Voici cinq ans que Mario Draghi délivrait ce commentaire désormais célèbre « whatever it takes » (« quoi qu’il en coûte »), généralement considéré comme le point d’inflexion de la situation au sein de la zone euro.
Les cinq graphiques présentés ci-après donnent un aperçu des succès et des échecs enregistrés par la Banque centrale européenne depuis lors, ainsi que des défis à relever.
- Coûts de financement au sein de l’Europe périphérique
Il y a cinq ans, les coûts de financement des pays périphériques européens avaient atteint des niveaux non viables, comme en témoigne les rendements de la dette à 10 ans espagnole (7,5 %), italienne (7 %), portugaise (11 %) et celui hors-norme de la dette grecque (27 %). Cette situation était en partie le reflet du risque de redénomination en monnaie locale. En intervenant enfin en tant que prêteur en dernier ressort, la BCE a considérablement atténué ce risque et permis à des pays tels que l’Espagne et l’Italie d’avoir à nouveau accès au marché, abaissant ainsi leur coût de financement implicite. Au fil du temps, les (ou certaines) réformes structurelles, de nouvelles mesures d’assouplissement quantitatif et l’accélération de la croissance se sont traduites par une diminution des coûts de financement qui ont chuté au niveau, et par fois en-dessous, des taux de croissance actuels, offrant dès lors une véritable perspective de viabilité pour la dette des économies concernées. Le retour de la Grèce sur les marchés complète cet étonnant rétablissement.
- Croissance
La politique monétaire ultra-accommodante a pénalisé l’épargne, réduit les coûts du service de la dette et encouragé les investisseurs à prendre des risques. Dans ce contexte, le moral des ménages s’est amélioré, les prix des actifs se sont inscrits en hausse et la consommation s’est redressée. La zone euro a récemment créé la surprise en enregistrant un taux d’expansion supérieur à son potentiel qui la place comme chef de file au niveau mondial. Le niveau record de l’indice IFO allemand (publié hier) suggère un taux de croissance qui pourrait s’établir aux environs de 3 % au second semestre 2017.
- Inflation
En dépit de la stabilisation de la zone euro, l’abaissement des coûts d’emprunt et l’amélioration générale des perspectives économiques, la BCE ne parvient toujours pas à atteindre son objectif d’inflation. Cela s’est révélé problématique car l’unique objectif de la BCE est précisément d’amener l’inflation à un niveau proche, mais inférieur, à 2 %. Quand bien même certains signes montrent que l’inflation se rapproche du niveau conforme à la définition de la stabilité des prix selon la Banque centrale, les progrès ont tardé à se manifester. Un éventuel resserrement de la politique monétaire sera certainement un processus de longue haleine.
- Bilan
Après avoir amené son taux de refinancement en territoire négatif en 2014, la BCE a malgré tout dû faire face au risque d’une spirale déflationniste auto-alimentée. En fin de compte, elle a emboîté le pas d’autres banques centrales en annonçant en janvier 2015 son intention d’injecter 1 100 milliards d’euros par le biais d’achats d’obligations jusqu’en septembre 2016. Le hic ? Malgré l’expansion significative de son bilan, la BCE a été contrainte d’amplifier son programme d’assouplissement quantitatif en allongeant sa durée et en l’étendant aux obligations d’entreprises. Elle est à présent à la tête d’un montant colossal de 4 000 milliards d’euros. Depuis, Mario Draghi n’a pas ménagé ses efforts pour souligner qu’un éventuel resserrement de la politique monétaire ne se ferait que de façon progressive. Il est pourtant manifeste que certains membres du Conseil des gouverneurs s’inquiètent des conséquences négatives de l’expansion continue du bilan, de ses implications sur le système bancaire, ainsi que de la dépendance de la zone euro à la dette et, par conséquent, de la capacité de la BCE à s’extirper de sa politique ultra-accommodante.
- Politique (chômage)
Si une vague populiste a semblé déferler sur les pays développés, les résultats des élections qui ont eu lieu aux Pays-Bas et en France donnent à penser que la zone euro a peut-être adopté une approche différente. Cela étant, les performances médiocres de l’économie italienne et la tenue d’élections législatives en 2018 réunissent tous les ingrédients d’un coup de théâtre. Bien que les taux de chômage au sein de la zone euro aient quelque peu baissé, ils n’en demeurent pas moins élevés, en particulier parmi les jeunes.
Les scénarios catastrophes qui prédisaient la fin de la zone euro ne manquaient pas en 2012. Investisseurs et économistes s’alignaient les uns à la suite des autres pour expliquer que la monnaie unique ne tiendrait pas, estimant que soit les pays périphériques seraient poussés vers la porte de sortie, soit ceux du cœur de l’Europe abandonneraient le navire. En dépit de toutes les spéculations, aucun pays n’a quitté la zone euro et les marchés semblent actuellement bien moins préoccupés par cette question. Peut-être s’agit-il de l’avancée la plus importante à l’aune de laquelle on peut juger de l’efficacité de la politique menée par la BCE durant les cinq dernières années.
Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Pierre Chartres et Wolfgang Bauer.
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Les États-Unis se rapprochent à grand pas du seuil maximum d’endettement, un plafond que le Congrès approuve généralement sans débat. Le plafond de la dette a été relevé de manière systématique par le passé, traduisant le fait que son niveau n’affecte pas le montant des dépenses mais garantit seulement la faculté des États-Unis à payer les dépenses vis-à-vis desquelles le pays s’est engagé, que ce soit par le biais de recettes fiscales ou par l’emprunt. Il s’agit de s’assurer que les États-Unis sont en mesure de payer leurs factures.
Justement, selon la plupart des estimations, d’ici environ trois mois la dette des États-Unis va une nouvelle fois atteindre son plafond. Au cas où le Congrès ne relèverait pas la limite légale, le Trésor américain serait alors conduit à faire défaut sur sa dette obligataire ou à réduire immédiatement les paiements à destination des programmes publics ou des fonctionnaires (ce que l’on appelle la fermeture partielle de l’État fédéral – « shutdown »). Au cours de l’été 2011, les Républicains ont exigé des coupes budgétaires et l’arrêt des hausses d’impôt en contrepartie du relèvement du plafond de la dette. Les Démocrates souhaitaient pour leur part financer la hausse des dépenses par une augmentation de la pression fiscale, si bien que le Congrès n’a pu trouver de terrain d’entente sur la question.
Les États-Unis sont alors entrés dans une période de suspension des émissions de dette en mai et se seraient retrouvés à court de financement le 2 août 2011, auquel cas l’alternative eut été soit un défaut du Trésor américain, soit l’obligation de réaliser du jour au lendemain des coupes drastiques dans les dépenses des fonctionnaires, avec à la clé une baisse des financements destinés aux programmes et aux fonctionnaires ayant des effets désastreux évidents sur la demande globale. Le plafond de la dette a été adopté à la dernière minute par les deux chambres le 1er août, et le défaut de paiement a ainsi été évité.
Au regard du peu de progrès apparemment accompli jusqu’à présent par l’administration actuelle, on pourrait avoir des raisons de penser « Et ça recommence ». Le graphique ci-dessous montre que, au cours des dernières séances, le coût du marché monétaire à trois mois a dépassé celui à six mois. La courbe s’est donc inversée pour la première fois depuis longtemps. Le marché obligataire commence à s’inquiéter de l’éventualité d’une nouvelle fermeture partielle et temporaire.
Comment les investisseurs, préoccupés par un non-relèvement du plafond de la dette et la possibilité que l’administration américaine se trouve dans l’incapacité d’honorer ses créances, doivent-ils réagir ? Il semblerait logique de vendre les bons du Trésor, toutefois, il est important de ne pas oublier que pendant la période de suspension, entre avril et août 2011, les rendements des bons du Trésor ont en fait reculé. Entre fin juin et début juillet, les craintes d’un risque de défaut se sont accentuées et les rendements ont augmenté de quelque 40 points de base (une baisse de près de 4 points de l’emprunt d’État à 10 ans). Ce mouvement s’est toutefois rapidement inversé car les inquiétudes liées à un défaut des États-Unis ont suscité une forte aversion pour le risque sur les marchés internationaux et les rendements des bons du Trésor ont continué de chuter. Une fermeture partielle ne peut cependant être considérée comme une issue positive pour l’économie américaine : en effet, s’il est mis fin aux programmes sociaux et si les employés ne sont pas payés, nous assisterons alors à une augmentation du chômage, une diminution des salaires et une baisse de la demande globale, ce qui dissipera les craintes de surchauffe de l’économie américaine et les anticipations de nouvelles hausses des taux d’intérêt. Le problème est donc de taille ! Néanmoins, l’orientation des rendements des bons du Trésor et, à travers eux, celle les rendements obligataires, est très incertaine et même paradoxale. La prudence est de mise.
Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Carlo Putti.
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Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Anthony Doyle.
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Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Mario Eisenegger et Vladimir Jovkovic.
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L’émission récente d’une obligation à 100 ans en Argentine a surpris en termes de timing et de maturité. Les obligations à 100 ans étant rares sur les marchés émergents (voir le tableau relativement exhaustif ci-dessous), toute nouvelle émission fait la une, en particulier lorsque l’émetteur a fait défaut de (très) nombreuses fois, comme c’est le cas de l’Argentine.
Les obligations à 100 ans sont-elles vraiment plus risquées ?
- Duration : Nous l’avons dit, la duration des obligations à 100 ans n’est pas beaucoup plus élevée que celle des obligations à 30 ans qui, elles, sont relativement fréquentes sur les marchés émergents, y compris en Argentine.
- Probabilité de défaut implicite : Une autre façon de mesurer le risque de cette obligation consiste à calculer sa probabilité de défaut implicite. À l’aide d’un modèle standard de l’ISDA, nous avons attribué une valeur de recouvrement de 30 % (similaire au dernier défaut argentin, en 2001) et les primes à terme des obligations centenaires récemment émises (T+515 pb) pour extrapoler la courbe des taux. Sur la base de ces hypothèses (en excluant tout écart entre spread CDS-spread obligataire), la probabilité de défaut est la suivante :
Compte tenu de la maturité inhabituelle de l’obligation, le modèle n’est plus valable après 50 ans. Toutefois, on observe que sur la base de ces hypothèses, la probabilité de défaut implicite est déjà de 97 % pour une obligation arrivant à maturité en 50 ans. De fait, une obligation à 100 ans ne devrait pas être considérée comme plus risquée. Autrement dit, le niveau actuel des spreads argentins est en équilibre précaire : soit les fondamentaux continueront à se détériorer dans les prochaines décennies, soit l’histoire se répétera, c’est-à-dire que les fondamentaux ne s’amélioreront pas et l’Argentine fera encore défaut. Dans ce dernier scénario, le fait de détenir une obligation à 50 ans ou une obligation à 100 ans ne change quasiment rien.
« À long terme, nous sommes tous morts » John Maynard Keynes
Pour conclure, la duration d’une obligation argentine à 30 ans (11,8 ans) diffère peu de celle d’une obligation à 100 ans (12,7 ans), si bien que le risque de spread n’est pas beaucoup plus élevé. Le risque de défaut d’une obligation à 30 ans est néanmoins proche de 100 % compte tenu de la valorisation actuelle du risque argentin à long terme : peut-il être encore plus élevé pour une obligation à 100 ans ?
Quelles sont les perspectives économiques de l’Argentine ? Concernant les fondamentaux, le nouveau gouvernement argentin tente de régler des problèmes majeurs hérités de l’exécutif précédent. Des progrès rapides ont été réalisés en matière de levée des contrôles des capitaux et le marché des devises a été harmonisé via l’instauration d’un nouveau régime de change libre. Les relations avec les investisseurs se sont nettement améliorées, comme l’atteste et cette émission obligataire. Au niveau domestique, toutefois, les améliorations sont plus progressives. L’inflation (mesurée par l’IPC de la ville de Buenos Aires) baisse à mesure que la répercussion de la dépréciation du peso s’estompe, mais elle reste supérieure à 20 %. La croissance reprend grâce aux investissements et elle sera essentielle pour contrer deux des risques à moyen terme pour le pays :
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Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Ana Gil.
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