La transition numérique: où sont passés les magasins?

« Si vous valez la peine d’être sauvés, vous feriez bien de commencer à nager, ou vous coulerez comme une pierre, car les temps sont en train de changer » Bob Dylan  

Bob Dylan ne pensait probablement pas que ses lignes s’appliqueraient aux distributeurs mondiaux près de 55 ans après les avoir écrites. Mais c’est pourtant bien le cas.

Les consommateurs sont en train de changer si rapidement leurs habitudes que toutes les marques et tous les distributeurs ne sont pas suffisamment agiles pour s’adapter à cette nouvelle réalité. En conséquence, quelques sociétés de renom ont déjà commencé à couler comme des pierres : Maplin, Toys R Us Royaume-Uni, New Look, Poundland, House of Fraser, Homebase, Carpetright, Marks & Spencer et Debenhams font partie des sociétés dont l’existence-même a été récemment remise en question.

Plus que jamais, les nouvelles générations et les personnes plus âgées achètent en ligne : Les recettes attendues d’Amazon pour 2018 sont trois fois plus élevées qu’il y a cinq ans. Elles sont portées par une croissance des ventes sur internet qui à l’échelle mondiale ne semble pas pouvoir être freinée. Le passage au commerce en ligne peut conduire à des faillites et à des restructurations. Cela pousse les distributeurs à réduire leurs espaces de vente et à améliorer leur offre sur internet pour survivre.

Certains pourraient être plus touchés que d’autres : même si le Royaume-Uni dispose du seul pur distributeur en ligne de denrées périssables (Ocado), les ventes de produits alimentaires sur internet restent relativement limitées dans ce pays, ce qui rend la transition numérique relativement moins douloureuse pour ce secteur que pour d’autres (comme on peut le voir sur le graphique).

Les biens de consommation courante, comme les grille-pains ou les télévisions, sont particulièrement touchés. En effet, les offres en ligne ont poussé les prix à la baisse jusqu’à un point où les marges plus faibles ne justifient plus les espaces physiques supplémentaires que certains distributeurs ont construits au cours des années.

L’acquisition par le britannique Sainsbury de Home Retail Group (HRG) a pour but de répondre à ce défi : le distributeur de produits alimentaires est en train de remplacer ses espaces non alimentaires qui perdaient de l’argent par des magasins rentables au sein de ses supermarchés. L’enseigne Argos, qui appartient à HRG, offre ainsi aux clients un accès à l’ensemble des produits figurant sur son catalogue de 1 600 pages. Ces produits sont stockés par l’enseigne en arrière-boutique, ce qui permet de rentabiliser au mieux l’espace. Ce mouvement vise à attirer davantage de clients et à augmenter les marges.

Les marques souffrent aussi

Les distributeurs ne sont pas les seules victimes de la transition numérique. Les marques souffrent aussi car les consommateurs suivent ceux qui créent de nouvelles tendances sur les médias sociaux. Ces derniers, à travers des plateformes comme YouTube, Instagram, Facebook ou Snapchat viennent concurrencer des sociétés bien établies et peuvent parfois engranger d’énormes succès en un temps record. Les consommateurs adorent les courtes vidéos incisives qui ont un fort impact. Ils exigent des plateformes des contenus qui répondent à leurs besoins, et sont de moins en moins attirés par les messages unidirectionnels des annonceurs qui ne cherchent qu’à vendre leurs produits. Les dépenses publicitaires ont ainsi été redirigées, au point que les campagnes numériques sont devenues une part substantielle des budgets publicitaires, remplaçant les supports papiers, comme on peut le voir sur le graphique :

Pour les marques, les défis se sont accompagnés d’opportunités : grâce aux cookies présents sur les sites web, les annonceurs connaissant leurs clients mieux que jamais et peuvent les contacter directement. Ils peuvent ainsi se passer des distributeurs. Cependant, attirer les consommateurs est devenu de plus en plus difficile : en particulier, les membres de la génération Y ont tendance à être moins fidèles à une marque et font généralement preuve de scepticisme à l’égard des messages des grandes entreprises. Ils peuvent rapidement vérifier sur leur téléphone le prix et la qualité des produits, ainsi que l’authenticité du message. Cela ouvre la voie à de nouveaux acteurs pour lesquels les barrières à l’entrée sont moins élevées qu’auparavant. Dollar Shave Club, par exemple, a chamboulé le secteur du rasage uniquement en faisant de la publicité dans les nouveaux médias : moyennant des frais réduits, les consommateurs se font livrer chez eux leurs rasoirs et autres produits de soin personnel, mettant fin à la nécessité de se rendre dans les magasins. Cette innovation a obligé le géant du rasoir Gillette à réduire ses prix de 12 % l’année dernière.

La combinaison d’une forte présence sur les médias sociaux et d’un produit attractif vendu en ligne peut créer un succès immédiat : Halo Top, aujourd’hui le n°1 aux États-Unis de la crème glacée haut de gamme, a été créé il y a seulement six ans. Ses seuls outils promotionnels ont été les plates-formes de médias sociaux et les publicités numériques.

Fusionner pour survivre ?

Les investisseurs prêts à capter les opportunités offertes par ces changements dans les habitudes des consommateurs doivent être conscients que la profonde mutation que connait le secteur de la distribution peut créer autant de gagnants que de perdants. Les défis peuvent toutefois se transformer en opportunités de croissance à mesure que les entreprises cherchent à fusionner ou à acquérir des concurrents (p. ex. l’acquisition de Flipkart par Wal-Mart, le plus grand distributeur indien sur internet de mobiles et d’appareils électroménagers) afin de prospérer ou simplement de survivre.

Les temps sont bien en train de changer.

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Guest contributor - Stephen Wilson-Smith (Director of Credit Research)

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