Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Stefan Isaacs et Elena Moya.
Veuillez noter que cette vidéo n’est disponible qu’en anglais.
Malgré les gros titres de la presse et les fortes fluctuations de prix, la plupart des classes d’actifs obligataires ont clôturé la période de cinq séances là où elles l’avaient entamée. Ce retour à la moyenne de court terme (et d’ampleur finalement modérée) résulte d’opinions contradictoires et d’une confusion générale tant sur l’issue des négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine que sur les déficits nationaux en Europe ou sur le Brexit. La référence mondiale que représente le rendement du bon du Trésor américain à 10 ans a été le reflet de cet état d’esprit : il est passé de 3 % en début de mois à 2,85 %, alors même que la Réserve fédérale américaine (Fed) insiste sur la solidité de l’économie américaine et sur la nécessité d’autres relèvements de taux, et que les spreads de l’ensemble des obligations à haut rendement se sont écartés de plus de 100 points de base depuis octobre. Pour d’autres éclairages, ne manquez pas les perspectives de Jim Leaviss de chez M&G : « Panopanic 2018 », et la dernière vidéo de Laura Frost : « Les contradictions du marché. »
En hausse :
Actifs britanniques – Un hiver au Pays des Merveilles : les gilts et les points morts d’inflation britanniques du Royaume-Uni, ainsi que la livre sterling, ont entamé l’hiver par un tour sur des montagnes russes digne du Pays des Merveilles. Ces actifs ont cependant clôturé cette séquence à peu près là où ils l’avaient entamée. Retour à la case départ donc. Après deux ans de négociations et contre toute attente, la Première ministre britannique Theresa May va pouvoir passer Noël au 10 Downing Street. Elle a en effet survécu à de nombreux pièges, notamment mercredi dernier où son propre parti a voulu contester son autorité. En réaction, la livre s’est appréciée, et les rendements des gilts se sont détendus. Ces mouvements sont attribuables aux anticipations du marché selon lesquelles une sortie désordonnée de l’UE serait désormais moins probable. Les anticipations d’inflation à 10 ans, qui avaient atteint 3,3 % (un point haut sur 18 mois) juste avant la motion de censure du parti conservateur, se sont par la suite légèrement détendues. Cependant, ces points morts d’inflation se traitent toujours sur des niveaux élevés (courbe orange sur le graphique) car une sortie de l’UE serait de nature à affaiblir la livre, ce qui aurait pour effet de renchérir les importations. La volatilité de la livre sterling ne devait pas non plus refluer : comme on peut le voir sur le deuxième graphique, la monnaie britannique se classe devant l’Afrique du Sud, le Mexique et le Brésil en matière de volatilité, mais tout en offrant un niveau de portage beaucoup plus faible : le rendement de l’emprunt d’État à dix ans est à l’heure actuelle de 1,25 %, soit largement en-dessous des titres à neuf ans qu’ils soient brésiliens (5,1 %) ou mexicains (4,6 %). Comme l’a récemment déclaré Ben Lord, gérant chez M&G, le Noël de la Première ministre britannique pourrait ne pas être si calme.
Spreads français – Tout feu tout flamme : la prime que les investisseurs exigent pour détenir des emprunts d’État français par rapport aux bunds allemands (traditionnellement jugés comme plus solides) a culminé à 44 points de base en début de semaine, soit son niveau le plus élevé depuis les élections présidentielles de 2017. À cette époque, les craintes de voir une extrême-droite eurosceptique prendre le pouvoir étaient exacerbées. Ce récent regain de tension est intervenu dans le sillage des émeutes qui ont éclaté à Paris et dans toute la France. Ces manifestations de travailleurs ont conduit le président Macron à promettre une hausse du salaire minimum et à réduire certaines taxes. Cependant, les investisseurs n’ont pas tardé à modifier leur vue sur la prime de risque de la dette Française, le déficit budgétaire du pays devant bondir à 3,4 % du PIB, contre une précédente estimation à 2,8 % (éclipsant par là même les 2 % prévus en Italie). Les autorités de Bruxelles pourraient représenter un défi encore plus compliqué pour Emmanuel Macron.
En baisse :
La Fed contre les marchés – Des chemins divergents : l’écart des anticipations de taux d’intérêt entre la Fed et les marchés ne cesse de se creuser : alors que les responsables de la Fed voient les taux directeurs à 3,5 % en 2021, la probabilité implicite du marché indique un niveau bien inférieur de 2,5 %, correspondant à un relèvement de seulement un quart de point par rapport au niveau actuel. Même si les responsables de la Fed ont semblé plus conciliants ces derniers temps, ils continuent de tabler sur une solide croissance (2,9 % cette année) qui devrait se poursuivre au cours des deux prochaines années, même si à un rythme plus lent (2,6 % en 2019 et 1,9 % en 2020). À l’opposé, les marchés semblent se concentrer davantage sur les anticipations d’inflation qui représentent un facteur clé de la politique de la Fed, d’autant plus que le chômage, à un plus bas de 50 ans, ne suscite plus de grande inquiétude. Les anticipations d’inflation ont cependant plongé au cours du troisième trimestre, passant de 2,17 % début d’octobre à 1,83 % actuellement, soit leur plus bas niveau depuis plus d’un an. La chute des prix du pétrole a directement contribué à cette baisse, élargissant le fossé existant entre les anticipations de la Fed et celles du marché. Mais tout ne se résume pas au pétrole : les investisseurs s’interrogent également sur les bénéfices des entreprises une fois que se sera estompé l’effet des réductions d’impôt de cette année, alors même que les prévisions de bénéfices pour 2019 ont été largement révisées à la baisse. Le FMI a également réduit son estimation de croissance mondiale, évoquant les conflits commerciaux toujours en cours. Au cours des dernières années, les prévisions des marchés ont eu tendance à être plus précises que celles de la Fed. Mais comme toujours, les performances passées ne préjugent pas des résultats futurs…
Inde – Taux de rotation élevé à la banque centrale : après le brusque départ intervenu mercredi d’Urjit Patel, le gouverneur de la banque centrale d’Inde, la roupie a chuté de 2,1 % au cours des cinq derniers jours de trading, soit la pire performance des devises des marchés émergents par rapport au dollar américain. La nomination de Shaktikanta Das, le troisième gouverneur de la banque centrale en autant d’années, a soulevé des questions chez les investisseurs concernant l’indépendance de l’autorité monétaire, surtout en amont des prochaines élections générales prévues l’année prochaine. Le nouveau gouverneur devrait cependant réduire les taux directeurs car l’inflation a ralenti pour revenir à un rythme annualisé de 2,3 %, alors même que l’Inde supporte les taux réels les plus élevés d’Asie, à 4,2 %, ce qui est en train d’entraver sa croissance.
Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Laura Frost.
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Les marchés obligataires internationaux ont progressé au cours des cinq dernières séances, le plongeon du prix du pétrole, la faiblesse des statistiques outre-Atlantique et la déception quant à l’impact réel de la trêve commerciale de 90 jours entre les États-Unis et la Chine ayant conduit à un aplatissement marqué de la courbe des taux américaine qui ne se trouve ainsi plus qu’à 12 points de base (pb) de l’inversion. L’aplatissement s’est intensifié après que le Président américain Donald Trump ait modéré ses récents propos au sujet de l’accord commercial entre les États-Unis et la Chine conclu au cours du week-end à Buenos Aires. La nomination de Robert Lightizer, un partisan bien connu de la ligne dure sur le commerce, à la tête du prochain cycle de négociations commerciales n’a pas aidé non plus. L’enthousiasme s’est trouvé être encore un peu plus douché par la correction des actions internationales, des indices PMI décevants en Europe et de violentes émeutes anti-austérité à Paris. Les problèmes de la Grande-Bretagne se sont également intensifiés à l’approche du vote crucial du Parlement du 11 décembre sur le Brexit.
Seules 4 des 100 classes d’actifs obligataires suivies par notre point hebdomadaire « Panoramic Weekly » n’ont pas réussi à profiter de la morosité, comme notamment les prêts à effet de levier américains qui se comportent généralement bien dans un contexte de hausse des taux. La probabilité suggérée par le marché d’une hausse des taux par la Réserve fédérale la semaine prochaine a baissé de 80 % la semaine dernière à 74 %. Les obligations à haut rendement européennes ne sont pas non plus parvenues à progresser, pénalisées par les difficultés persistantes de l’Italie liées à son déficit budgétaire. Les obligations à long terme ont été les plus performantes à la faveur de leur plus grande sensibilité aux taux d’intérêt : les obligations indexées sur l’inflation britanniques se sont inscrites en forte hausse de 3,4 % au cours des cinq dernières séances, tandis que l’emprunt d’État américain à 25 ans a signé un gain de 2,7 %. Les doutes à l’égard de la croissance américaine ont pénalisé le dollar et, ce faisant, ont favorisé la hausse des obligations souveraines et des devises des marchés émergents. Les devises émergentes ont également été soutenues par de nouveaux relèvements de taux en Corée du Sud et au Pakistan. Les spreads de crédit se sont généralement élargis en raison du contexte globalement teinté de pessimisme, mais la baisse du taux de base souverain sous-jacent a neutralisé le repli, ce qui a aidé la plupart des classes d’actifs des obligations des entreprises à générer des performances positives.
En hausse :
Royaume-Uni – sortie ou pas sortie : dans un style dramatique typiquement shakespearien, la Chambre des communes a insisté pour renforcer son droit de regard au cas où l’accord sur le Brexit de la Première ministre Theresa May ne devait pas être adopté le 11 décembre au Parlement comme beaucoup le prévoient. A l’heure actuelle, les issues potentielles restent extrêmement indécises : la remise en question du leadership des Conservateurs, des élections générales, un deuxième référendum sur l’adhésion à l’UE, un report de la décision de sortir, voire même une abrogation totale de l’accord. Les marchés financiers ont interprété la tournure des événements comme un signe que le maintien au sein de l’UE était une possibilité de plus en plus plausible, ce qui a favorisé une modeste appréciation de la livre sterling. Comme le montre le premier graphique, les rendements des gilts ont également augmenté sous l’effet de la baisse de la demande de titres refuges. Les anticipations d’inflation ont été légèrement revues à la baisse dans la mesure où une livre sterling plus forte aide à contenir l’augmentation des prix à l’importation. Les entreprises britanniques n’ont cependant pas connu de répit : la différence entre la prime de risque exigée par les investisseurs pour détenir des obligations « investment grade » britanniques plutôt que leurs équivalentes américaines a continué de s’élargir et a atteint 36 pb, soit son niveau le plus élevé depuis 2012, au plus fort de la crise de la dette souveraine européenne. Après deux années de négociations tumultueuses, une seule chose semble certaine à ce stade : nous n’avons pas encore tout vu.
Rendements des marchés émergents – suffisamment rémunérateurs pour le risque ? Les marchés émergents ont connu une année 2018 difficile, principalement en raison des craintes d’un ralentissement de la croissance mondiale, de la hausse du dollar et des problèmes intervenus en Argentine et en Turquie. L’un des indices phares de la classe d’actifs, celui de JP Morgan relatif à la dette souveraine émergente libellée en dollar américain (EMBI), a chuté de 5 % depuis le début de l’année, également pénalisé par les mauvaises performances de pays exportateurs de pétrole tels que le Brésil, le Mexique et le Venezuela. La baisse du cours a toutefois porté le rendement de l’indice EMBI à 7 %, son plus haut niveau depuis sa création en 2009 et un niveau auquel certains investisseurs s’estiment rémunérés pour le risque.
En baisse :
Courbe des taux américaine – vers l’inversion : les investisseurs obligataires aiment généralement les courbes parce que la convexité augmente les gains et réduit les pertes – mais tout le monde n’aime pas les courbes qui existent à l’heure actuelle : l’écart entre les emprunts d’État américains à 10 et 2 ans est tombé à seulement 11 pb, son point le plus bas depuis 2007 et un niveau proche de la ligne d’inversion – généralement un signe de récession. Comme l’illustre le graphique, des inversions de courbe ont en effet souvent précédé des récessions (barres grises), généralement déclenchées par l’éclatement d’une bulle d’actifs (comme la bulle des TMT au début des années 2000 ou l’implosion des titres adossés à des créances hypothécaires en 2007) ou par une succession de hausses des taux qui met à mal la croissance. Certains observateurs s’attendaient à ce que la courbe 2-10 ans finisse par s’inverser l’an prochain, mais les événements de cette semaine pourraient bien avoir contribué à rapprocher un peu plus cette inversion : la courbe 5-2 ans s’est en effet déjà inversée après avoir atteint -0,967 pb cette semaine. Les observateurs de ce camp font valoir que la récente forte hausse du taux de l’emprunt d’État américain à 2 ans, le taux d’actualisation mondial de fait, aura très probablement un impact négatif sur la croissance et les bénéfices. A l’inverse, d’autres investisseurs estiment quant à eux que la croissance et les bénéfices des entreprises aux États-Unis, même en marquant quelque peu le pas, restent solides. Selon les prévisions du consensus, l’économie américaine devrait croître de 2,9 % cette année, de 2,6 % l’an prochain et de 1,9 % en 2020.
Obligations BBB américaines – Geee : les obligations d’entreprises « investment grade » américaines les moins bien notées ont continué de souffrir d’une décennie de croissance ininterrompue de leur taille – et de certains événements particuliers : le rendement supplémentaire par rapport aux emprunts d’État américains que les émetteurs américains notés BBB doivent payer a atteint 174 pb mercredi, son niveau le plus élevé en plus de deux ans. La classe d’actifs a également été pénalisée par les inquiétudes de plus en plus vives des investisseurs au sujet de General Electric, le géant industriel américain qui s’est engagé dans un programme de désendettement et de cession d’actifs afin d’assainir ses finances – ne manquez pas le blog de Mario Eisenegger : Le géant General Electric peut-il aider à apaiser les craintes à l’égard des émetteurs BBB ?
Les effets positifs et négatifs de l’intervention des banques centrales au lendemain de la crise financière de 2007-2008 ont été largement discutés et, dix ans plus tard, ne sont toujours pas entièrement compris. Par exemple, maintenir artificiellement les coûts d’emprunt au plus bas pendant des années a certes contribué à stimuler la croissance économique (formidable), mais en incitant les entreprises à s’endetter davantage (pas si formidable que cela). L’augmentation des niveaux d’endettement m’amène également à me demander si les conditions financières n’ont pas été assouplies pendant trop longtemps dans la mesure où cela a permis aux entreprises de s’endetter et d’accroître ainsi le risque de crédit. Comme l’illustre le graphique, le segment « investment grade » le moins bien noté de l’univers des entreprises américaines a connu un tel essor qu’il pèse désormais 3 000 milliards de dollars, soit près de la moitié de la capitalisation boursière de l’ensemble du marché « investment grade » américain et presque trois fois la taille du marché à haut rendement américain.
Seul l’avenir nous dira si la forte augmentation généralisée de la dette des entreprises nous rapprochera de la prochaine récession. Mais, en ce qui concerne les inquiétudes grandissantes à l’égard des émetteurs notés BBB, dans quelle mesure leur risque est-il imminent ? Leur récente correction est-elle révélatrice de leurs véritables fondamentaux ?
Commençons par examiner le segment le plus à risque, celui des obligations américaines BBB- avec une perspective négative et qui sont les plus proches de la frontière du haut rendement. Comme le montre le graphique, ce groupe à risque a en fait considérablement diminué au cours des deux dernières années et, selon Crédit Suisse, devrait continuer à le faire. A l’heure actuelle, le groupe ne représente qu’environ 5 % de l’univers BBB- américain, ce qui tend à indiquer un faible risque de dégradation à court terme.
Cette réduction est principalement due à la vigueur de la croissance économique (le PIB mondial devrait encore croître de 3,7 % en 2019 et de 2,9 % aux États-Unis selon le FMI). Une telle situation se traduit généralement par une hausse des bénéfices des entreprises et, à terme, par une amélioration de l’état de santé des bilans.
S’il est vrai que la croissance des bénéfices par action (BPA) pourrait avoir atteint son point culminant à la suite des baisses d’impôt aux États-Unis, il convient toutefois de ne pas oublier que la croissance des BPA sur 12 mois des entreprises de l’indice S&P 1500 demeure sur une solide trajectoire de plus de 20 % au troisième trimestre. Comme l’illustre le graphique, cet environnement positif a favorisé un plus grand nombre d’étoiles montantes (ces émetteurs relevés des catégories à haut rendement à « investment grade ») que d’anges déchus (l’inverse).
Le chiffre des anges déchus pourrait bien sûr exploser si l’un de ces anges se trouvait être une société avec une large structure du capital. L’une des entreprises qui a récemment perdu sa notation A est le géant industriel américain General Electric – la 87ème plus grande société de l’indice S&P 500. Elle possède une dette notionnelle de près de 50 milliards de dollars et dont la majorité pourrait faire son entrée sur le marché à haut rendement en cas de dégradation de plusieurs crans. Dans quelle mesure ce risque est-il immédiat pour les investisseurs ?
Les craintes de dégradation de GE sont encore spéculatives. L’entreprise tente de consolider sa trésorerie et son bilan, et pourrait bien conserver son statut « investment grade » après tout. Dans la mesure où la liquidité, généralement la préoccupation n°1 des investisseurs, apparaît abondante, la société s’emploie désormais à améliorer ses flux de trésorerie disponible et la structure de son bilan. Les sociétés qui se situent à la limite inférieure de l’univers « investment grade » sont en effet fortement incitées à conserver leurs notations de crédit dans la mesure où une baisse des notations à long terme de BBB- à BB+ augmente sensiblement les coûts d’emprunt, certains investisseurs étant empêchés de détenir des émetteurs à haut rendement.
Toutefois, GE conserve une notation BBB+ assortie de perspectives stables de la part des trois principales agences de notation de crédit ; la catégorie spéculative n’est donc pas encore pour demain pour ce géant industriel. Le point important au cours des prochains trimestres sera de voir si le nouveau Directeur général de GE parviendra à tenir sa promesse d’une accélération du désendettement et d’un redressement de la division électricité structurellement en difficulté. Le tout, sur fond d’enquêtes en cours au ministère de la Justice et à la SEC, ainsi que de certaines procédures judicaires entre actionnaires.
Afin de rétablir la confiance du marché, GE se doit de procéder à un désendettement rapide et d’améliorer les flux de trésorerie disponible de manière durable. Des mesures concrètes dans ce sens sont déjà manifestes avec un dividende presque réduit à néant et une cession anticipée de la participation dans Baker Hughes, avant une sortie du secteur de la santé prévue en 2019.
Si la direction y parvient, la valorisation actuelle de ce groupe noté BBB+ pourrait bel et bien offrir une intéressante opportunité d’achat aux investisseurs obligataires – et apaiser certaines des inquiétudes à l’égard de l’ensemble de l’univers BBB.
Point hebdomadaire sur l’actualité des marchés obligataires. Cette semaine, retrouvez Mario Eisenegger et Wolfgang Bauer.
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Si les investisseurs ont profité d’un scénario « idéal » en 2017, année au cours de laquelle la croissance s’est avérée suffisamment vigoureuse pour offrir un coup de pouce aux bénéfices, mais pas trop pour justifier de fortes hausses des taux, beaucoup s’attendaient à une année 2018 moins favorable et marquée par un important cycle de relèvement des taux – jusqu’à la semaine dernière. Le président de la Fed américaine, Jerome Powell, a déclaré que le taux directeur actuel se situait tout juste en dessous du taux non accélérateur d’inflation – un signe que la Banque centrale pourrait ralentir la trajectoire haussière de ses taux qu’elle avait indiquée en octobre. Les actions se sont fortement appréciées et les rendements obligataires ont reculé ; le rendement de l’emprunt d’État américain à 10 ans est tombé sous la barre des 3 % pour la première fois depuis septembre. Les spreads des actifs risqués, comme ceux des obligations à haut rendement, se sont contractés.
Les propos accommodants de Jerome Powell sont intervenus alors même que le prix du pétrole a chuté de 20 dollars au cours des deux derniers mois pour s’établir légèrement au-dessus de 50 dollars le baril, son plus bas niveau en plus d’un an. Les statistiques économiques aux États-Unis ont également déçu (logement, production industrielle, ventes de biens durables et confiance des ménages). Le revers du président américain Trump à l’issue des récentes élections de mi-mandat rend plus improbables de nouvelles baisses d’impôt, ce qui pourrait peser sur la croissance. La semaine dernière, les indices PMI européens sont également ressortis inférieurs aux attentes. Le FMI a mis en garde contre la détérioration des statistiques au niveau mondial et l’apparition de nuages plus sombres, un mois seulement après avoir réduit ses prévisions de croissance mondiale. Au moins, les tensions géopolitiques ont semblé s’apaiser après le sommet du G20 qui s’est tenu ce week-end à Buenos Aires. A cette occasion, Donald Trump et le Président chinois Xi Jinping ont signé une trêve dans leur guerre commerciale, laquelle a contribué à affaiblir le dollar américain et, ce faisant, à soutenir les actifs des marchés émergents.
En hausse :
Devises émergentes – soleil d’hiver : les devises émergentes ont connu un bon mois de novembre. En dépit de la récente baisse des marchés du crédit, les obligations souveraines émergentes libellées en devise locale ont offert aux investisseurs une performance de 1,6 % en novembre, laquelle s’établit à 2,2 % une fois convertie en dollar américain sous l’effet de l’appréciation de la devise. Comme l’illustre le graphique, la lire turque (ligne bleue) s’est sensiblement appréciée de 6,7 % face au billet vert jusqu’à présent ce mois-ci, regagnant ainsi près de la moitié du terrain qu’elle avait concédé durant l’été. Les investisseurs semblent désormais moins préoccupés par les fondamentaux de la Turquie, surtout compte tenu de la chute du prix du pétrole qui ne manque pas d’aider la balance courante du pays. L’Inde, un autre grand pays importateur de pétrole, a vu sa devise fortement s’apprécier de 5 % au cours du mois dernier, d’autant plus que les États-Unis ont levé certaines sanctions contre l’Iran afin que le pays producteur de pétrole puisse continuer à exporter. Le rand sud-africain, récemment délaissé par les investisseurs en raison des déficits budgétaire et de la balance courante élevés du pays, s’est également redressé après que la banque centrale ait récemment relevé ses taux de 6,50 % à 6,75 % et abaissé ses prévisions d’inflation. Après la tempête de l’été durant laquelle l’incertitude entourant la Turquie et l’Argentine a gagné d’autres pays émergents, les investisseurs semblent prendre du recul sur les fondamentaux. Comme le montre le graphique, les perspectives de croissance sont beaucoup plus prometteuses pour les pays émergents que pour les pays développés.
Italie – les derniers seront les premiers : toujours nettement dans le rouge depuis le début de l’année, les emprunts d’État italiens occupent une surprenante première place dans le tableau des performances hebdomadaires des 100 classes d’actifs obligataires. Ces gains, qui permettent de ramener la baisse depuis le début de l’année à 4,7 %, interviennent au moment où le gouvernement italien et l’UE semblent se rapprocher d’un accord sur le déficit budgétaire de l’Italie. Depuis son élection en mai, le gouvernement a défié la rigueur budgétaire de Bruxelles, créant ainsi des tensions qui ont non seulement conduit à un élargissement des spreads des emprunts d’État et des obligations d’entreprises, mais ont également eu un impact négatif sur les actifs européens en général. Le regain d’optimisme au sujet d’un accord a permis d’améliorer cette semaine les performances des indices à haut rendement européens où l’Italie a un poids de 15 %, plus que toute autre nation.
En baisse :
Les voitures – le canari dans la mine de charbon ? Les ventes de voitures ont cessé d’être un moteur de l’économie – elles ressemblent plus à une crevaison dans les pneus de la croissance mondiale : peut-être est-ce en raison des guerres commerciales mondiales, ou du vieillissement des populations et du recours par les jeunes aux services à la demande dans les pays développés, ou de l’instauration par l’UE de nouvelles mesures concernant les émissions polluantes. Comme le révèle le graphique, la croissance annualisée des ventes mondiales de voitures est en train de s’enfoncer en territoire négatif, une situation qui contribue à faire de ce secteur le moins performant du marché à haut rendement américain depuis le début de l’année avec une baisse de 7,3 %. Plus tôt cette semaine, le géant de l’automobile GM a annoncé qu’il prévoyait de fermer jusqu’à cinq usines en Amérique du Nord et de réduire son personnel. Pour empirer encore un peu plus les choses, le FMI n’entrevoit pas d’amélioration à venir – il s’attend à un ralentissement de la croissance, surtout dans les économies développées en raison du vieillissement de la population, de la faiblesse de la productivité et de la hausse des taux. Aux États-Unis, la fin des récentes mesures de relance budgétaire pourrait également freiner la croissance. Les investisseurs à haut rendement semblent avoir anticipé les temps difficiles à venir : les secteurs plus résistants des supermarchés et de la pharmacie constituent les plus performants du marché à haut rendement cette année avec des hausses de 7,8 % et 6,7 %.
TIPS – si inintéressants que cela ? Les titres indexés sur l’inflation du Trésor américain (TIPS) ont reculé de 0,6 % au cours des cinq dernières séances, portant ainsi leur baisse à 2,7 % depuis le début de l’année. Cette baisse a principalement été due à la chute du prix du pétrole et au caractère décevant des statistiques. Pour autant, certains investisseurs font valoir qu’avec un rendement nominal à 10 ans de 3,0 % et un point mort d’inflation (ou les anticipations inflationnistes) à 10 ans de 1,93 % aux États-Unis, un taux réel de plus de 1 % est intéressant par rapport aux taux réels négatifs qui prévalent encore dans la plupart des pays développés où l’inflation est supérieure au taux directeur de base.