 5 centimes les plus proches (nous évoquions la suppression des petites pièces rouges en 2012). C’est donc l’inverse de ce que la BoE souhaitait faire et un signe que la déflation ne semble pas guetter l’Irlande dans un avenir proche. Le 28 octobre sera la « Journée de l’arrondi » dans le pays.
Passons aux robots. Je me suis récemment rendu à un petit-déjeuner avec Martin Ford, auteur de Rise of Robots, pour débattre de sa théorie. Selon lui, lors de la dernière longue phase de développement humain, les machines et la technologie ont remplacé les outils et, aujourd’hui, à l’heure d’une nouvelle phase de développement, les machines (les robots) vont remplacer les ouvriers. Je ne suis pas très sûr de réussir à faire la distinction et j’ai lu des études qui indiquent que la technologie a toujours détruit des millions d’emplois tout en en créant plus dans le même temps. Mais il a peut-être raison sur le fait que la vague technologique actuelle éradique la « classe moyenne » et les « emplois qualifiés » dans une proportion inédite et que cela pourrait être un double coup dur : destruction d’emplois et appauvrissement des consommateurs au sens large (car les robots n’achètent rien) entraînant une réduction de la demande globale très préjudiciable pour la société. Martin Ford explique que la main-d’œuvre américaine augmente de plus de deux millions de personnes par an et anticipe des problèmes sociaux majeurs si les robots viennent voler les emplois disponibles aux simples mortels, la richesse allant aux propriétaires de ces robots et la grande majorité des gens étant sans emploi. Il faudrait alors un « revenu de base » pour maintenir les niveaux de vie (et nous permettre de continuer d’acheter des choses). Il a peut-être raison à propos des États-Unis, qui bénéficient d’une démographie porteuse et d’une main-d’œuvre en augmentation. Mais quid de nous, pauvres Européens vieillissants (sans parler du Japon ou de la Chine, où la politique de l’enfant unique prépare une catastrophe démographique) ? Après quatre décennies de croissance, la proportion de population en âge de travailler par rapport à la population mondiale a vraisemblablement amorcé un repli en 2012. Les robots pourraient-ils finalement être utiles pour travailler à notre place quand nous fréquenterons les maisons de retraite ? C’est un livre intéressant, malgré tout.
Je viens également de lire Fields of Fire de James Webb, qui est selon moi le meilleur roman qui existe sur la guerre du Vietnam, et Doing Good Better, de William MacAskill, qui mérite un billet de blog à lui seul. Ce livre parle du meilleur moyen de donner à des organisations caritatives, tout en abordant des questions morales fascinantes et des concepts passionnants tels que celui de « micromort » (c’est-à-dire le temps de vie que l’on perd, en moyenne, en faisant de la moto, en fumant ou en raison d’activités du même acabit). En résumé : vous pouvez sauver une vie avec un don de 3 000 dollars, voire moins. Ciblez les organisations les plus efficaces, qui distribuent des moustiquaires et des traitements antiparasitaires.
Un livre que je n’ai pas le courage d’ouvrir, en revanche, c’est le nouveau roman de Morrissey. Son autobiographie était passionnante, mais les critiques de List of the Lost sont tellement mauvaises que je vais le laisser sur son étagère. J’ai tout de même une bonne nouvelle concernant Morrissey : j’ai assisté à son premier concert en solo au Wolverhampton Civic Hall en décembre 1988 (à regarder ci-dessous) et, fin septembre, il a donné à Hammersmith ce qu’il affirme être son dernier concert britannique. Je n’avais pas réussi à monter sur scène en 1988, mais j’ai la grande joie de vous annoncer que j’ai réussi à franchir les barrières de sécurité au moment de Suedehead le mois dernier. Et croyez-moi si vous voulez : il m’a serré la main.
Les temps sont durs pour le géant minier BHP Billiton, dont le chiffre d’affaires fait l’objet de pressions persistantes face à la baisse des prix des matières premières. En dépit d’un bilan qui compte parmi les plus solides des entreprises du secteur, les promesses faites aux actionnaires se révèlent difficiles à tenir.
Conscient de ces engagements, le groupe s’est adressé en début de semaine à un marché obligataire fébrile avec l’émission de quelque 6,44 milliards USD d’obligations hybrides comme détaillé ci-dessous.
BHP Billiton a émis l’équivalent de 6,44 mrd USD d’obligations hybrides, réparties selon les cinq tranches suivantes: |
1 mrd USD à 60 ans non remboursables avant 5 ans à 6,25 % |
2,25 mrd USD à 60 ans non remboursables avant 10 ans à 6,75 % |
1,25 mrd EUR à 60,5 ans non remboursables avant 5,5 ans à 4,75 % |
750 mio. EUR à 64 ans non remboursables avant 9 ans à 5,625 % |
600 mio. GBP à 62 ans non remboursables avant 7 ans à 6,5 % |
En mai 2015, BHP a procédé à la scission de certains actifs qui ont été regroupés au sein d’une nouvelle entité dénommée South32, tout en donnant aux investisseurs l’assurance de pouvoir maintenir une distribution conforme à sa politique visant à « l’augmentation progressive ou au minimum au maintien du dividende par action ». Au regard du niveau actuel des prix et malgré des mesures considérables de réduction des coûts, le maintien du dividende amènera l’entreprise à afficher un cash-flow négatif à hauteur d’environ -2,5 milliards USD. Alors qu’un redressement des prix des matières premières semble peu probable à court terme et compte tenu de l’engagement du groupe à maintenir sa note de crédit en catégorie « A », il semblerait que ses dirigeants soient acculés au pied du mur. Enclins au doute, les investisseurs boursiers ont vu le rapport dividende-cours implicite de BHP augmenter considérablement en 2014 et 2015 pour atteindre actuellement les 10 %.
S’astreindre à un coût de financement en dette hybride (capital et intérêts réunis) de 6 % pour une période de cinq ans au minimum, principalement pour maintenir le dividende face à la baisse des prix des matières premières, pourrait se révéler être une erreur coûteuse. Face à une charge d’intérêt appelée à augmenter de 160 millions USD par an (avant prise en compte des avantages fiscaux), il est probable qu’une réduction à court terme du dividende eût été une réaction plus adéquate, d’ailleurs déjà intégrée par le marché en tout état de cause. Les entreprises versent bien souvent un dividende extraordinaire lorsqu’elles ont le vent en poupe, et se tournent vers les marchés obligataires lorsque les temps sont durs. Cette stratégie tient au fait que réduire le dividende peut se révéler onéreux pour les actionnaires existants, ce qui selon nous relève d’un manque de clairvoyance. Les entreprises cycliques comme BHP devraient s’assurer la possibilité de réagir aussi bien aux ralentissements qu’aux reprises cycliques. De fait, nul ne peut dompter le cycle des matières premières.
Le Brésil, le plus grand pays d’Amérique latine, fait face à une véritable tempête depuis la réélection de Dilma Rousseff en octobre 2014 et l’effondrement du cours des actifs. Les swaps sur défaillance (CDS) sur les titres de créance souverains brésiliens à 5 ans libellés en dollars US et les spreads des obligations d’entreprises libellées en devises fortes se sont creusés pour atteindre 545 pb et 938 pb respectivement fin septembre 2015, un niveau supérieur à celui affiché durant la crise financière mondiale de 2021/12 et le plus élevé depuis la crise survenue en 2002 au Brésil. Le niveau satisfaisant des réserves de change, l’un des rares points positifs pour le pays, n’a pas empêché S&P de rétrograder la note souveraine du Brésil en catégorie spéculative (junk) le mois dernier, ce qui, comme l’indiquait Claudia, était inévitable étant donné la faiblesse de l’environnement macroéconomique et politique.
Dans ce contexte, de nombreux investisseurs obligataires examinent les actifs brésiliens comme ils examinaient de manière opportuniste les actifs russes en début d’année. La Russie, rétrogradée au rang spéculatif tant par S&P que par Moody’s respectivement en janvier et février cette année, a produit l’une des meilleures performances depuis le début de l’année dans l’univers de la dette des marchés émergents. Les spreads des obligations d’entreprises russes libellées en devises fortes se sont resserrés de plus de 30 % (273 pb) depuis le début de l’année malgré la poursuite des sanctions économiques imposées par les pays occidentaux, la baisse des prix du pétrole et la faiblesse du rouble, et les CDS russes à 5 ans ont rebondi de 32 % (180 pb) depuis le début de l’année à 370 pb le 9 octobre 2015.
Si l’on examine les obligations d’entreprises dans le graphique ci-dessus, on observe que le récent élargissement des spreads brésiliens assorti d’un pic atteint à l’issue de la rétrogradation de la note souveraine intervenue en septembre montre certaines similitudes avec ce que la Russie a connu en janvier/février cette année, lorsqu’un certain nombre d’émetteurs privés russes sont soudain tombés dans la catégorie spéculative. Bien qu’elles n’aient jamais retrouvé leur note Investment Grade, les obligations d’entreprises russes ont ensuite surperformé le reste des obligations des marchés émergents. Les obligations d’entreprises brésiliennes suivront-elles le même chemin à court terme ? C’est peu probable car le Brésil n’est pas la Russie.
Tout d’abord, la situation macroéconomique est très différente. Bien que les deux économies soient entrées en récession cette année, ce phénomène résultait de facteurs extérieurs pour la Russie, tandis que le Brésil est manifestement davantage confronté à des vents contraires intérieurs qu’à des menaces extérieures. L’économie russe a été durement touchée par les sanctions internationales et le repli des prix du pétrole. Au Brésil, les questions d’ordre politique (présidente tombée en disgrâce, vaste scandale de corruption Petrobras) sont sans doute au moins aussi néfastes pour la confiance des investisseurs que la faiblesse des prix des matières premières ne l’est pour l’évolution de ses termes de l’échange.
Deuxièmement, les fondamentaux de crédit des émetteurs russes ont fait preuve d’une vigueur étonnante dans le contexte économique actuel. La faiblesse du rouble a permis aux exportateurs (pétrole et gaz, secteur métallurgique et minier, produits chimiques) d’améliorer leur compétitivité dans la mesure où leurs coûts sont libellés en devise locale et leurs revenus en dollars américains. Face à un marché primaire quasiment fermé au cours des 12 derniers mois, les émetteurs russes ont également fait preuve d’une solide discipline en limitant l’effet de levier et en maintenant des niveaux de liquidités suffisants pour faire face aux échéances de leurs dettes. Enfin, la rareté des obligations a été utile d’un point de vue technique. Au Brésil, la situation est totalement inverse. De nombreux émetteurs affichent une dette extérieure importante au sein de leur bilan et l’affaiblissement du réal a considérablement accru les niveaux d’endettement en dollars US et les charges d’intérêt des acteurs nationaux ne disposant d’aucune couverture. L’effet de levier est à la hausse dans la mesure où les niveaux d’endettement augmentent et où les bénéfices diminuent sous l’impact de la récession au Brésil et du repli des prix des matières premières. Par ailleurs, le scandale de corruption « Lava Jato » (lavage auto) devrait peser sur la quasi-totalité des émetteurs d’obligations d’entreprises du pays.
Dans ce contexte, nous anticipons une hausse des taux de défaut au Brésil. Contrairement à la Russie, qui a globalement constitué une prise de position macroéconomique durant les 9 premiers mois de l’année, la différenciation des crédits au Brésil sera cruciale et les rendements obligataires inégaux. Nul doute que certaines opportunités de rendements satisfaisants ont émergé parmi les obligations injustement pénalisées, mais les obligations d’entreprises brésiliennes dans leur ensemble sont peu susceptibles de produire des rendements aussi solides à court terme que ceux affichés par les titres de créance russes jusqu’à présent en 2015.
Un des principaux objectifs de la politique monétaire moderne consiste à stabiliser les anticipations d’inflation, car la gestion de ces anticipations est la première étape vers la maîtrise de l’inflation.
Le degré de stabilisation des anticipations d’inflation peut avoir des conséquences directes sur le comportement de l’inflation et de l’économie dans son ensemble.
Si ces anticipations sont fluctuantes, la baisse (ou la hausse) de l’inflation peut engendrer une incertitude sur les prix futurs, incitant les consommateurs à différer leurs achats, et par conséquent, ralentir l’activité économique. D’autre part, lorsque les anticipations d’inflation sont bien stabilisées, les chocs des prix induits par l’offre (tels que l’augmentation ou le recul brusque des prix des matières premières) sont moins susceptibles de modifier les habitudes des consommateurs à court terme, ce qui réduit la marge d’instabilité économique.
La stabilisation des anticipations d’inflation est donc déterminante actuellement pour la ligne de conduite des banques centrales et témoigne d’une politique monétaire crédible. Dans cette optique, l’édition du 3ème trimestre 2015 de l’enquête M&G YouGov sur les prévisions d’inflation constate que tous les pays européens interrogés tablent sur une inflation égale ou supérieure à 2% d’ici cinq ans, ce qui tend à indiquer que les consommateurs européens restent plutôt confiants quant à la réussite de la mission de stabilité des prix de la BCE (Banque Centrale Européenne).
En dépit des niveaux historiquement bas de l’inflation en Europe, peu de changements sont à noter dans les prévisions d’inflation au dernier trimestre, et certains pays font même état d’une légère hausse. La France reste le seul pays européen à signaler un recul des anticipations d’inflation à court terme. Par ailleurs, notre enquête établit que 9% des consommateurs français s’attendent toujours à une inflation nulle ou négative sur une période d’un an. En Suisse, toutefois, les anticipations d’inflation à court terme des consommateurs continuent d’augmenter régulièrement et ont fait preuve d’une résistance remarquable, dans la mesure où le pays connaît une longue série de chute des prix.
Nouveauté ce trimestre, nous intégrons trois nouvelles questions en vue d’évaluer l’opinion publique au sujet des plans de sauvetage des dettes souveraines, de la hausse des prix des logements et des achats sur Internet.
Voici quelques-uns des points essentiels :
- Les consommateurs restent globalement optimistes quant à la hausse des prix des logements sur les 12 prochains mois
- On constate un faible soutien aux plans de sauvetage des dettes souveraines au Royaume-Uni et dans la plupart des pays européens
- Les achats en ligne deviennent de plus en plus populaires : 7 sondés sur 10 ont réalisé des achats sur Internet au moins une fois au cours du mois dernier
Le rapport complet et les statistiques de notre enquête du 3ème trimestre 2015 sont disponibles en anglais ici. En outre, nous affichons régulièrement les dernières tendances de l’inflation via notre compte Twitter @inflationsurvey.
Cette vidéo est en anglais