Les dernières mesures de la Banque d’Angleterre destinées au secteur bancaire auront-elles un effet positif sur les volumes de prêts à l’attention de l’économie réelle ?

Participant invité à ce blog – Mark Robinson, analyste chargé des établissements financiers au sein de l’équipe obligataire de M&G

La Banque d’Angleterre a récemment annoncé deux nouvelles mesures axées sur le secteur bancaire. Elles ont essentiellement pour vocation d’améliorer la transmission de la politique monétaire des banques vers les ménages et les entreprises et, de manière indirecte, d’encourager probablement la croissance des prêts.  Dans cet article, je vais examiner de plus près ces mesures et estimer leur probabilité de succès.

Commençons par une brève description de ces nouvelles mesures : le programme TFS (Term Funding Scheme) permet aux banques et aux sociétés de construction d’emprunteur de l’argent à quatre ans à un taux « proche » du taux directeur de la Banque d’Angleterre. Les banques doivent maintenir ou augmenter leurs volumes de prêts au risque d’avoir à payer une pénalité d’un maximum de 25 points de base de plus que le taux directeur. Il semble donc plus qu’évident que ce dispositif est indirectement destiné à encourager les banques à continuer de prêter. Le comité de politique monétaire (« Monetary Policy Committee » ou MPC) estime que les pertes maximales historiques pourraient théoriquement s’élever à 100 milliards de livres sterling qui seront financées par la création de monnaie dans le cadre du programme d’achat d’actifs.

La seconde nouvelle mesure porte sur l’exclusion des réserves des banques centrales du calcul du ratio d’endettement. Cette mesure, qui prend effet immédiatement, devrait encourager les banques à augmenter leur niveau d’endettement durant le ralentissement économique attendu. Conscient de ce risque, le comité de politique financière (« Financial Policy Committee » ou FPC) de la Banque d’Angleterre réalisera une consultation sur le ratio d’endettement l’an prochain et il augmentera probablement l’exigence (ou ses réserves) afin de neutraliser l’incidence de cet assouplissement initial. Dans ce contexte, pourquoi opter pour ce processus ? Afin de supprimer la pénalité appliquée à la détention de réserves des banques centrales, et donc inciter les banques à utiliser avant tout le programme TFS. Le ratio d’endettement n’est pas non plus une contrainte obligatoire appliquée au prêt bancaire, ce que nous illustrons dans le graphique suivant.

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Le graphique précédent illustre essentiellement la différence entre chaque courbe et ses exigences minimales respectives (représentées par les lignes en pointillé). Avec une moyenne de 4,9 %, les ratios d’endettement des principales banques britanniques sont déjà supérieurs de 58 % à l’exigence moyenne de 3,1 %. En comparaison, le niveau moyen du capital en actions ordinaires de 12,3 % est seulement de 17 % supérieur à une exigence supposée de 10,5 %. La conclusion est simple : l’endettement,  même s’il est sans doute élevé, n’est pas une contrainte obligatoire appliquée à l’expansion des bilans des banques ni au crédit. Toute contrainte appliquée au crédit provient en partie d’un manque de fonds propres de qualité par rapport aux exigences en fonds propres supérieures pondérées par le risque. Dans ce contexte, comme le souligne également le FPC, l’assouplissement de l’exigence d’endettement n’encouragera pas une augmentation de l’offre de prêts bancaires. Des mesures telles que l’assouplissement des exigences en fonds propres (à savoir le retrait de la réserve de fonds propres contre-cyclique, telle qu’annoncée dans le Rapport sur la stabilité financière de juillet) devraient être un peu plus efficaces.

Maintenant que nous avons établi que l’ajustement du ratio d’endettement semble destiné quasi-exclusivement à inciter les banques à utiliser le TFS, intéressons-nous de plus près à ce programme et à ses utilisateurs potentiels. Un examen plus approfondi soulève plusieurs questions. Premièrement, nous avons appris des communications des principales banques et de leurs ratios de couverture des liquidités qu’elles disposaient déjà de montants assez importants de liquidités dans leur bilan et qu’elles n’ont pas été en mesure de les transformer en prêts, ce en partie à cause de la contrainte de fonds propres susmentionnée. Le FPC indique que les principales banques britanniques disposent de réserves des banques centrales d’un montant de 350 milliards de livres sterling, en plus que liquidités supplémentaires déposées auprès d’autres établissements financiers et de positions sur des emprunts d’État de grande qualité. Par voie de conséquence, à moins qu’elles cherchent à se faire refinancer des encours de prêts plus anciens et plus onéreux, les banques britanniques pourraient simplement ne pas souhaiter ni avoir besoin des liquidités supplémentaires proposées par le programme TFS. Deuxièmement, comme le montre le graphique ci-après, les pénalités appliquées aux banques qui utilisent le TFS ne sont pas élevées et leur permet par la suite de diminuer leurs volumes de prêts : se voir facturer un taux directeur + 25 pb pour un financement sur quatre ans reste meilleur marché que d’émettre une obligation sécurisée en GBP (le taux de swap de référence à quatre ans en livres sterling se situait à 44 pb lors de la rédaction du présent article) et l’épargne des particuliers ayant cette échéance coûterait à une banque environ 1,5 %. Du côté des points positifs, et en accord avec l’intention principale du MPC, si les banques utilisent le TFS, le mécanisme de transmission de la politique monétaire devrait être plus efficace puisque les banques (notamment les plus petites et les sociétés de construction) sont quasi-contraintes de répercuter les baisses de taux sur les emprunteurs tout en parvenant à préserver leurs marges d’intérêt nettes. La baisse des taux d’emprunt a naturellement des répercussions positives importantes sur la consommation et la confiance.

Et c’est cette confiance qui a une influence essentielle sur l’autre variable clé de l’équation du prêt : la demande de prêts de la part des entreprises et des ménages. Or celle-ci est atone. En effet, l’enquête de la Banque d’Angleterre sur les conditions de crédit faisait état d’une baisse de la demande de crédit par les entreprises, ce même avant les résultats du référendum britannique. Les statistiques publiées depuis font état d’une baisse des niveaux de production et de confiance, ce qui devrait entraîner une baisse de la demande de prêts. Le précédent plan de financement pour le crédit n’a pas été beaucoup utilisé dans sa dernière version de prêts aux PME, les banques expliquant de manière anecdotique qu’elles n’avaient pas utilisé ce dispositif en raison du manque de demande de prêts par les PME. Et comme Jim l’a écrit dans ce blog, les achats d’obligations d’entreprises par la Banque d’Angleterre rend plus intéressant pour les grandes entreprises d’emprunter sur le marché obligataire, réduisant potentiellement encore davantage la demande de prêts bancaires.

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En résumé, il existe des arguments persuasifs justifiant que l’offre et la demande de crédit bancaire reste anémique. En plus de se concentrer sur de nouvelles mesures à l’attention du secteur bancaire et sur leurs répercussions, il est tout aussi important pour nous de nous poser les questions essentielles : sur le plan de la stabilité financière, est-il judicieux d’encourager indirectement le secteur bancaire à augmenter ses prêts à l’approche d’un ralentissement économique ? L’économie britannique est-elle excessivement dépendante du crédit, et un ajustement structurel est-il nécessaire plutôt que d’utiliser ses banques comme outil de politique monétaire ? Et si les autorités ne souhaitent pas trouver une solution à la frénésie du crédit au sein de l’économie, devraient-elles déployer davantage d’efforts pour encourager le crédit direct ou indirect aux consommateurs et aux PME de la part des gestionnaires d’actifs et des assureurs plutôt que de la part des banques ? Telles sont les questions qui pourraient se révéler plus pressantes dans la mesure où la politique monétaire et la création de crédit par le secteur bancaire commencent à atteindre leurs limites.

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Mark Robinson

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