Contributeur invité – Chris Clemmow (négociateur, M&G Investments)
L’une des caractéristiques dominantes de ces dernières années a été la place de plus en plus importante des discussions au sujet de la liquidité des marchés et la tendance à la détérioration sur l’ensemble des marchés obligataires. Cela avait conduit de nombreux acteurs sur les marchés à s’interroger sur les implications en résultant en termes de stabilité et de volatilité des marchés.
Il est dès lors logique d’essayer de comprendre les facteurs à l’origine de ces tendances et les possibles pièges et opportunités qui les accompagnent pour les gérants actifs. En tant que personne expérimentée dans l’art d’essayer d’exécuter les diverses idées de transaction et stratégies qui ont été employées, j’espère pouvoir apporter un certain éclairage.
Traditionnellement, les marchés sont considérés comme liquides lorsque les investisseurs sont à même d’y négocier à peu de frais, sans perte de temps et au « prix de marché » actuel ou à un prix proche. De plus, il est important de noter la différence qui existe entre des conditions de marché normales, à savoir lorsque les marchés sont équilibrés (avec plus ou moins une même proportion d’acheteurs et de vendeurs) et des conditions de marché difficiles lorsque la direction des ordres est extrêmement déséquilibrée.
Savoir dans quelle mesure les marchés des obligations d’entreprises sont, ou ont jamais été, liquides selon la définition ci-dessus est une question qui mérite d’être posée pour plusieurs raisons. En l’occurrence, la nature relativement hétérogène de la classe d’actifs rend la négociation difficile dans la mesure où les émetteurs possèdent de nombreuses obligations existantes avec de très différentes caractéristiques et toutes étant cotées et négociées dans diverses quantités et logiques. Dans le même temps, la nature et l’ampleur de la base d’investisseurs sont souvent extrêmement variables avec de grands investisseurs institutionnels, pouvant souvent détenir des actifs pendant de longues périodes ou même jusqu’à l’échéance, qui représentent une part importante d’une émission, d’où des transactions inégales et peu fréquentes. Ce faisant, rapprocher les acheteurs et les vendeurs à tout moment sur le marché n’est généralement pas possible. C’est pourquoi, il est nécessaire d’utiliser des intermédiaires, c’est-à-dire des teneurs de marché ou contrepartistes qui, dans la plupart des cas, sont des banques, voire parfois des courtiers. Pour des obligations moins largement cotées, cela peut rendre la liquidité extrêmement dépendante des caprices de quelques négociateurs.
Si ces facteurs ont toujours été plus ou moins présents, il n’est toutefois pas exagéré de dire que la question de la liquidité et de sa possible dégradation est aujourd’hui particulièrement pertinente en raison de la forte croissance de la taille des marchés obligataires et de la tendance de la majorité des acteurs sur les marchés à s’imiter dans un sens ou dans un autre (créant ainsi des conditions de marché difficiles) à la suite des nombreuses crises socio-économiques et des interventions sans précédent des États et des banques centrales qui ont caractérisé la période après la faillite de Lehman Brothers. Pour l’essentiel, c’est le déclin du rôle traditionnel du teneur de marché qui a le plus attiré l’attention dans la mesure où il est intervenu en totale contradiction avec l’essor du marché.
En dépit de cela, plusieurs mesures de la liquidité, à savoir les volumes moyens, la taille des transactions et les fourchettes de prix d’achat/de vente, semblent toutes indiquer des conditions qui se sont améliorées ou stabilisées tout au moins au cours des années qui ont suivi la faillite de Lehman Brothers en 2008. En définitive, ce que cela semble illustrer est que le risque de liquidité lié aux marchés des obligations d’entreprises est en grande partie passé des teneurs de marché aux investisseurs dont beaucoup, mais peut-être pas tous, seront bien armés pour y faire face. Cette situation est à l’origine de problèmes et d’opportunités pour les gérants actifs. Toutefois, lorsque les conditions de marché sont normales, qu’il existe un équilibre entre les acheteurs et les vendeurs, il est clair que la liquidité demeure abondante.
De plus, cela semble rester vrai sur les autres marchés moins développés. Dans le cas du Royaume-Uni, les données statistiques fournies par la récente publication de la FCA : « Liquidity in the UK corporate bond market: evidence from trade data » tendent à indiquer qu’en ce qui concerne la période après la faillite de Lehman Brothers, « il ne semble pas qu’il y ait eu une détérioration de la liquidité sur le marché en dépit de la baisse des stocks des courtiers durant cette même période. »
Dans l’ensemble, et même si cela peut s’avérer vrai pour plusieurs mesures de la liquidité d’un point de vue statistique dans des conditions de marché normales, il n’est toutefois pas exagéré de dire que de nombreux participants actifs sur le marché ne seraient pas de cet avis. Le point central est que les effets négatifs liés à l’évolution des dynamiques de la liquidité ne sont manifestes que dès lors qu’il s’agit d’exécuter des transactions quand les conditions sont difficiles, et ce, que ce soit pour un certain émetteur, un certain secteur ou le marché dans son ensemble. Dans ces cas-là, un sentiment négatif ou positif est souvent clairement d’une grande influence et se traduit par de profonds déséquilibres entre les acheteurs et les vendeurs. Dans un environnement où les teneurs de marché hésitent de plus en plus à apporter de la liquidité afin de tempérer l’évolution des cours, la volatilité peut clairement être amplifiée. Dans le cas de certains récents exemples qui ont défrayé la chronique tels que Glencore, les obligations sont tombées à mille lieux de toute valeur fondamentale rationnelle en voyant parfois leurs prix chuter de 30 % à 40 % dans un volume de translation limité, avant de regagner la majeure partie de ce terrain concédé durant les mois suivants.
S’il est parfois frustrant de négocier durant ces périodes, ces dernières sont toutefois cruciales en servant à créer et mettre en évidence des opportunités intéressantes pour les investisseurs actifs disposés à adopter un positionnement à contre-courant et à accepter une certaine volatilité à court terme. Dans ces cas-là, et parce qu’un investisseur est de fait en train d’apporter de la liquidité au marché, on est ainsi à même de pouvoir réaliser des transactions de grande ampleur et avec un fort pouvoir de fixation des prix. On se voit conférer un avantage appréciable en matière d’exécution en nous permettant d’atteindre un prix qui reflète convenablement les risques fondamentaux inhérents et en exploitant efficacement l’inefficience de la valorisation du marché.
Il n’est pas exagéré de dire que s’il s’agit là d’un phénomène mondial, il est clair que sur les marchés moins développés, à savoir au Royaume-Uni et dans une moindre mesure sur les marchés des obligations d’entreprises de la zone euro, ces effets sont cependant moins prononcés. Une base d’investisseurs institutionnels large et très concentrée, ainsi que ce désengagement des teneurs de marchés bancaires traditionnels, ont conduit à un environnement où la liquidité peut être quelque peu fluctuante et fragile. Des conditions de marché binaires en grande partie dues aux interventions des banques centrales se sont traduites par des périodes plus fréquentes et prolongées de tensions et de déséquilibres sur les marchés. Une nouvelle fois, si cela peut susciter des difficultés au quotidien du point de vue de l’exécution des transactions, les distorsions de prix qui en résultent offrent d’excellentes opportunités sur les marchés nationaux, mais elles permettent surtout de mettre en évidence les opportunités de valeur relative sur les marchés obligataires internationaux, en particulier dernièrement aux États-Unis. C’est clairement ce que l’on peut observer dans l’exemple d’obligations équivalentes d’un même émetteur dans différentes devises qui se négocient parfois avec d’importants écarts de prix avant qu’une normalisation intervienne au bout d’un certain laps de temps. Un investisseur actif se voit ainsi offrir l’occasion de générer d’excellentes performances avec essentiellement le même niveau de risque de crédit en vendant une obligation afin d’acheter l’autre, puis de procéder à la transaction inverse une fois la relation revenue à la normale.
Une autre conséquence de ces tendances a été une très forte concentration des transactions dans les émissions obligataires les plus liquides, souvent aux dépens de la liquidité de celles moins fréquemment négociées. Il s’ensuit que les obligations qui sont fréquemment négociées et dans des volumes importants exigent moins de capitaux et sont donc plus intéressantes à négocier en tant que teneur de marché. Il s’ensuit également qu’un investisseur qui a fréquemment besoin de liquidité préférera négocier ces titres liquides, pouvant le faire aisément et à faibles coûts. Le résultat final est une concentration des activités dans les titres les plus liquides et qui conduit à créer une sorte de bifurcation de liquidité entre les obligations liquides et illiquides. Ce faisant, cela se traduit par des disparités de prix de plus en plus importantes entre des obligations par ailleurs comparables, offrant ainsi à un investisseur actif l’occasion d’exploiter à nouveau l’inefficience en apportant de la liquidité au marché. C’est particulièrement visible sur le marché américain où les transactions sont concentrées dans les titres « on the run », c’est-à-dire les plus récentes, tandis que les titres plus anciens « off the run » sont moins fréquemment négociés et peuvent souvent devenir mal valorisés.
En résumé, il existe divers facteurs qui ont contribué à la profonde évolution de la liquidité des marchés des obligations d’entreprises, évolution qui a conduit la majeure partie du risque de liquidité à passer des teneurs de marché traditionnels aux investisseurs suite à la réduction des bilans et au considérable essor des marchés obligataires. Pour autant, il est clair que, sur la base des mesures traditionnelles, les marchés demeurent liquides et fonctionnent bien durant les périodes normales. Mais, il est également clair que la liquidité peut être fragile et son absence durant les périodes de tensions peut conduire à une volatilité extrême et à des anomalies de valorisation excessives. Pour un investisseur actif, cette situation s’accompagne indéniablement de plusieurs difficultés, mais encore plus d’opportunités aussi bien sur qu’entre les marchés s’il est à même de surmonter la volatilité à court terme et de gérer le risque.
Durant mon temps libre au mois d’août, j’ai lu l’ouvrage qui fait sensation dans les cercles politiques et économiques français (non, il ne s’agit pas de « Capital » de Thomas Piketty). Prix Nobel d’économie, Jean Tirole, est l’auteur du livre intitulé « Économie du Bien Commun ». Rédigé dans un style clair, ce livre s’adresse à un large public, y compris les novices en matière d’économie. Il se lit facilement et, en 17 chapitres et un peu plus de 600 pages, l’auteur aborde pratiquement toutes les problématiques auxquelles est actuellement confrontée l’économie française, du changement climatique aux défis de l’Union européenne en passant par l’économie numérique.
À mon sens, le chapitre le plus pertinent du livre concerne l’analyse affutée du marché du travail en France à laquelle se livre Jean Tirole. La sécurité nationale et le chômage seront les deux principaux thèmes de la campagne présidentielle de 2017. Le thème de la sécurité s’est naturellement imposé au vu de l’ampleur des attaques terroristes qui ont frappé le pays ces deux dernières années. Le chômage, en revanche, est un problème structurel qui dure depuis 40 ans.
L’auteur n’y va pas par quatre chemins, faisant valoir que le taux de chômage historiquement élevé en France n’est pas le résultat des effets de la globalisation – une excuse fréquemment invoquée par la classe politique française – mais plutôt la conséquence d’un choix de société qui a abouti à un marché du travail extrêmement rigide. Conscient de la montée persistante du chômage, le gouvernement français a décidé de créer des contrats à durée déterminée CDD) et de nombreux emplois subventionnés au lieu d’ajouter un certain degré de flexibilité aux contrats à durée indéterminée (CDI) excessivement rigides et de réduire le lourd fardeau des cotisations de sécurité sociale pesant sur les emplois. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2013, 85 % des emplois étaient des CDD. De plus, 77 % du nombre total de licenciements concernaient des CDD.
En réalité, un CDD ne convient ni à l’employé ni à l’employeur. Les salariés ne bénéficient que d’une faible protection de l’emploi, tandis que les employeurs ne sont guère incités à renouveler un CDD puisqu’en vertu de la législation française, il doit automatiquement être converti en CDI. Par conséquent, Jean Tirole recommande d’assouplir davantage les CDI afin d’encourager les entreprises françaises à recruter un plus grand nombre de collaborateurs en CDI et donc de promouvoir « les emplois de meilleure qualité » au détriment des emplois précaires et des CDD.
Il conteste aussi le système actuel qui veut qu’une entreprise qui licencie un employé doit lui payer des indemnités de licenciement sans pour autant supporter directement le coût (relativement élevé) de ses allocations chômage, qui est financé par la sécurité sociale. Actuellement, les allocations chômage sont financées grâce aux contributions des employés et des employeurs (et aussi au marché obligataire). Par conséquent, tout licenciement décidé par une entreprise est à la fois préjudiciable pour l’employé concerné (financièrement, psychologiquement et socialement) et pour le système social. Jean Tirole a donc imaginé un concept similaire à celui de « pollueur-payeur » transposable aux licenciements, grâce auquel une entreprise ne se contenterait pas de payer les indemnités de licenciement d’un employé mais contribuerait également au coût des allocations chômage versées par le système social à la personne concernée pendant sa période d’inactivité. Il ajoute que cette mesure serait neutre sur le plan fiscal pour l’ensemble des entreprises étant donné que la pénalité financière serait compensée par des primes pour les autres entreprises (sous forme de réduction des cotisations de sécurité sociale).
Enfin, Jean Tirole reconnaît que ce n’est pas le rôle d’un économiste de déterminer si la population doit travailler 35, 18 ou 45 heures par semaine. Néanmoins, il rejette énergiquement l’argument selon lequel la réduction du temps de travail est synonyme de création d’emplois (argument qu’il décrit comme une « fausse solution » qui ne repose sur aucun fondement théorique ni empirique). Il ne fait aucun doute que les opposants à l’un des principaux syndicats français qui milite en faveur d’un temps de travail hebdomadaire de 32 heures (contre 35 actuellement) ne manqueront pas de citer Jean Tirole.
J’espère que l’autorité du prix Nobel 2014 en matière d’économie donnera à réfléchir aux candidats à l’élection présidentielle française. Dans le passé, Thomas Piketty a été conseiller de Ségolène Royal, candidate du Parti socialiste, au cours de la campagne présidentielle française de 2007. Son idée de simplifier le système fiscal était intéressante autant que nécessaire. Toutefois, Mme Royal a été battue par Nicolas Sarkozy et depuis, aucune simplification du système fiscal n’a été mise en place. Espérons que le bon sens de Jean Tirole concernant le marché du travail recueillera les faveurs du prochain chef d’État. Cela pourrait servir l’intérêt commun.
Lorsque les investisseurs achètent ou vendent des actifs financiers, ils essaient d’analyser ce qui pourrait en ressortir. Cette analyse tourne fondamentalement autour de trois grandes questions :
- Quel est le potentiel d’appréciation du capital ?
- Quel est le potentiel de baisse ?
- Quel revenu va générer l’instrument financier ?
La chute spectaculaire des rendements obligataires signifie que cette approche d’investissement classique nécessite un nouveau regard.
Une façon de faire est de modéliser les résultats dans le monde réel. Le graphique ci-dessous illustre la façon dont le prix du bund allemand 0 % de maturité 2026 va évoluer en fonction de différents scénarios de rendement. En supposant que le rendement actuel est de zéro, le prix est à 100. Si les taux d’intérêt devaient baisser de 4 pourcents, le prix de l’obligation passerait à 151,9. Et si les taux venaient à augmenter de 4 pourcents, le prix chuterait à 67,8. Il est ainsi possible de représenter l’appréciation et la baisse théoriques du capital. Et comme il s’agit d’une obligation zéro coupon, elle ne rapportera aucun revenu à l’investisseur pendant toute sa durée de vie.
L’approche ci-dessus est la façon traditionnelle dont un investisseur va analyser une obligation, mais n’oubliez pas que les investisseurs peuvent se tourner vers le cash comme alternative crédible aux obligations. Quand on détient du cash physique (espèces), l’investisseur sait que le potentiel de hausse et de baisse est nul, et que le revenu généré par cet actif sera égal à zéro. Le cash est l’ultime instrument à faible volatilité, mais ne rapporte rien à l’investisseur.
Cette absence de revenus a historiquement procuré aux obligations un avantage par rapport aux liquidités. En détenant des obligations plutôt que du cash, les investisseurs étaient satisfaits de capter un surcroît de revenus et de s’exposer à leur potentiel de gains ou de pertes en capital. Les marchés développés d’obligations ont atteint un point où le revenu généré par le bund à 10 ans ou par un billet de 100 euros est exactement le même (zéro). L’avantage de rendement lié à la détention d’un bund à 10 ans a ainsi disparu. En revanche, le potentiel de gains et de pertes en capital associé à la détention d’un bund existe toujours. Par conséquent, à ces faibles niveaux de rendements, j’ai bien l’impression que l’intérêt des bunds par rapport au cash est limité.
Pourquoi un investisseur achèterait-il une obligation à rendement négatif, plutôt que de conserver du cash dont la performance est supérieure et la volatilité nulle ? Les emprunts d’Etat présentent cependant un avantage par rapport aux liquidités, c’est la sécurité. Ils sont en effet plus difficiles à perdre, à voler, ou à détruire. Et le coût de détenir des espèces est plus élevé en raison de leur nature physique. Ce risque peut être éliminé par un stockage sécurisé, traditionnellement en plaçant ces liquidités dans un coffre-fort. Pour leur détenteur, cela signifie que le coût de posséder des espèces devient indifférent à partir du moment où il est égal au rendement négatif généré par les obligations. Supposons que ce coût avoisine 1 %, le graphique ci-dessous illustre alors l’acceptation par les investisseurs de détenir une obligation procurant un rendement à échéance négatif, et ce malgré les risques potentiels en capital.
Les marchés sont dynamiques, et si cet environnement de taux négatifs venait à perdurer, les structures de marché évolueraient probablement pour fournir des façons potentiellement plus intéressantes de stocker le cash. Une solution consisterait pour une banque d’émettre un ETF basé sur du cash à rendement négatif, à l’instar d’autres ETF à réplication physique. Contrairement aux produits adossés à des matières premières ou à des actions, l’ETF stockerait du cash en toute sûreté dans différents endroits dotés d’un système robuste de sécurité et difficilement accessibles. Le fournisseur de l’ETF pourrait alors facturer au client une commission (disons 1 % par an) pour le dépôt du cash, payer de faibles frais de stockage, par exemple 0,5 %, et empocher 50 points de base de performance. Un tel ETF permettrait de procéder à des transactions de toutes tailles. Il permettrait aussi aux clients particuliers et aux institutions de stocker leur argent efficacement, c’est-à-dire à taux zéro avant frais.
En théorie, le potentiel de hausse des obligations est limité par l’alternative que constitue le cash physique. Par conséquent, la rémunération du risque associée à la détention d’obligations est biaisée. En dessous de zéro, la hausse est limitée, tandis que le potentiel de baisse peut encore faire des dégâts.
Afin d’évaluer la valeur présente dans les marchés du crédit, les investisseurs obligataires posent habituellement des hypothèses sur l’évolution future des taux de défaut des entreprises. Ces hypothèses proviennent généralement de prévisions macroéconomiques (croissance forte / faible = taux de défaut faibles / élevés) ou des événements spécifiques à un secteur (comme les évolutions des prix du pétrole). Par la suite, il est possible de savoir si les investisseurs sont suffisamment ou insuffisamment rémunérés pour investir dans des obligations d’entreprises, et ce en évaluant le niveau des spreads de crédit.
Si cela vous semble une approche simpliste, vous avez raison. Les taux de défaut ne donnent qu’une image partielle. Il est important de disposer de davantage d’informations pour juger des valorisations. En particulier, en cas de défaut, quel montant récupèreront les investisseurs ? Cette information est de plus en plus importante dans un monde où les taux d’intérêt bas et la politique monétaire non conventionnelle ont contribué à stimuler les prix des obligations d’entreprises à haut rendement vers des niveaux historiquement élevés, et ce malgré les risques liés à une fin de cycle. Parfois, il peut être intéressant d’acheter un émetteur candidat au défaut si le niveau de recouvrement compense le coût d’entrée et les maux de tête qui en résultent…
Au cours de la dernière année et demie, les taux de recouvrement des obligations américaines à haut rendement ont plongé, passant de 61 % en décembre 2014 à un point bas historique de seulement 23 %. En raison de la baisse des taux de recouvrement, l’écart entre les prix du marché américain des obligations à haut rendement et les taux de recouvrement n’a jamais été aussi large. Les investisseurs qui détiennent des obligations américaines à haut rendement faisant défaut perdent actuellement plus d’argent en moyenne que jamais auparavant.
Nous pensons qu’il existe deux raisons expliquant la chute des taux de recouvrement. Tout d’abord, les marchés ont tendance à laisser les investisseurs être des « preneurs de prix », ces derniers craignant de louper les performances dont jouissent d’autres participants de marché. Dans leur quête pour « rester investis », les porteurs d’obligations vont généralement renoncer à certaines clauses de protection, ce qui aura un impact sur les montants finalement recouvrés. Compte tenu de la forte corrélation des normes d’émission sur le marché du haut rendement, une des mesures que nous suivons de près est la part des émissions dotées d’une documentation peu contraignante (« covenant light » dans le jargon financier) au sein du marché des prêts à effet de levier. On observe une augmentation massive de ce type d’émissions sur la période 2012 – 2015. Cela signifie que les prêteurs sont beaucoup moins protégés par des clauses dites d’occurrence (« incurrence covenants », clauses testées uniquement lors d’évènements spécifiques) que par les tests réguliers appliqués aux clauses dites de maintenance (« maintenance covenants »). Le marché américain du haut rendement sur le secteur de l’énergie en est un bon exemple. Encouragés par un prix du baril autour de 100 dollars, les investisseurs en titres à haut rendement n’ont porté que trop peu d’attention à la documentation obligataire, laissant la possibilité à certains créanciers de se hisser en « premier rang » (fait d’accorder à un nouveau prêteur une priorité de remboursement par rapport à un créancier existant).
D’autre part, une conséquence involontaire des politiques d’assouplissement quantitatif est l’effet de rééquilibrage de portefeuille : les investisseurs se tournent de plus en plus vers les actifs risqués afin de générer des rendements positifs. La mauvaise répartition du capital constitue l’une des conséquences inattendues de cette tendance. Les entreprises évoluant dans un régime économique d’assouplissement quantitatif prennent beaucoup plus de temps à échouer, comme en témoigne le très faible taux de défaut enregistré sur la dernière décennie (à l’exception de la crise financière de 2008). Dans ce contexte, les entreprises sont incitées à émettre de la dette à des niveaux de rendements inhabituellement bas, et sont encouragées à laisser leur trésorerie s’échapper de leur cœur d’activité sous forme de distributions de dividendes aux actionnaires et de paiements de coupons aux créanciers. Lorsque l’entreprise rencontre une mauvaise passe et doit être liquidée, les créanciers s’aperçoivent alors qu’il y a moins d’argent à se partager mais davantage de dettes, ce qui entraîne les faibles taux de recouvrement que nous observons aujourd’hui.
Compte tenu de la chute des taux de recouvrement d’une part, et des taux de défaut qui devraient augmenter par rapport à leurs faibles niveaux actuels d’autre part, ceux qui cherchent à accéder aux marchés du haut rendement vont devoir faire « attention au fossé » qui s’est créé entre les taux de recouvrement et les taux de défaut. Dans un environnement dépourvu de rendement, l’attrait des investisseurs pour la quête de revenus est bien compréhensible. Cependant, les risques sont de plus en plus apparents, et les investisseurs en titres à haut rendement seraient bien avisés de considérer leurs risques tout autant que leur potentiel de hausse.
En 2013, j’avais publié un article dans le blog sur la façon dont les conditions de financement s’étaient fortement durcies pour les petites et moyennes entreprises (PME) des pays périphériques de l’Europe. En trois ans, nous avons vu l’introduction des opérations de refinancement ciblé à long terme (TLTRO), de l’assouplissement quantitatif, des taux de dépôt négatifs, et d’autres initiatives en faveur de la création d’une union bancaire européenne, à la fois cohérente et financièrement solidaire. C’est aujourd’hui une bonne occasion de revisiter ce thème afin d’évaluer dans quelle mesure la production de crédits s’est améliorée pour ces petites entreprises qui, en dépit de leur taille, contribuent de façon déterminante à la croissance économique et à la création d’emplois en zone euro.
Une analyse des taux d’emprunt peut donner un éclairage sur l’état du système européen de crédit. Au printemps 2013, les PME espagnoles et italiennes faisaient face à des vents contraires, et devaient supporter des taux d’emprunt de respectivement 5,4 % et 4,3 %, tandis que le taux moyen pour l’ensemble de l’UE s’établissait un peu en-dessous de 3,0 %. Le graphique ci-dessous montre comment l’écart des conditions de financement avec le reste de l’Europe s’est progressivement réduit, les primes de risque ayant reculé de respectivement 157 pb et 85 pb depuis mars 2013. Si l’on considère la seule Espagne, ce mouvement représente une baisse des coûts de financement de 52 % sur cette période, et de 24 % rien que sur les 12 derniers mois. Cette amélioration des taux de prêts accordés aux PME de l’Europe périphérique reproduit la tendance récente observée dans les coûts de financement des Etats. Les progrès continus en vue d’une union bancaire européenne, les nouveaux assouplissements des politiques monétaires, la poursuite des efforts de restructuration du secteur bancaire, et la reprise de la demande intérieure en matière de crédit sont autant de facteurs qui ont contribué à l’amélioration générale de la confiance des investisseurs.
Si le financement est moins cher, les PME y recourent-elles pour autant ? Depuis 2015, la production de crédits bancaires aux PME (mesurée par les nouveaux prêts aux entreprises d’un montant unitaire inférieur à 1 M€) a suivi une tendance haussière. Le graphique ci-dessous illustre les taux de croissance annuels des nouveaux prêts accordés en Europe. Il montre comment la reprise de l’offre de crédit a été particulièrement forte en Espagne, pays où la production de prêts a progressé de 7,1 % en 2014 et de 12,4 % en 2015. S’agissant des prêts bancaires accordés aux grandes entreprises (c’est-à-dire les prêts d’un montant unitaire supérieur à 1 M€), une analyse approfondie révèle que la production de crédits a accusé un retard par rapport aux opérations de tailles plus modestes. L’Irlande constitue cependant une exception intéressante par rapport à la tendance observée en 2015 : les banques irlandaises ont cette année-là augmenté de plus de 60 % le volume des prêts d’un montant unitaire supérieur à 1 M€. Dans l’ensemble, la demande de prêts n’a réellement augmenté qu’en 2015, pour ensuite chuter en 2016. Cela s’explique peut-être par la récente décision de la BCE de renforcer son programme d’achat d’actifs en y incluant les obligations d’entreprises du secteur privé : les grandes entreprises, qui ont accès aux marchés financiers internationaux, ont saisi cette opportunité pour substituer des prêts bancaires coûteux par des obligations émises sur des niveaux de taux historiquement bas.
Même si l’on observe des signes d’amélioration en matière d’offre de crédits, il reste encore du chemin à parcourir. Le bon fonctionnement du mécanisme de transmission du crédit est d’une importance cruciale pour faciliter l’accès des PME au financement. Il est par conséquent encourageant de noter que certaines institutions de l’UE ont récemment intensifié leurs efforts pour traiter ce problème (si ce sujet vous intéresse, de plus amples détails sont disponibles ici [ouvrir en tant que fichier PDF] et ici). L’innovation financière est dans ce domaine la bienvenue pour allouer de façon plus efficace les capitaux. La promotion de mesures favorisant la croissance des entreprises sera à ce titre essentielle pour ouvrir l’accès à d’autres sources de financement (comme le capital investissement, le capital risque, ou les marchés de gros). Le développement rapide des secteurs du « crowdfunding » et de la FinTech illustre bien de nouvelles formes de prêts aux PME. Les évolutions dans ces domaines seront bénéfiques, non seulement pour rompre la forte dépendance des entreprises à l’égard des banques, mais aussi pour renforcer la résistance des PME face aux ralentissements économiques à venir.
La Banque d’Angleterre a commencé ses achats de gilts et s’est engagée dans un programme d’acquisition d’obligations d’entreprises, et ce parallèlement aux actions similaires menées actuellement par la BCE. Il peut être utile dans ce contexte de prendre un peu de recul et de réfléchir à la valorisation du marché obligataire en livre sterling.
Jetons un rapide coup d’œil à ce qui s’est passé depuis le début de l’année sur le segment des emprunts d’Etat. Le gilt à taux fixe de durée ultra-longue enregistre cette année une performance éblouissante de 52 %. Depuis que le résultat du référendum est devenu évident, le cours de l’obligation a progressé de 20 %. Au cours des deux semaines qui ont suivi l’annonce par Mark Carney des mesures de relance adoptées par la Banque d’Angleterre, le prix du titre s’est encore apprécié de 13 %.
Et encore, il ne s’agit même pas de l’emprunt d’Etat qui s’est le mieux comporté en 2016. La palme revient au gilt indexé sur l’inflation d’échéance 2068, qui a vu son cours augmenter de 57 % depuis le début de l’année : progression de 35 % depuis le vote en faveur d’une sortie de l’Europe, et de 18 % supplémentaires depuis l’annonce des nouvelles mesures d’assouplissement quantitatif par la banque centrale. Autre fait intéressant à noter : la surperformance de cette obligation indexée n’est pas le fruit d’une hausse de l’inflation ou des anticipations d’inflation. Cette envolée intervient au contraire dans un contexte de baisse significative des anticipations d’inflation depuis le début de l’année. Cette surperformance est en fait uniquement attribuable à la duration beaucoup plus longue du gilt indexé. Du fait de son coupon beaucoup plus faible, la duration de ce titre est en effet supérieure de 19 ans à celle de son homologue à taux fixe de maturité 2068 !
Lorsque vous achetez une obligation d’entreprises, vous n’achetez pas simplement une exposition aux rendements des emprunts d’Etat, vous prenez également un risque de crédit, reflété par le spread de crédit. Le segment « investment grade » en livre sterling présente une duration proche de 10 ans, vous vous exposez ainsi au gilt à 10 ans, dont le rendement est actuellement d’environ 0,5 %. Si nous divisons ce rendement par la duration de l’obligation, nous obtenons une mesure de « rendement point-mort », c’est à dire la hausse de taux qu’un investisseur peut tolérer avant qu’il ne devienne préférable de basculer en trésorerie. Pour le moment, comme indiqué ci-dessus, la hausse de rendement qu’un investisseur en gilt à 10 ans (dont la duration est de 9 ans) peut tolérer se situe autour de 6 points de base (0,5 % / 9 ans de duration). Étant donné que les rendements des gilts atteignent actuellement des plus bas historiques, il en est de même pour la hausse de taux qu’un investisseur peut supporter avant qu’il ne devienne plus intéressant de privilégier la trésorerie.
Nous pouvons mener la même analyse sur les spreads de crédit : supposons que le spread de crédit moyen des obligations d’entreprises « investment grade » en livre sterling soit de 200 points de base, et que la duration moyenne du marché soit de 10 ans, alors un investisseur pourra tolérer un écartement du spread de 20 points de base avant qu’il ne devienne plus intéressant de basculer en trésorerie. Lorsque nous combinons ces deux mesures de point mort, nous obtenons la hausse de taux, en points de base, que l’investisseur dans l’obligation d’entreprises moyenne (ou dans l’indice obligataire représentatif) peut prendre avant qu’il ne devienne préférable d’arbitrer en faveur de la trésorerie.
Compte tenu des très faibles rendements des gilts et des spreads de crédit qui sont soutenus par les prochains achats de la banque centrale britannique, d’une politique monétaire accommodante, de faibles taux de défaut, ainsi que d’un contexte somme toute correct en matière de consommation, il n’est pas surprenant que les rendements points morts des obligations d’entreprises se situent à des plus bas jamais observés. Cela explique également pourquoi les vertus protectrices que procurent habituellement les obligations d’entreprises (ou un fonds investi sur ce segment) sont à des niveaux aussi faibles. Traditionnellement, quand l’économie est vigoureuse, les spreads de crédit se resserrent et les rendements des emprunts d’Etat augmentent, comme en 2006 et 2007. Et quand l’économie entre en récession, les spreads de crédit s’élargissent et les rendements des emprunts d’Etat sans risque se contractent, comme observé en 2008 et 2009.
Dans l’objectif d’assouplir les conditions financières et de stimuler l’économie, la Banque d’Angleterre achète actuellement des gilts et se mettra bientôt à accumuler des obligations d’entreprises. Dans ce contexte, et tout au long du processus incertain qui mènera à la sortie de l’UE, les obligations d’entreprises devraient connaitre de très faibles rendements points morts. Outre-Atlantique, les rendements des bons du Trésor américain affichent en revanche des niveaux extrêmement élevés par rapport aux gilts, et la Fed n’achète plus d’emprunts d’Etat ni d’obligations d’entreprises à l’heure actuelle. Ces éléments m’incitent à considérer sérieusement le marché des obligations d’entreprises américaines dont la valorisation apparait comparativement attrayante.
Participant invité à ce blog – Mark Robinson, analyste chargé des établissements financiers au sein de l’équipe obligataire de M&G
La Banque d’Angleterre a récemment annoncé deux nouvelles mesures axées sur le secteur bancaire. Elles ont essentiellement pour vocation d’améliorer la transmission de la politique monétaire des banques vers les ménages et les entreprises et, de manière indirecte, d’encourager probablement la croissance des prêts. Dans cet article, je vais examiner de plus près ces mesures et estimer leur probabilité de succès.
Commençons par une brève description de ces nouvelles mesures : le programme TFS (Term Funding Scheme) permet aux banques et aux sociétés de construction d’emprunteur de l’argent à quatre ans à un taux « proche » du taux directeur de la Banque d’Angleterre. Les banques doivent maintenir ou augmenter leurs volumes de prêts au risque d’avoir à payer une pénalité d’un maximum de 25 points de base de plus que le taux directeur. Il semble donc plus qu’évident que ce dispositif est indirectement destiné à encourager les banques à continuer de prêter. Le comité de politique monétaire (« Monetary Policy Committee » ou MPC) estime que les pertes maximales historiques pourraient théoriquement s’élever à 100 milliards de livres sterling qui seront financées par la création de monnaie dans le cadre du programme d’achat d’actifs.
La seconde nouvelle mesure porte sur l’exclusion des réserves des banques centrales du calcul du ratio d’endettement. Cette mesure, qui prend effet immédiatement, devrait encourager les banques à augmenter leur niveau d’endettement durant le ralentissement économique attendu. Conscient de ce risque, le comité de politique financière (« Financial Policy Committee » ou FPC) de la Banque d’Angleterre réalisera une consultation sur le ratio d’endettement l’an prochain et il augmentera probablement l’exigence (ou ses réserves) afin de neutraliser l’incidence de cet assouplissement initial. Dans ce contexte, pourquoi opter pour ce processus ? Afin de supprimer la pénalité appliquée à la détention de réserves des banques centrales, et donc inciter les banques à utiliser avant tout le programme TFS. Le ratio d’endettement n’est pas non plus une contrainte obligatoire appliquée au prêt bancaire, ce que nous illustrons dans le graphique suivant.
Le graphique précédent illustre essentiellement la différence entre chaque courbe et ses exigences minimales respectives (représentées par les lignes en pointillé). Avec une moyenne de 4,9 %, les ratios d’endettement des principales banques britanniques sont déjà supérieurs de 58 % à l’exigence moyenne de 3,1 %. En comparaison, le niveau moyen du capital en actions ordinaires de 12,3 % est seulement de 17 % supérieur à une exigence supposée de 10,5 %. La conclusion est simple : l’endettement, même s’il est sans doute élevé, n’est pas une contrainte obligatoire appliquée à l’expansion des bilans des banques ni au crédit. Toute contrainte appliquée au crédit provient en partie d’un manque de fonds propres de qualité par rapport aux exigences en fonds propres supérieures pondérées par le risque. Dans ce contexte, comme le souligne également le FPC, l’assouplissement de l’exigence d’endettement n’encouragera pas une augmentation de l’offre de prêts bancaires. Des mesures telles que l’assouplissement des exigences en fonds propres (à savoir le retrait de la réserve de fonds propres contre-cyclique, telle qu’annoncée dans le Rapport sur la stabilité financière de juillet) devraient être un peu plus efficaces.
Maintenant que nous avons établi que l’ajustement du ratio d’endettement semble destiné quasi-exclusivement à inciter les banques à utiliser le TFS, intéressons-nous de plus près à ce programme et à ses utilisateurs potentiels. Un examen plus approfondi soulève plusieurs questions. Premièrement, nous avons appris des communications des principales banques et de leurs ratios de couverture des liquidités qu’elles disposaient déjà de montants assez importants de liquidités dans leur bilan et qu’elles n’ont pas été en mesure de les transformer en prêts, ce en partie à cause de la contrainte de fonds propres susmentionnée. Le FPC indique que les principales banques britanniques disposent de réserves des banques centrales d’un montant de 350 milliards de livres sterling, en plus que liquidités supplémentaires déposées auprès d’autres établissements financiers et de positions sur des emprunts d’État de grande qualité. Par voie de conséquence, à moins qu’elles cherchent à se faire refinancer des encours de prêts plus anciens et plus onéreux, les banques britanniques pourraient simplement ne pas souhaiter ni avoir besoin des liquidités supplémentaires proposées par le programme TFS. Deuxièmement, comme le montre le graphique ci-après, les pénalités appliquées aux banques qui utilisent le TFS ne sont pas élevées et leur permet par la suite de diminuer leurs volumes de prêts : se voir facturer un taux directeur + 25 pb pour un financement sur quatre ans reste meilleur marché que d’émettre une obligation sécurisée en GBP (le taux de swap de référence à quatre ans en livres sterling se situait à 44 pb lors de la rédaction du présent article) et l’épargne des particuliers ayant cette échéance coûterait à une banque environ 1,5 %. Du côté des points positifs, et en accord avec l’intention principale du MPC, si les banques utilisent le TFS, le mécanisme de transmission de la politique monétaire devrait être plus efficace puisque les banques (notamment les plus petites et les sociétés de construction) sont quasi-contraintes de répercuter les baisses de taux sur les emprunteurs tout en parvenant à préserver leurs marges d’intérêt nettes. La baisse des taux d’emprunt a naturellement des répercussions positives importantes sur la consommation et la confiance.
Et c’est cette confiance qui a une influence essentielle sur l’autre variable clé de l’équation du prêt : la demande de prêts de la part des entreprises et des ménages. Or celle-ci est atone. En effet, l’enquête de la Banque d’Angleterre sur les conditions de crédit faisait état d’une baisse de la demande de crédit par les entreprises, ce même avant les résultats du référendum britannique. Les statistiques publiées depuis font état d’une baisse des niveaux de production et de confiance, ce qui devrait entraîner une baisse de la demande de prêts. Le précédent plan de financement pour le crédit n’a pas été beaucoup utilisé dans sa dernière version de prêts aux PME, les banques expliquant de manière anecdotique qu’elles n’avaient pas utilisé ce dispositif en raison du manque de demande de prêts par les PME. Et comme Jim l’a écrit dans ce blog, les achats d’obligations d’entreprises par la Banque d’Angleterre rend plus intéressant pour les grandes entreprises d’emprunter sur le marché obligataire, réduisant potentiellement encore davantage la demande de prêts bancaires.
En résumé, il existe des arguments persuasifs justifiant que l’offre et la demande de crédit bancaire reste anémique. En plus de se concentrer sur de nouvelles mesures à l’attention du secteur bancaire et sur leurs répercussions, il est tout aussi important pour nous de nous poser les questions essentielles : sur le plan de la stabilité financière, est-il judicieux d’encourager indirectement le secteur bancaire à augmenter ses prêts à l’approche d’un ralentissement économique ? L’économie britannique est-elle excessivement dépendante du crédit, et un ajustement structurel est-il nécessaire plutôt que d’utiliser ses banques comme outil de politique monétaire ? Et si les autorités ne souhaitent pas trouver une solution à la frénésie du crédit au sein de l’économie, devraient-elles déployer davantage d’efforts pour encourager le crédit direct ou indirect aux consommateurs et aux PME de la part des gestionnaires d’actifs et des assureurs plutôt que de la part des banques ? Telles sont les questions qui pourraient se révéler plus pressantes dans la mesure où la politique monétaire et la création de crédit par le secteur bancaire commencent à atteindre leurs limites.