Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Pierre Chartres et Stefan Isaacs.
Veuillez noter que cette vidéo n’est disponible qu’en anglais.
Le programme de financement à long terme (« Term Funding Scheme » ou « TFS ») de la Banque d’Angleterre (BoE) a pris fin en début d’année. Rappelons brièvement que ce programme permettait aux banques de se financer sur 4 ans au taux de base de la BoE majoré d’une commission. Les banques étaient ensuite tenues de prêter à l’économie réelle (le niveau de la commission dépendant du volume de prêts nets accordés par ces dernières). Nous avions précédemment rédigé des articles sur ce dispositif. Vous les trouverez ici et ici.
Ce programme de financement s’est avéré très populaire. Ainsi, à fin avril 2018, le total des tirages en cours accordés aux banques au titre du TFS (prêts « bon marché ») s’élevait à 127 milliards de livres sterling. En outre, le volume des prêts nets résultant du TFS a atteint 68 milliards de livres sterling entre septembre 2016 et décembre 2017. Parmi les plus grands utilisateurs de ce dispositif figurent LLoyds, RBS, Nationwide et Barclays. En conséquence, du fait du recours des banques aux financements TFS, la forte baisse du volume d’émissions d’ABS au cours des deux dernières années n’a pas constitué une surprise, les prêteurs devant s’acquitter d’une marge relativement onéreuse de 35 à 60 points de base pour émettre des RMBS senior notés AAA de maturités 3 à 5 ans.
Les derniers tirages sur ce programme ayant eu lieu fin février, et en amont des prochains remboursements, les banques domiciliées au Royaume-Uni se sont organisées afin de diversifier leurs sources de financement et de recourir à nouveau aux marchés de la titrisation. La maturité des emprunts au titre du TFS est de quatre ans à compter de la date de tirage et nous anticipons ainsi d’énormes montants de dette à refinancer vers la fin 2020 et en 2021. Les prêteurs tentent désormais d’anticiper le refinancement de cette dette et cherchent à émettre des RMBS à plus longue échéance. Par exemple, la banque Nationwide ne s’était plus financée au moyen de RMBS depuis 2016, mais a de nouveau émis ce type de papiers en février dernier. De même, après deux ans d’inactivité sur ce segment de marché, la Paragon Bank a émis en avril son premier RMBS « Acheter pour Louer » (« Buy-to-Let »).
Nous avons observé un volume étoffé de nouvelles émissions de RMBS britanniques depuis le début de l’année (environ 3,7 milliards d’euros), certains prévoyant pour l’ensemble de l’année un volume estimé entre 8 et 10 milliards d’euros de titres « prime » (auquel s’ajoutent 6 à 8 milliards d’euros d’émissions « non prime »). Bien qu’encore faible par rapport à la période pré-TFS où les nouvelles émissions représentaient 30 milliards d’euros par an, ce volume est supérieur à ce que nous avions observé sur chacune des années de la période 2016-2017 (total de 8 milliards d’euros), et nous anticipons une poursuite de cette tendance. Le retour des prêteurs sur le marché pourrait limiter le niveau des spreads de financement payés par les émetteurs.
Quels sont les impacts probables sur les ménages et les consommateurs dans un proche avenir ? La réduction progressive du recours aux financements TFS par les banques va probablement se traduire par une hausse des taux d’emprunts immobiliers pour les particuliers (mais d’un autre côté, par des taux d’épargne plus élevés). Toutefois, grâce à des coûts d’emprunt qui demeurent plus compétitifs, les marchés d’obligations sécurisées restent une source alternative de financement de gros pour les banques et les entreprises de construction. Cela peut contribuer à atténuer la pression croissante sur les coûts de financement.
Du point de vue de l’investisseur, malgré les pressions sur les spreads, nous continuons d’apprécier cette classe d’actifs et d’y investir. La performance des RMBS britanniques a été stable au cours des dernières années et aucune perte en capital n’a jusqu’ici été déplorée sur les titres en circulation.
Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Laura Frost et Jim Leaviss.
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Il n’est pas exagéré de dire que les marchés sont récemment devenus plus animés. Un secteur en particulier a été l’épicentre du regain de volatilité des marchés : la technologie.
Sur le marché à haut rendement américain, le secteur technologique a sous-performé l’ensemble du marché à haut rendement. Compte tenu de bilans plus endettés, les émetteurs à haut rendement ont tendance à être plus sensibles aux difficultés propres à un secteur particulier.
Le graphique illustre l’écart de rendement supplémentaire offert par le secteur technologique américain par rapport à l’ensemble du marché à haut rendement américain. Bien que toujours négatif, le différentiel de spread de crédit s’est contracté en passant de -115 points de base (pb) début décembre à -81 pb. Mais, ce serait une conclusion hâtive que d’établir des parallèles avec la correction des actions des groupes technologiques qui était liée à des inquiétudes en matière de protection de la vie privée. Le secteur technologique à haut rendement a en effet eu son propre lot d’événements idiosyncratiques, comme des changements de stratégie (Dell), des discussions en vue d’une fusions-acquisition (NXP), des résultats moins bons que prévu (Veritas) ou encore des dégradations de notation (Lexmark), pour n’en citer que quelques-uns. En dépit du récent accès de faiblesse, les spreads des émetteurs technologiques à haut rendement américains continuent de s’établir à des niveaux peu élevés par rapport au marché à haut rendement américain sur une période de trois ans.
L’aggravation du différend commercial demeure certes un risque extrême, mais la Chine reste un marché important pour de nombreuses multinationales technologiques, tant en termes de produits que de chiffres d’affaires (par exemple, 30 % du chiffre d’affaires d’Apple sont réalisés en Chine). Par conséquent, il ne serait pas déraisonnable de penser que les spreads de crédit des émetteurs « investment grade » (IG) technologiques ont récemment sous-performé le marché plus large des obligations d’entreprises « investment grade ».
En réalité, c’est tout le contraire. Le secteur technologique IG américain a surperformé l’indice IG américain au cours du tout dernier épisode de volatilité, le supplément de spread de crédit du secteur technologique repassant au-dessus de la courbe d’un écart type et (sur la base des niveaux de spread historiques) au début de 2018 et en passe de rejoindre la moyenne mobile sur 3 ans.
L’évolution surprenante des cours au sein du secteur technologique IG américain peut s’expliquer par l’examen des principaux émetteurs d’obligations d’entreprises. En effet, le secteur technologique est dominé par Apple, Microsoft et Oracle, trois émetteurs obligataires majeurs avec un encours de dette de près de 250 milliards de dollars, soit 41 % de l’indice technologique. Ces sociétés sont très bien notées et disposent d’importants niveaux de trésorerie afin d’assurer le service de leur dette. En conséquence, ces émetteurs de grande qualité ont réussi à bien résister à la montée de l’aversion au risque qui a eu un impact sur l’ensemble du marché du crédit.
Si d’abondants niveaux de trésorerie rassurent les investisseurs à court et à moyen terme, les implications à long terme sont cependant plus difficiles à saisir. D’un côté, le secteur encourt le risque de réglementations plus strictes en matière de données, de réformes de la fiscalité en ligne et de barrières douanières – avec autant de conséquences qu’il est bien difficile de quantifier pour le moment. D’un autre côté, la réforme fiscale de Donald Trump mise en place en décembre dernier devrait rassurer les investisseurs dans les obligations d’entreprises en ce sens où des flux de trésorerie disponible plus importants peuvent être utilisés pour réduire les niveaux d’endettement si nécessaire.
Comme toujours, le profil de crédit d’une entreprise se doit d’être analysé afin de déterminer si de tels risques à long terme se reflètent de manière appropriée dans le spread de crédit. Les marchés actions ont vivement réagi et réévalué le potentiel de croissance des entreprises technologiques, mais les marchés du crédit ne semblent quant à eux pas trop inquiets.
Tandis que la courbe des taux américains s’aplatissait pour s’établir à seulement 45 pb (sur le segment 2-10 ans) la semaine dernière, nous avons retrouvé un article que j’avais publié en 2007, dans les premiers temps de ce blog. Un graphique qui complétait cet article montrait a) que le spread des titres de crédit américains notés BBB avait atteint son niveau le plus faible depuis près de trois décennies, et b) que la courbe des taux s’était fortement aplatie (et même inversée). La projection du profil de la courbe des taux à un horizon de 18 mois permettait, semble-t-il, de prévoir le comportement des spreads de crédit avec une efficacité remarquable (ce qui n’est pas totalement surprenant étant donné qu’un aplatissement de la courbe indique généralement un ralentissement économique de façon assez fiable). Ainsi, en 2007, il a semblé prédire une forte correction des obligations d’entreprises. Naturellement, tout cela s’est produit, et même plus puisqu’au moment où la crise financière mondiale a éclaté, les spreads de crédit se sont hissés à des niveaux bien supérieurs aux 200 pb induits par la courbe. Mais la tendance annoncée était correcte.
À la demande générale, nous venons de mettre à jour le graphique pour la période qui s’est écoulée depuis la crise financière mondiale. Comme dans le graphique d’origine, les spreads de crédit sont extrêmement étroits (leurs niveaux sont équivalents à ceux de 2007) et, comme c’était le cas à l’époque, la courbe est très aplatie (mais pas inversée) et dans une configuration annonçant une récession.
Comme en 2007, il existe un écart entre la solide performance persistante des spreads de crédit BBB et le profil de la courbe des taux américains. Si l’on en croit les derniers chiffres, on serait tenté de croire que le secteur du crédit a de bonnes chances de sous-performer à partir de maintenant. Néanmoins, un coup d’œil au graphique suffit à confirmer que le lien directionnel entre ces deux facteurs est loin d’être aussi étroit qu’il ne l’était avant la crise financière. Si l’on se penche par exemple sur la période de 2012 à 2015, la courbe des taux s’est nettement aplatie : de +375 pb à un peu plus de +100 pb seulement. Mais dans le même temps, les spreads de crédit BBB se sont fortement resserrés. Bien sûr, au lendemain de la crise financière, les mesures d’assouplissement quantitatif prises par les banques centrales ont incité les investisseurs à se lancer dans une quête frénétique de rendement. Or, non seulement ce mouvement a eu pour effet de réduire les spreads de crédit, mais il a ensuite permis aux entreprises d’emprunter à des taux d’intérêt de plus en plus bas. Ainsi, les taux de défaut ont chuté et le cycle de crédit s’est prolongé de façon inhabituelle. Et peut-être la dynamique positive de ce cycle va-t-elle s’essouffler à mesure que les banques centrales réduisent le montant de leurs achats d’actifs et relèvent leurs taux d’intérêt. L’aplatissement de la courbe des taux doit a minima nous alerter sur le caractère désormais excessif des valorisations.
Puisque je suis de retour sur ce blog (j’avais pris du recul par rapport aux réseaux sociaux depuis le début de l’année), je voudrais rendre hommage à Hamish Watson, mon ami et ancien responsable à la Banque d’Angleterre, qui nous a quittés récemment. Hamish m’a offert l’opportunité de m’éloigner de l’univers des statistiques financières (vous vous souvenez de l’agrégat monétaire M4 ?) au sein de la Banque, et m’a appris tout ce que je sais sur les mathématiques appliquées aux obligations au sein du desk des Gilts qu’il dirigeait à l’époque. Par la suite, il a été l’un des premiers membres du nouvel Organisme de gestion de la dette (Debt Management Office) créé après l’indépendance accordée à la Banque d’Angleterre par Gordon Brown en 1997. Hamish était un passionné de sport, et il a assisté au sacre de son club de cœur, Aberdeen FC, lors de la finale de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe à Göteborg en 1983. Il était aussi le partenaire de bridge d’Eddie George (ce que je ne lui enviais pas – je tremblais lorsque le Gouverneur faisait irruption dans la pièce dans un nuage de fumée). Je doute que quiconque ait pu le surclasser en matière de Gilts puisqu’il était un véritable expert dans son domaine, faisant économiser de l’argent au contribuable en obtenant des taux intéressants pour les émissions d’obligations toujours plus nombreuses. Après sa retraite, nous avions partagé quelques bières au Blue Anchor près de Hammersmith Bridge. Il va nous manquer.
Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Mario Eisenegger e Wolfgang Bauer.
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L’actuel gouvernement conservateur britannique s’est engagé à respecter sa promesse de campagne de 2015, à savoir fournir un million de logements d’ici fin 2020 et en «créer un demi-million de plus d’ici fin 2022». Pour que cette promesse soit tenue, le nombre de nouvelles constructions devrait augmenter à un niveau jamais vu depuis la fin des années 70.
Malheureusement pour le gouvernement britannique, l’augmentation de l’offre de logements constitue depuis longtemps un problème compliqué. Quelques succès ont récemment été enregistrés. Le nombre de nouveaux logements achevés en 2016-2017 a ainsi atteint 178 000 unités, soit presque autant que pour la période 2008-2009. Cependant, ce chiffre est encore très éloigné du point haut de 215 000 nouveaux logements atteints en 2007-2008 avant la crise, et du sommet à long terme (378 000 constructions). Malheureusement, il y a peu de chances que les entreprises privées augmentent le nombre de chantiers achevés par rapport aux 145 000 logements construits l’année dernière, et ce en raison de l’incertitude suscitée par le Brexit. Le nombre de nouveaux logements devrait même plutôt baisser sous les niveaux actuels. En outre, les collectivités locales ont depuis longtemps abandonné le champ de la construction de nouveaux logements. Les contraintes budgétaires auxquelles les collectivités locales sont désormais confrontées réduisent encore davantage la probabilité qu’elles retournent sur ce marché de façon marquée dans un avenir proche.
Par conséquent, si le gouvernement souhaite s’approcher un tant soit peu de son objectif, la meilleure option pour construire davantage d’habitations est de s’appuyer sur le secteur des associations de logement.
Les associations de logement sont pour la plupart des organismes à but non-lucratif, c’est à dire des organisations caritatives qui proposent différents types de biens, essentiellement des logements sociaux. Ces logements sociaux sont loués à des loyers inférieurs aux prix de marché et sont très demandés sur l’ensemble du territoire, en particulier dans le sud-est du Royaume-Uni. Une grande partie des loyers proviennent des aides au logement reçues par les locataires. Ces aides représentent donc une source importante de revenus très réguliers. C’est l’une des raisons pour lesquelles les associations de logement peuvent aborder le marché immobilier d’une manière différente des entreprises privées. En effet, elles sont en mesure d’adopter une vision à plus long terme sur la valeur de marché.
Le graphique ci-dessous en apporte la preuve. Il montre que pendant les périodes de croissance lente ou de récession au Royaume-Uni, les associations de logement fournissent une plus grande proportion du total des nouvelles habitations.
Les associations de logement sont en mesure d’adopter une vue à plus long terme sur le marché du logement par rapport aux promoteurs immobiliers parce qu’elles ne sont pas aussi vulnérables aux mouvements du marché. Même si elles initient la construction de biens immobiliers destinés à être vendus sur le marché, cela reste à petite échelle. Ils pourraient être convertis en logements sociaux, ce qui, compte tenu de la forte demande, permettrait de fournir une source de revenus jusqu’à ce que le marché se redresse.
À mon avis, l’objectif actuel du gouvernement n’est absolument pas réaliste. Non seulement l’enveloppe de financement devra encore être augmentée, mais la grave pénurie de compétences nécessite également d’être résolue. Dans sa dernière mise à jour de marché, le directeur général de la Fédération britannique des Maîtres Constructeurs alerte sur le fait que « le nombre d’entreprises ayant fait part de difficultés pour recruter des compétences essentielles, telles que des maçons ou des charpentiers, n’a jamais été aussi élevé ». Il s’agit d’un problème grave, en particulier à la lumière des défis que rencontrent de grandes entreprises de construction comme Carillion. Le gouvernement peine à faire face à tous ces problèmes qui ne pourront évidemment pas tous être résolus. Cependant, tout progrès qu’il peut accomplir dans ce domaine sera bénéfique pour tous, et pas seulement pour les investisseurs.
Les associations de logement lèvent des capitaux sur les marchés afin de financer des projets de construction en utilisant une combinaison de dette et de subventions d’État. Les marchés financiers ont apporté une excellente source de financement à long terme peu onéreux. Le coût de ce type de dette pour les plus grands émetteurs est actuellement inférieur à 150 points de base par rapport aux emprunts d’État britanniques, et le gouvernement a promis d’attribuer 2 milliards de livres supplémentaires de subventions. La question est de savoir si cela sera suffisant pour que le gouvernement soit en mesure d’atteindre son objectif à moyen terme. L’investissement dans ce secteur n’est pas dénué de difficultés. On citera par exemple les risques à court terme d’exposition à un marché immobilier incertain, le lien indirect à un éventuel affaiblissement du Royaume-Uni , et la nécessité d’une vision à long terme en raison de la durée de la dette (habituellement 30 ans). Cependant, pour les investisseurs qui sont prêts à relever ces défis, cette dette apparait attractive comparée aux obligations d’entreprises de qualité similaire.
Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Christophe Machu.
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