Une victoire en demi-teinte pour Angela Merkel

Et on dit que les élections allemandes sont ennuyeuses… À la lumière des résultats provisoires, voici selon nous les points importants à retenir.

(1) Un quatrième mandat pour Angela Merkel

Commençons par le début : Angela Merkel a remporté les élections. Le CDU et son parti-frère bavarois, le CSU, restent majoritaires au Bundestag (33 % des voix en cumulé). Tout semble indiquer que la chancelière s’apprête à effectuer un quatrième mandat. Ce n’est évidemment pas surprenant compte tenu de la vigueur de l’économie allemande. Le taux de chômage a été divisé par deux depuis sa première prise de fonction en novembre 2005, et la croissance du PIB dépasse les 2 %.

Taux de chômage et croissance du PIB réel en Allemagne

Pour autant, ce n’est pas le plus important. Le score du CDU/CSU a nettement régressé (de 8,5 % par rapport aux élections de 2013), ce qui est d’autant plus décevant que le contexte économique solide aurait pourtant dû jouer en faveur d’Angela Merkel en tant que chancelière sortante. Deux facteurs sont susceptibles d’avoir joué un rôle déterminant : « la lassitude d’Angela Merkel » – après douze ans au pouvoir, de nombreux électeurs ont sans doute pensé qu’il était temps pour elle de passer la main. De plus, sa gestion de la crise des réfugiés/migrants a frustré une partie des électeurs les plus conservateurs de la sphère politique.

(2) Le jeu des coalitions

Le partenaire actuel d’Angela Merkel au sein de la coalition a également connu une soirée difficile. Le SPD n’a obtenu que 20,5 % des suffrages, ce qui constitue son score historique le plus faible. Ses responsables ont rapidement rejeté l’idée d’une prolongation de la « grande coalition » avec le CDU/CSU d’Angela Merkel. Cela obéit évidemment à une certaine logique. Les deux principales forces politiques du pays – le CDU/CSU et le SPD – sont en proie à d’importantes difficultés, ce qui ne facilite guère le statu quo. Se poser en véritable leader de l’opposition pourrait permettre au SPD de constituer une alternative crédible au CDU/CSU lors du prochain scrutin. L’avenir nous dira si le parti de centre gauche souhaite réellement renoncer à gouverner et quitter la coalition ou s’il fait seulement preuve de fermeté afin de renforcer son pouvoir de négociation en vue des discussions concernant une future coalition.

La seule autre alternative réaliste à la « grande coalition » serait une « coalition jamaïcaine » entre le CDU/CSU, le FDP et le parti des Verts, que l’on surnomme ainsi en raison des couleurs emblématiques des partis concernés qui correspondent à celles du drapeau jamaïcain (noir, jaune et vert). Ce modèle de coalition a déjà existé au sein des parlements régionaux, comme c’est actuellement le cas dans l’État du Schleswig-Holsteinn, mais il existe assurément des obstacles majeurs à l’échelon fédéral. Les Verts présentent des divergences idéologiques avec les libéraux du FDP (notamment sur la politique économique ou les réformes fiscales) et l’aile conservatrice du CDU/CSU (sur la politique d’immigration, les questions sociales, etc.). Une telle coalition pourrait entraîner une certaine instabilité et des luttes intestines.

Quel que soit le modèle que choisira le CDU, les négociations seront ardues et pourraient durer un certain temps. Il est certain que cela fragilise la position d’Angela Merkel à la fois en Allemagne et sur la scène internationale. Le président français Emmanuel Macron pourrait même lui disputer le leadership officieux de l’UE. Si ce dernier est capable de saisir cette opportunité, cela pourrait encourager la mutualisation de la dette de la zone euro et la création d’un ministère des Finances européen, au moins à moyen terme. Les rumeurs au sujet du projet d’Angela Merkel de placer Jens Weidmann, l’actuel président de la Bundesbank, au poste de président de la BCE au terme du mandat de Mario Draghi en 2019 semblent désormais moins réalistes. En revanche, cela augmente les chances de voir la BCE poursuivre sa politique expansionniste.

(3) Le retour en force du populisme

L’un des résultats les plus frappants de ces élections est certainement le score significatif des nationalistes d’extrême-droite d’AfD (12,6 %). Non seulement l’AfD fait son entrée au Bundestag pour la première fois, mais il devient directement la troisième formation la plus représentée. Si la grande coalition devait se perpétuer – ce qui n’est pas totalement exclu à ce stade – l’AfD deviendrait de facto le leader de l’opposition. Si ce résultat est marquant, à tout le moins, les conséquences politiques directes devraient être insignifiantes. Aucun parti ne souhaitera former de coalition avec l’AfD, et ses représentants au parlement seront vraisemblablement traités comme des parias au sens politique. C’est ce qui s’est déjà produit plusieurs fois par le passé au sein des parlements régionaux.

Je pense toutefois que le succès électoral de l’AfD pourrait avoir deux conséquences indirectes importantes. Premièrement, la pression sur Angela Merkel devrait s’accroître en Allemagne, en particulier au sein de son propre parti, concernant les changements d’ordre politique. Pour des raisons évidentes, le fait de limiter la montée des mouvements nationalistes d’extrême-droite constituait jusqu’à présent un principe essentiel au sein de la sphère politique allemande. Ce principe a volé en éclats hier soir après le score à deux chiffres réalisé par l’AfD – sous le nez d’Angela Merkel. Jusqu’ici, la chancelière s’était montrée soucieuse de reconsidérer des positions défendues de longue date (sur l’énergie nucléaire, le salaire minimum, le mariage homosexuel, etc.) lorsqu’elle sentait que l’opinion publique évoluait sur ces sujets. Elle pourrait à nouveau changer de stratégie afin de reconquérir des électeurs auprès de l’AfD, en adoptant un discours plus conservateur et une position plus stricte sur des thèmes comme l’immigration, la centralisation des institutions européennes, etc.

Deuxièmement, le succès de l’AfD lors du scrutin de ce week-end pourrait remettre en question les certitudes répandues, en particulier depuis les élections aux Pays-bas et en France, selon lesquelles le populisme eurosceptique est sur le déclin. Cela pourrait avoir des conséquences sur les marchés, qui ont vraisemblablement relâché quelque peu leur vigilance à cet égard. L’euro, qui n’a cessé de s’apprécier ces derniers mois, pourrait être mis sous pression. Les primes de risque relatives aux émissions souveraines et aux obligations d’entreprises des pays périphériques, qui s’étaient repliées, pourraient s’apprécier de nouveau compte tenu de l’actualité politique à venir (en l’occurrence le référendum sur l’indépendance de la Catalogne et les échéances électorales en Autriche et en Italie).

Indice de l’euro pondéré par les échanges

 

Primes de risque des emprunts d’État périphériques

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Wolfgang Bauer

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