Comme nous le savons tous, 2018 s’est révélée être une année difficile pour la plupart des classes d’actifs, en particulier pour les obligations à haut rendement. La correction intervenue au quatrième trimestre a été particulièrement rapide et brutale par rapport aux récentes périodes d’accalmie caractérisées par une volatilité modérée grâce aux largesses des banques centrales. Le haut rendement mondial a concédé quelques points de pourcentage en devise locale en 2018, tandis que le marché des obligations à taux variable à bêta moins élevé et davantage composé de dette senior a légèrement mieux résisté avec une baisse d’un peu moins de 1 %. L’année 2018 a ainsi permis de rappeler que le marché des obligations à haut rendement à taux variable (qui partage de nombreuses caractéristiques de risque avec le marché des prêts senior, dont sa nature garantie de premier rang et son coupon variable) est généralement moins volatil que celui des obligations à haut rendement à taux fixe traditionnel lors des périodes de correction des marchés.
Quel enseignement pour les investisseurs en 2019 ? Doivent-ils privilégier le haut rendement à taux variable ou fixe ?
Pour tenter de répondre à cette question, j’ai présenté ci-dessous quelques scénarios de performance totale fondés sur différentes évolutions des spreads de crédit et des taux d’intérêt. Ces scénarios tiennent également compte d’une estimation des coûts de couverture de change sur un an afin d’obtenir des performances entièrement couvertes. J’ai pris pour hypothèse un taux de défaut de 1,5 %, avec un taux de recouvrement moyen de 30 % pour le marché à haut rendement à taux fixe et de 60 % pour celui à taux variable. Je suppose également que toute évolution des rendements est purement un mouvement de pentification/d’aplatissement, impliquant ainsi qu’il n’y aura pas d’autre hausse des taux au cours des 12 prochains mois. Voici-dessous les 3 scénarios – pour les obligations à haut rendement à taux variable et fixe libellées en dollar américain, en euro et en livre sterling et entièrement couvertes contre le risque de change.
Que pouvons-nous déduire de ce qui précède ?
- Pour les investisseurs en dollar américain, le rapport risque/rendement en valeur absolue commence à apparaître intéressant – le point mort du spread est suffisamment attractif dans la mesure où le spread doit encore s’élargir de plus de 200 points de base (pb) avant que le marché des obligations à taux variable commence à générer des pertes. A titre de contexte, cela revient à un spread de l’ordre de 650 pb et un rendement global de près de 9 % – un niveau que l’on peut considérer comme intégrant une récession. Dans le cas du marché à taux fixe plus sensible à l’évolution du spread, les pertes commencent avant à un niveau de 150 pb (encerclé). Dans l’ensemble, cela suggère un rapport risque/rendement relativement intéressant avec des performances potentielles allant de près de 5 % à un peu de 10 %. Pour les investisseurs en euro et en livre sterling, la situation est légèrement moins favorable compte tenu du niveau initial moins élevé des rendements. En Europe, en particulier, il y a beaucoup de rouge.
- Dans un scénario haussier, avec une forte contraction des spreads et une hausse des rendements, le faible risque de taux d’intérêt des obligations à taux variable est un élément très favorable dans la mesure où toute augmentation des rendements des emprunts d’État n’aurait pas d’incidence sur les performances (puisqu’elles se rajustent périodiquement sur les rendements des emprunts d’État). A l’inverse, la duration plus longue du marché à taux fixe agit comme un facteur négatif en cas de hausse des taux (cercle bleu).
- Dans un scénario baissier, avec un élargissement des spreads et une baisse des rendements, la « spread duration » plus faible du marché des obligations à taux variable joue également en sa faveur par rapport au marché à taux fixe (cercle bleu en pointillés).
- Le haut rendement à taux fixe surperforme si les rendements et les spreads des obligations baissent (carré noir), une situation qui pourrait être compatible avec un retour à la relance monétaire comme l’assouplissement quantitatif (« QE »).
Compte tenu de la vigueur relative des économies américaine et mondiale, un retour de l’assouplissement quantitatif est très peu probable – selon moi, cela devrait conférer un avantage aux obligations à taux variable dans les scénarios de performance les plus vraisemblables. Je dois toutefois mettre en garde contre le fait que ces calculs reposent sur plusieurs hypothèses et qu’il convient donc de les considérer comme théoriques. De plus, d’autres variables auraient également une incidence, comme notamment l’absence de potentiel d’appréciation du capital des obligations à taux variable, lesquelles se négocient proches du pair, et toute hausse des taux de défaut à plus de 1,5 %.
Pour autant, la résilience inhérente des obligations à taux variable, grâce à la faiblesse de leur spread et de leur risque de taux d’intérêt, pourrait constituer un bon facteur de soutien pour la classe d’actifs en 2019. Cette année pourrait ainsi bien être un bon cru pour les obligations à haut rendement à taux variable.
Non pas que nous eussions besoin d’être rassurés, mais la décision du gouvernement britannique d’astreindre les gérants de fonds de pension à tenir compte des facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) revêtant une importance financière dans leurs évaluations, a sans aucun doute conforté ceux qui considèrent que le développement durable devient une nécessité plus qu’un choix – tant pour la société que pour les investisseurs.
Selon moi, l’angle ESG peut aider à surveiller les risques qualitatifs et à évaluer le style de gestion de l’entreprise ainsi que ses priorités afin d’éviter les pertes propres à des valeurs spécifiques. Les considérations ESG sont particulièrement importantes pour les émetteurs obligataires à haut rendement (HY), généralement plus endettés et donc plus susceptibles d’amplifier toute nouvelle positive ou négative.
Une étude de Barclays a récemment révélé que les portefeuilles d’obligations HY qui tenaient largement compte des critères ESG avaient tendance à surperformer, la composante gouvernance s’avérant la plus importante. Intuitivement, tout cela est logique puisque les prêts aux entreprises bien gérées, dont les intérêts sont alignés sur ceux des détenteurs d’obligations, devraient porter leurs fruits à long terme.
Il faut également garder à l’esprit que ce qui est favorable au cours de l’action ne l’est pas toujours pour le risque de crédit. Prenons l’exemple d’une participation dans un fonds de private equity qui encourage un effet de levier maximal et/ou une performance significative pour les actionnaires.
Bien que les liens entre les facteurs environnementaux et sociaux et la performance soient moins évidents, je reste convaincu que les entreprises doivent aussi tenir compte de l’externalité des mauvaises pratiques environnementales et sociales à long terme. Les économies réalisées à court terme en réduisant les salaires ou en évitant les coûts d’assainissement sont de plus en plus compensées par les dommages financiers à long terme causés par de telles décisions.
Les investisseurs se concentrent de plus en plus sur ces facteurs qualitatifs qui, combinés à l’explosion du big data, apportent un niveau de transparence qui en fait rougir plus d’un. Les comportements excessifs seront sanctionnés plus rapidement, car l’information non financière est désormais facilement accessible et peut être mesurée en temps réel. Par exemple, la présence des réseaux sociaux signifie que même dans les régions reculées d’Afrique, une entreprise qui quitte une mine pleine de produits polluants peut se voir bloquer l’exploitation d’une nouvelle mine au Chili. Une poignée de fournisseurs de données ESG sont déjà apparus pour exploiter la demande croissante et je leur prévois un avenir prometteur.
Cependant, la recherche ESG externe ne suffit pas aux gérants d’actifs. Voici quelques recommandations qui pourraient s’avérer utiles :
- Définir les facteurs ESG revêtant une importance financière : La définition que le fournisseur de données ESG donne de ces facteurs significatifs pour une industrie/un secteur ainsi que leur importance dans l’évaluation ESG globale est très subjective et peut être en désaccord avec l’opinion du gérant de fonds. Par exemple, la notation de MSCI en matière de qualité de gouvernance se concentre sur des problématiques telles que la composition du conseil d’administration et la rémunération des dirigeants. D’autre part, Sustainalytics privilégie d’autres facteurs, comme la gestion par l’entreprise des questions environnementales et sociales, ce qui se traduit par des résultats différents. Étant donné que de plus en plus de fournisseurs proposent des solutions ESG, les utilisateurs de données devront assimiler un nombre de méthodologies disponibles plus important, ce qui pourrait aboutir à des résultats contradictoires. Les analystes sectoriels internes expérimentés sont, à mon avis, les mieux placés pour évaluer ce qu’ils considèrent comme les problématiques ESG les plus significatives sur le plan financier pour une industrie.
- Analyser : Les fournisseurs de données ESG ont tendance à évaluer des milliers d’émetteurs, ce qui réduit la fréquence des révisions de notation à environ une fois par an – et réduit la probabilité d’une modification. L’étude de Barclays révèle qu’un émetteur affichant une notation ESG de premier rang en début d’année possède 79 % de chances de la conserver un an plus tard selon MSCI, et 88 % selon Sustainalytics. Cette approche qui fait la part belle au statu quo m’amène à me demander si les notations ESG ne sont pas plus un indicateur de réactivité qu’un indicateur avancé (ce qu’ils sont censés être). Une fois de plus, je considère que les analystes internes qui fournissent des recherches récentes à un cadre ESG sur mesure dans le but de surveiller les (potentielles) valeurs en portefeuille sont plus efficaces que les sources externes.
- Engager le dialogue : Les fournisseurs de données ESG ne participent pas au dialogue avec les entreprises, et c’est pourquoi les gérants d’actifs doivent intervenir et dialoguer avec les entreprises pour s’assurer qu’elles joignent le geste à la parole. Les émetteurs HY sont plus enclins que les entreprises Investment Grade (IG) à échanger avec les investisseurs obligataires et à négocier les modalités d’une émission, étant donné que le marché de la dette est souvent la principale source de financement. Les investisseurs d’envergure sur le segment HY devraient être bien placés pour avoir un impact en contribuant à conduire le changement.
- Se méfier des informations biaisées : Les émetteurs IG ont souvent une meilleure notation ESG que les émetteurs HY, et de nombreux investisseurs supposent ainsi qu’il existe une corrélation positive entre le crédit et les facteurs ESG – comme le montre le graphique ci-dessous :
En principe, il est logique qu’une meilleure performance ESG soit synonyme de bénéfices plus élevés, et donc d’un bilan plus solide et d’une meilleure notation. Mais je ne pense pas que cette logique soit valable étant donné que les données ESG ne sont pas encore efficacement valorisées sur les marchés.
Je pense que la meilleure performance du segment IG en matière de gestion ESG est en grande partie attribuable à une information biaisée : Les émetteurs IG peuvent généralement compter sur un service relations publiques qui met en valeur les efforts de l’entreprise en matière ESG ; à l’inverse, selon un récent rapport du PRI (« l’engagement ESG pour les investisseurs obligataires »), seulement 20 % des émetteurs HY mondiaux ont analysé et confirmé la synthèse des données de MSCI qu’ils utilisent pour leurs notations ESG, chiffre qui chute à seulement 3 % pour les entreprises privées. Cela peut signifier que les données ESG du segment HY peuvent ne pas dresser un tableau complet de la situation et qu’elles sont donc potentiellement insuffisantes pour pouvoir en tirer des conclusions. Les gérants d’actifs disposant d’importantes équipes internes d’analystes peuvent avoir accès à des données plus pertinentes mais moins disponibles afin d’en tirer une conclusion plus exhaustive.
Dans l’ensemble, si les fournisseurs de données ESG peuvent offrir un cadre initial et quelques conseils, les gérants d’actifs doivent renforcer leurs capacités ESG afin de maximiser l’alpha pour leurs investisseurs.
Peu d’investisseurs auraient parié sur les obligations d’entreprises des marchés émergents il y a quinze ans de cela. En 2004, l’univers de la dette extérieure (également appelée en « devise forte ») des entreprises des marchés émergents était relativement modeste à près de 270 milliards de dollars. En 2009, la classe d’actifs avait vu son poids plus que doubler pour atteindre 600 milliards de dollars, sous l’effet de la forte croissance des économies émergentes, notamment des pays BRIC. Depuis la crise financière mondiale, les obligations d’entreprises des marchés émergents ont enregistré la plus forte croissance de tous les marchés obligataires (Graphique 1). L’encours de l’univers des obligations d’entreprises émergentes en devise forte a ainsi atteint 2 200 milliards de dollars à la fin de l’année dernière.
L’essor du crédit des marchés émergents a fait de ce dernier une classe d’actifs à part entière (Graphique 2) et, ce faisant, un nouveau centre d’intérêt pour les investisseurs internationaux dans les obligations d’entreprises. Par exemple, les obligations à haut rendement des marchés émergents représentent aujourd’hui 23 % des opportunités d’investissement à haut rendement mondiales, contre seulement 8 % en 2009 ; nous sommes convaincus que la part des marchés émergents dans les indices internationaux va continuer d’augmenter sur un horizon à moyen terme. L’univers beaucoup plus vaste des obligations d’entreprises émergentes en devise locale a également enregistré une croissance impressionnante (+300 % depuis 2009) et sa taille avoisine désormais les 8 000 milliards de dollars ; il est ainsi comparable à celui des obligations souveraines émergentes en devise locale et plus grand que le marché « investment grade » américain. Pourtant, la part « investissable » de ce marché demeure modeste pour les investisseurs internationaux.
Dans le présent document, nous étudions les perspectives des trois segments qui méritent d’être suivis avec attention au cours des prochaines années : l’univers mature des obligations d’entreprises émergentes en devise forte, son segment à haut rendement en forte croissance et l’énorme, mais illiquide, marché des obligations d’entreprises émergentes en devise locale.
Figure 1 (left). Figure 2 (right).
Obligations d’entreprises émergentes en devise forte : le marché déjà bien établi.
La croissance impressionnante des obligations d’entreprises émergentes libellées en dollar américain au cours de la dernière décennie (Graphique 3) s’est fait attendre, surtout au regard de la petite taille des marchés obligataires émergents par rapport à leur contribution au PIB mondial (plus de 50 %). Les émissions en dollar américain et dans d’autres devises fortes ont été le résultat de trois facteurs distincts. Premièrement, certains émetteurs émergents opèrent dans des secteurs « dollarisés » (par exemple les matières premières) ou dans des pays dont les devises sont à taux de change fixe, comme les Émirats Arabes Unis. Ils préfèrent donc naturellement emprunter dans une devise qui ne crée pas d’asymétrie de change au sein de leurs bilans. Deuxièmement, les besoins de financement pour des investissements ont augmenté parallèlement à l’expansion économique des pays émergents, mais les marchés locaux de la dette (les prêts bancaires et le marché obligataire en devise locale) manquaient de profondeur. Des financements par emprunt à long terme et importants pour des grandes entreprises – comme les groupes de services aux collectivités – n’étaient en général pas disponibles au niveau national. En conséquence, les émetteurs émergents ont commencé à se tourner vers les marchés obligataires internationaux. Troisièmement, les facteurs techniques des marchés se sont améliorés grâce à l’apparition d’une demande en provenance des investisseurs obligataires internationaux, en plus des gérants dédiés à la dette émergente, en raison des avantages procurés en matière de diversification après que la crise financière mondiale ait durement touché de nombreux portefeuilles.
Figure 3. (left) / Figure 4. (right)
S’agissant des obligations d’entreprises, la croissance de leur encours a été favorisée par les émissions « investment grade » et les émissions à haut rendement. Néanmoins, la répartition favorise toujours les émissions « investment grade ». En date du mois de janvier 2019, le crédit à haut rendement représentait 36 % de l’encours du marché (43 % de l’indice CEMBI BD de JP Morgan). Les émetteurs quasi-souverains représentent environ la moitié de l’univers et leur encours s’établit aujourd’hui à un peu plus de 1 000 milliards de dollars, soit une taille similaire aux obligations souveraines émergentes en devise forte. Pour plus d’informations sur les obligations quasi-souveraines, vous pouvez lire ce blog : https://bondvigilantes.com/francais/panoramic-outlook/les-obligations-quasi-souveraines-des-marches-emergents/?noredirect=fr_FR
Une tendance notable au sein de la classe d’actifs a été l’augmentation importante de la part des obligations asiatiques dans l’univers (Graphique 4) sous l’effet de l’abondance des émissions en provenance de Chine au cours des 10 dernières années. Hors Asie, la classe d’actifs affiche une croissance plus modeste depuis 2011 (+83 %) et minime par rapport à 2014 (+6 %). L’encours des obligations d’entreprises asiatiques en devise forte, y compris des obligations quasi-souveraines, s’élevait à 1 100 milliards de dollars à la fin de l’année 2018 – un montant supérieur à l’ensemble de l’univers des obligations souveraines émergentes en devise forte et équivalent à 51 % du total de la classe d’actifs des obligations d’entreprises émergentes en devise forte. Cette situation contraste fortement avec le fait que l’Asie ne représente qu’une faible proportion de l’encours des obligations souveraines émergentes en devise forte. Sur le marché de la dette extérieure de 650 milliards de dollars américains, la Chine compte pour 30 % dans la classe d’actifs (tout en étant plafonnée à 8,1 % dans l’indice CEMBI BD) et est la plus importante économie des 50 pays de l’indice des marchés émergents. Le Mexique (8,8 % de l’encours total), le Brésil, la Corée, la Russie, Hong Kong, les Émirats arabes unis et l’Inde sont également d’importants pays contributeurs. Grâce à cette diversité géographique, seule une offre nette négative en provenance de Chine modifierait la taille de la classe d’actifs.
En termes de secteurs, la croissance impressionnante de l’Asie a eu peu d’impact sur la diversité de la classe d’actifs (représentée par l’indice CEMBI BD) (Graphique 5). Le secteur de la finance continue de représenter un tiers de l’indice et, contrairement aux marchés développés, il est moins exposé au risque de contagion (par exemple, les banques colombiennes sont peu susceptibles d’être touchées par une crise bancaire en Indonésie), même si les institutions financières chinoises sont systémiquement importantes pour l’Asie. Les matières premières représentent environ 20 % (pétrole et gaz 14 %, métaux et mines 7 %), généralement moins que ce que la plupart des investisseurs s’attendraient d’un emprunteur émergent. Les secteurs des TMT et des services aux collectivités sont également importants et, parallèlement à l’expansion économique, le secteur de la consommation (9 %) a enregistré une croissance plus rapide que les secteurs industriels.
Figure 5. (left) Sectors / Figure 6. (right) Returns vs Vol
En ce qui concerne les performances (Graphique 6), les obligations d’entreprises émergentes en devise forte ont généré des performances satisfaisantes au cours de leur existence relativement courte. Depuis 2004, la performance totale de -1,65 % en 2018 (indice JP Morgan CEMBI BD) n’a constitué que la troisième performance annuelle négative (après 2008 : -16,8 % et 2013 : -1,3 %), tandis que la performance cumulée sur l’ensemble de la période (2004 à oct. 2018) s’est établie à +145 %. La performance annualisée de l’indice a quant à elle été de 6,1 %, tandis que sa volatilité annualisée s’est établie à 7,9 %. Pour une classe d’actifs ayant une notation de crédit moyenne de BBB-, les performances apparaissent plus élevées que celles des équivalentes des marchés développés, mais la volatilité l’est tout autant. Le ratio de Sharpe de 0,6 de la classe d’actifs se révèle moyen, voire meilleur, que celui d’autres classes d’actifs sur la même période (2004 à octobre 2018), mais inférieur à celui des obligations souveraines émergentes en devise forte (0,7), à haut rendement américaines (0,7) ou « investment grade » américaines (0,7).
Obligations à haut rendement émergentes : la taille compte
Le substantiel essor des obligations d’entreprises émergentes en devise forte a eu des répercussions sur d’autres classes d’actifs, notamment sur les obligations à haut rendement internationales. Historiquement, les obligations d’entreprises des marchés émergents n’ont eu qu’une modeste pondération au sein des mandats d’investissement internationaux à haut rendement dont beaucoup se concentrent principalement sur le marché à haut rendement américain, puis sur le marché européen. En 2009, les investisseurs ont justifié leur plus petite exposition aux marchés émergents par la pondération de 8 % dans l’indice (Graphique 7). En 2015, le haut rendement émergent a dépassé la taille du haut rendement européen dans l’indice pour deux principales raisons. Premièrement, les émissions d’obligataires à haut rendement des marchés émergents ont sensiblement augmenté entre 2009 et 2015, tout comme le reste du marché de la dette émergente en devise forte. Deuxièmement, beaucoup d’obligations émergentes ont été dégradées dans la catégorie à haut rendement après que de nombreux émetteurs souverains aient perdu leur statut « investment grade » (par exemple, le Brésil et la Russie) à la suite du « Taper Tantrum ». Ce faisant, de nouveaux émetteurs tels que la compagnie pétrolière nationale brésilienne Petrobras ou des banques turques ont fait leur entrée dans l’indice à haut rendement international.
Figure 7 (left) / Figure 8 (right)
Aujourd’hui, les obligations à haut rendement émergentes représentent 23 % de l’indice BofAML Global High Yield et les perspectives laissent entrevoir une part de plus en plus importante des marchés émergents à l’avenir. Un autre élément intéressant est la composition de l’indice qui révèle que les marchés émergents ne sont pas synonymes de modestes pondérations dans l’indice. Les émetteurs émergents représentent 20 % de la valeur de marché des 150 premiers émetteurs (soit 47 % de l’indice à haut rendement mondial). En outre, Petrobras et la société pharmaceutique israélienne Teva sont respectivement les premier (2,1 %) et cinquième (1,2 %) plus importants émetteurs de l’indice.
Etonnamment, les investisseurs américains évitent néanmoins toujours les marchés émergents avec une exposition estimée à 2,2 % aux obligations à haut rendement émergentes au sein des portefeuilles à haut rendement américains. Mais, cela ne semble pas être dû aux valorisations puisque l’exposition au haut rendement émergent a oscillé entre seulement 2 % et 4 % depuis 2011. Cette sous-exposition s’explique plutôt par le biais géographique et sectoriel des gérants à haut rendement américains et européens. Cela tend à être confirmé par l’importance des expositions aux pays géographiquement proches du pays d’origine (par exemple, le Mexique) ou aux secteurs de portée mondiale (par exemple, les matières premières, les TMT) et vis-à-vis desquels les analystes et les gérants de portefeuille à haut rendement non émergent se sentent plus à l’aise. La perception d’une qualité de crédit inférieure et l’approche « top-down » supplémentaire nécessaire pour analyser les obligations d’entreprises émergentes sont également des facteurs qui pourraient expliquer pourquoi la classe d’actifs demeure sous-représentée.
Pour autant, le risque de défaut des émetteurs à haut rendement émergents (Graphique 9) et les taux de recouvrement ne sont pas pires que ceux de leurs homologues américains et européens. Pour en savoir plus, veuillez cliquer ici : https://bondvigilantes.com/blog/panoramic-outlook/emerging-market-corporate-bonds/. Sur le front des performances, la tendance depuis 2008 suggère que les performances du haut rendement américain et émergent peuvent être très diverses (Graphique 8). A mesure que le haut rendement émergent continue de gagner en taille, l’allocation d’actifs au sein des fonds obligataires à haut rendement internationaux est susceptible de devenir une source beaucoup plus importante des performances futures.
Figure 9.
Obligations d’entreprises émergentes en devise locale : le marché de niche.
Cela pourrait surprendre les investisseurs des marchés développés, mais la taille de l’univers des obligations émergentes en devise locale (d’entreprises et d’État) est presque cinq fois plus importante que celle du marché obligataire en devise forte (Graphique 10). Mais, comme toujours sur les marchés émergents, ne vous laissez pas berner par les apparences. Le marché des obligations d’entreprises libellées en devise locale a été celui qui a enregistré la croissance la plus rapide ; il pèse ainsi aujourd’hui près de 7 800 milliards de dollars, contre 2 200 milliards de dollars pour celui des obligations d’entreprises en devise forte. Toutefois, les marchés des obligations d’entreprises en devise locale demeurent des marchés de niche en raison de deux facteurs principaux : le risque de change et la faiblesse de la liquidité.
Il existe deux types d’obligations d’entreprises émergentes en devise locale : les obligations en devise locale domestiques et internationales.
Les obligations d’entreprises en devise locale domestiques sont des obligations émises localement et soumises aux règles fiscales et réglementaires locales, qui exigent des comptes de dépositaire nationaux. Elles représentent plus de 90 % de l’univers des obligations d’entreprises émergentes en devise locale, dont la moitié est constituée de dette chinoise onshore. Les obligations locales attirent surtout les investisseurs nationaux parce qu’ils n’ont pas à encourir de risque de change. En règle générale, les obligations ont également tendance à offrir un rendement supérieur à celui des obligations souveraines en devise locale et les participants locaux bien avertis (courtiers, négociateurs, investisseurs, analystes) aident à naviguer entre les écueils du marché. A l’inverse, les investisseurs étrangers pourraient trouver difficile d’investir en raison de la fiscalité, du risque de change, du manque de liquidité et de la disponibilité limitée d’informations à l’extérieur du pays.
Figure 10.
Les obligations d’entreprises en devise locale internationales sont des obligations locales dont le règlement intervient via Euroclear lorsque les investisseurs n’ont pas besoin de comptes locaux et qui, en général, sont des obligations non imposables. Elles représentent moins de 10 % de l’univers des obligations d’entreprises en devise locale. Ce marché comprend également des obligations à double devise qui sont des obligations en devise locale dont le règlement intervient dans une devise différente (souvent le dollar américain). Elles sont souvent affublées de noms bizarres, comme par exemple les obligations masala en Inde ou les obligations komodo en Indonésie. Les investisseurs étrangers privilégient généralement ce marché parce qu’il permet de supprimer la pression fiscale. La liquidité demeure néanmoins un obstacle de taille. Environ la moitié des obligations éligibles à Euroclear peuvent prétendre intégrer l’indice en raison principalement du manque de liquidité (absence de valorisation active ou de filtre de taille des obligations). Si l’on prend l’indice LCCD de BofAML comme représentant des émetteurs les plus liquides, l’encours de l’univers « investissable » des obligations en devise locale mondiales s’élevait à seulement 245 milliards de dollars américains. Il ne s’agit là que d’une fraction de l’énorme marché de 7 800 milliards de dollars américains des obligations d’entreprises émergentes en devise locale et la plupart des obligations de l’indice ne verront une certaine liquidité que dans de modeste proportion (à savoir, moins de 1 million de dollars), ce qui contraste fortement avec une liquidité bien meilleure ailleurs au sein de la dette des marchés émergents. Les investisseurs étrangers restent également exposés au risque de change. L’analyse de l’indice révèle que la volatilité de la classe d’actifs est la plus proche de celle des obligations souveraines émergentes en devise locale et plus éloignée de celle des obligations d’entreprises émergentes en devise forte. Cela signifie que le risque de change – par opposition au risque de crédit – est l’un des principaux facteurs de volatilité, tandis que la liquidité est plus faible que celle de l’univers très liquide des obligations souveraines émergentes en devise locale. En outre, le manque de diversification par pays et par devise peut ne pas convenir à tous les portefeuilles. La Chine, le Mexique, l’Afrique du Sud, la Russie, la Malaisie, l’Inde, la Colombie et Singapour représentaient 85 % de l’indice LCCD de BofAML au 15 janvier 2019. Enfin, l’absence d’analyse et de couverture des indices par les agences de notation (28 % de l’indice n’est pas noté) pourrait constituer un obstacle supplémentaire pour les investisseurs étrangers qui, ce faisant, préfèrent favoriser le marché plus diversifié et liquide de la dette des entreprises en devise forte.
Lorsque les Présidents des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne annulent leur voyage au Forum économique mondial de Davos – la Mecque de la mondialisation depuis les deux dernières décennies – en invoquant pour cela des problèmes nationaux, il n’est pas étonnant que les investisseurs s’inquiètent du ralentissement du commerce international, des politiques de repli sur soi et, par voie de conséquence, d’un essoufflement de la croissance mondiale. Les statistiques de cette semaine semblent justifier ces craintes : les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine se sont intensifiées sur fond de spéculations selon lesquelles une réunion avait été annulée ; la Chine a enregistré une croissance de 6,6 % en 2018, le rythme le plus lent depuis près de trois décennies ; les chiffres de l’immobilier résidentiel aux États-Unis se sont révélés peu réjouissants et l’indice Zew du sentiment des investisseurs allemands sur les perspectives économiques du pays est tombé à son plus bas niveau en quatre ans. Le Fonds monétaire international (FMI), qui avertit depuis des mois que le recul du commerce pourrait peser sur les économies, a de nouveau revu à la baisse de 3,7 % à 3,5 % ses prévisions de croissance mondiale en 2019. Cette révision a principalement fait suite au ralentissement de la croissance en Allemagne et en Italie, ainsi qu’à une contraction plus sévère que prévu en Turquie. Le FMI a laissé inchangées à 2,5 % ses prévisions de croissance aux États-Unis pour cette année.
Dans ce contexte, et compte tenu de la correction des marchés intervenue à la fin de l’année dernière, les banques centrales envoient des messages accommodants, en particulier la Réserve fédérale américaine (Fed). Au cours des cinq dernières séances, les anticipations d’une baisse ou du moins d’une stabilisation des taux a contribué à soutenir les actifs risqués, en particulier les émetteurs « investment grade » américains qui ont particulièrement souffert en 2018 en raison de l’abondance de l’offre et de la détérioration de la qualité de crédit. Les spreads des obligations à haut rendement ont continué de se contracter cette semaine, portant ainsi leur baisse à 3,7 % depuis le début de l’année et effaçant du même coup leur hausse de 2 % en 2018 . Après un très bon début d’année, les marchés émergents ont sous-performé cette semaine, sous l’effet de l’appréciation du dollar américain face à la plupart des devises des pays développés et émergents en raison de l’amélioration des perspectives de croissance outre-Atlantique. Les anticipations inflationnistes aux États-Unis, en spirale baissière depuis octobre, ont été révisées à la hausse en janvier après que la Fed ait laissé entrevoir une possible pause dans son cycle de relèvement des taux, laquelle pourrait contribuer à générer de l’inflation. Le prix du pétrole a également soutenu les anticipations d’inflation en bondissant de 45 dollars le baril au début de l’année à 53 dollars.
En hausse :
Crédit – de bonnes affaires après la correction ? La forte hausse des spreads de crédit à l’échelle mondiale l’an dernier a porté les rendements à un niveau qui, selon certains investisseurs, est suffisamment élevé pour compenser le risque pris. Comme l’illustre le graphique ci-dessous, conçu par l’équipe des spécialistes des investissements obligataires de M&G, les principales catégories d’obligations d’entreprises internationales s’établissaient en dessous du niveau moyen d’une fourchette de 20 années (cercle rouge) à la fin 2017. Un an plus tard et après une forte correction, seul le crédit américain se situe à ce niveau de 50 %, tandis que la dette des entreprises libellée en livre sterling et en euro s’établit plus proche de son niveau le moins cher depuis 1999. La moins chère de toutes est la dette notée B (considérée à haut rendement) en livre sterling qui s’établit à seulement 25 % en dessous de son prix le plus bas sur 20 ans, victime des inquiétudes liées au Brexit et des sombres prévisions de croissance européenne. Ces prévisions pèsent également sur le crédit européen – comme le montre la ligne verte qui s’étend plus loin dans le graphique de droite. Des valorisations moins élevées signifient que les investisseurs bénéficient d’un plus grand « filet de sécurité » de la composante crédit de l’obligation : par exemple, pour la dette notée A en euro, qui a un spread de 123 points de base (pb) au-dessus du taux sans risque et une « spread duration » (la sensibilité à l’évolution du spread) de 5,12 ans, le spread devrait s’accroître de 62 pb avant que les investisseurs ne perdent de l’argent (une fois encore, sur la composante crédit de l’obligation). Une telle évolution porterait le spread à 185 pb, un niveau qui n’a été dépassé que deux fois au cours des 20 dernières années : durant la crise financière de 2007-2008 et la crise de la dette souveraine européenne de 2010-12.
Livre sterling et économie britannique – défier la gravité : au plus fort de l’incertitude liée au Brexit, alors même que la sortie prévue de la Grande-Bretagne de l’UE n’est qu’à deux mois à peine et qu’il n’existe toujours pas de plan, le pays a enregistré certaines de ses meilleures statistiques de ces derniers temps : le taux de chômage est tombé à 4 %, un niveau inférieur aux prévisions et le plus bas depuis qu’Abba et les Bee Gees caracolaient en tête du hit-parade britannique (1975). Les salaires ont également augmenté, sous l’effet d’un marché du travail de plus en plus tendu, et la livre sterling s’est appréciée face au dollar américain – elle s’inscrit en hausse de 2,27 % depuis le début de l’année, ce qui en fait la devise des pays du G10 la plus performante face au billet vert. Cet optimisme s’explique par le fait que les investisseurs anticipent un moindre risque d’un Brexit désordonné ou d’autres alternatives telles que des élections législatives ou un second référendum. Toutefois, les obligations indexées sur l’inflation britanniques n’ont quant à elles pas participé à cet élan d’optimisme. En effet, sa baisse de 3,6 % au cours des cinq dernières séances en fait la classe d’actifs obligataire la moins performante des 100 suivies par le point hebdomadaire « Panoramic Weekly » de Bond Vigilantes : la Chambre des Lords a proposé de remplacer l’indice de référence des obligations indexées sur l’inflation par un qui est légèrement inférieur, conduisant ainsi les investisseurs à être moins protégés. Pour de plus amples détails, ne manquez pas l’article du gérant de fonds M&G Ben Lord : « The war of the indices: Which inflation measure to use? ».
En baisse :
Prévisions de relèvement des taux aux États-Unis – La Fed en mode attentiste ? La probabilité implicite du marché d’une hausse des taux par la Fed en mars a littéralement plongé, alors qu’elle était de plus de 60 % il y a encore près de deux mois. Les responsables de la Fed ont publiquement reconnu qu’ils envisageaient de faire une pause dans leur cycle de relèvement des taux d’intérêt en raison du caractère mitigé des statistiques économiques, de la faiblesse prolongée de l’inflation et de la sévère correction des marchés en novembre et décembre 2018, laquelle pourrait peser sur les dépenses de consommation compte tenu de la forte détention d’actifs financiers des ménages américains. Le « shutdown » du gouvernement américain qui dure depuis un mois est également susceptible de freiner l’activité. Dans ce contexte, les obligations d’entreprises signent de solides progressions en janvier, dans l’espoir que leurs taux de rentabilité positifs sur les capitaux investis continueront d’être supérieur aux coûts d’emprunt et que leurs plans d’investissement resteront ainsi rentables. Selon des prévisions économiques, les dépenses d’investissement des sociétés américaines devraient augmenter de 3,7 % cette année, soit plus que toute autre composante du produit intérieur brut (PIB). Comme l’illustre le graphique, les spreads des obligations à haut rendement américaines se sont contractés en janvier en s’alignant ainsi sur la baisse des anticipations à l’égard du relèvement des taux.
Anticipations inflationnistes en Europe – retour à la case départ ? Alors même que la Banque centrale européenne (BCE) s’apprête à mettre fin à ses mesures de soutien de plusieurs milliards d’euros dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif, les anticipations d’inflation ont chuté sous l’effet des sombres perspectives de la région : le FMI a indiqué plus tôt cette semaine qu’un ralentissement de la croissance européenne pèserait sur l’économie mondiale, en particulier à cause de l’Allemagne. En effet, la locomotive économique de l’Europe pâtit de la faiblesse de la consommation privée, ainsi que de la production industrielle suite à l’instauration de normes d’émissions automobiles rendues plus strictes. L’Italie est également aux prises avec une demande intérieure anémique et des coûts d’emprunt plus élevés, tandis que la croissance française est mise à mal par les manifestations continues des « gilets jaunes ». La mesure des anticipations inflationnistes préférée de la BCE, le swap d’inflation à 5 ans dans 5 ans dans la zone euro, est tombé à 1,53 %, son niveau le plus bas depuis juin 2017 et proche de son niveau de mars 2015, lorsque la BCE avait annoncé son programme de soutien.
Après un long examen, la Chambre des Lords britannique a finalement annoncé que l’indice d’inflation actuellement utilisé pour valoriser les titres indexés, les tarifs du transport ferroviaire, ou les prêts accordés aux étudiants, devait être remplacé. À la place, l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) devrait devenir la nouvelle référence en la matière, car il intègre davantage d’éléments et est globalement plus fiable. Jusqu’ici, tout va bien. Sauf si vous êtes un investisseur.
L’institut statistique britannique (« Office for National Statistics » ou ONS) a reconnu les limites de l’Indice des Prix de Détail (IPD) actuellement utilisé, qui a déjà été abandonné en tant que statistique nationale officielle. Mais l’ONS préférerait cependant tenter de l’améliorer. Dans tous les cas, il ne s’agit pas d’un combat entre les Lords et l’ONS, car tout changement relève du pouvoir du ministre des finances, ce dernier étant confronté à cette question depuis un certain nombre d’années.
Nous avons à de nombreuses reprises parlé de l’écart entre l’IPC et de l’IPD (connu sous le nom de « wedge »). Mais juste pour rappel, l’IPD est généralement plus élevé non seulement parce qu’il est calculé à l’aide d’une formule différente, mais surtout parce qu’il intègre une composante immobilière (prix des biens et paiement des intérêts sur emprunts immobiliers), ce qui n’est pas le cas de l’IPC. Sur le long terme, l’IPD a ainsi dépassé l’IPC d’environ 100 points de base (pb), reflétant bien l’envolée du marché immobilier britannique.
Quel est donc le problème de l’IPD ? Pendant longtemps, de nombreux observateurs ont fait valoir que cette différence conduisait à des choix arbitraires d’indices : les dépenses ont ainsi tendance à suivre l’IPC (la mesure la plus basse), tandis que les revenus et les bénéfices suivent une tendance haussière quand ils sont indexés sur l’IPD (mesure la plus élevée). Les emprunts d’État britanniques indexés sur l’inflation suivent l’IPD (mesure la plus élevée). Ainsi, ces titres ont immédiatement chuté lorsque la Chambre Haute a présenté cette semaine sa recommandation : les rendements des « linkers » (ou obligations indexées sur l’inflation) ont bondi pour atteindre leur plus haut niveau depuis novembre, comme le montre le graphique ci-dessous.
La Chambre des Lords a déclaré que le changement de calcul de l’IPD introduit en 2011 et modifiant sa composante habillement devait être abandonné. Cette mesure visait à l’époque à réduire la reconnaissance de prix de certains articles, mais a eu l’effet opposé. Cette première recommandation apparait à la fois aisée et évidente : si la méthode de calcul était modifiée, l’IPD pourrait baisser de 25 pb, et même de 50 pb selon certaines estimations ! Toutes choses égales par ailleurs, cet ajustement conduirait à une baisse des points morts d’inflation (utilisés comme estimation des anticipations d’inflation) de 25 à 50 pb. Un tel mouvement serait très préjudiciable pour les taux réels (les taux réels augmentent quand les anticipations d’inflation baissent). En termes de valorisation, une baisse de 25 à 50 pb de l’IPD entraînerait un recul de l’obligation indexée britannique de maturité 2 068 estimé entre 12 % et presque un quart de sa valeur !
Plus important, la Chambre a également recommandé que les nouvelles émissions de « linkers » soient désormais indexées sur l’IPC et non plus sur l’IPD. Il y a cinq ans, une consultation avait examiné l’abandon de l’IPD, mais l’impact d’une telle mesure aurait été si préjudiciable que la commission décida de ne rien faire. Les points morts d’inflation avaient alors rebondi, traduisant le soulagement du marché. Si le changement intervenait maintenant et que les obligations indexées étaient désormais référencées sur l’IPC, et en supposant un différentiel de 100 points de base avec l’IPD, le prix de l’obligation de maturité 2068 serait quasiment divisé par deux…
Heureusement pour les investisseurs, les grands changements réglementaires sur les marchés financiers ont tendance à être gérés de façon un peu plus subtile : il est davantage probable que le Trésor britannique annonce son intention d’émettre des obligations indexées sur l’IPC qui pourraient coexister avec les titres déjà émis référencés sur l’IPD, tout en cessant d’émettre de nouveaux « linkers » sur l’IPD. Cela prendrait néanmoins un certain nombre d’années. Il faudrait en effet préparer le marché à ce changement pour que l’ensemble des implications soient bien comprises. Après cette revue des Lords et ces années de réflexion, je suis certain que le ministre des finances et le Trésor sont bien conscients qu’une simple bascule de l’IPD vers à l’IPC pourrait avoir un effet similaire aux événements de crédit tant redoutés par les investisseurs (synonyme habituellement d’un changement négatif qui réduit la capacité des émetteurs à rembourser leurs dettes). Les porteurs de ces obligations en sortiraient certainement perdants. Cela ne ferait pas très bonne impression pour un pays présentant un déficit important de son compte courant, le rendant dépendant des capitaux étrangers.
Tout compte fait, je n’anticipe pas de périodes radieuses tant que les questions du différentiel et des nouvelles émissions référencées sur l’IPC restent ouvertes. Cependant, les titres indexés sur l’IPD pourraient se traiter à court terme sur des niveaux plus élevés si leurs nouvelles émissions venaient à disparaitre. Néanmoins, compte tenu de valorisations actuellement tendues (les points morts sont supérieurs à 3 % sur l’ensemble de la courbe), j’anticipe davantage de risque baissier : s’il est vrai que la probabilité d’un « hard Brexit » s’est réduite, une livre sterling plus forte viendrait contrecarrer toute pression inflationniste. La livre sterling se traite encore 12 % en dessous de son niveau pré-référendum de 2016. Elle présente donc un fort potentiel d’appréciation. Mais c’est une autre histoire. Restez connecté à notre blog. Je reviendrai bientôt avec de nouveaux commentaires au fur et mesure des événements. Et on peut être certain qu’il y en aura…
Bien que les marchés mondiaux dépendent plus des communications de la Fed et de la Chine que des politiques britanniques, le président de la Chambre des Représentants du Royaume-Uni a , en annonçant (d’une manière des plus traditionnelles) le rejet du programme du Brexit défendu par le gouvernement, permis de réduire, quoiqu’involontairement, les taux de glycémie en Europe. Les investisseurs en ont déduit que la probabilité d’un départ brutal et désordonné de l’UE était aujourd’hui moins élevée, ce qui a permis à la livre de s’apprécier et aux rendements du Gilt d’augmenter (notamment pour ce dernier grâce à la faiblesse de la demande pour les valeurs refuges, peu impactées par ce tumulte). Avec plus de 90 classes d’actifs obligataires sur les 100 suivies par notre Panorama hebdomadaire qui enregistrent des performances positives, l’année commence sur les chapeaux de roues. Seuls les bons du Trésor américain à échéance lointaine et les actifs traditionnellement les plus solides (tels que les emprunts d’État de Suisse et de Singapour), qui accusent des pertes depuis le 1er janvier, sont peu susceptibles de se joindre aux festivités.
Aux États-Unis, la paralysie actuelle du gouvernement, la publication de statistiques économiques en demi-teinte et les bénéfices mitigés des banques ont incité la Réserve fédérale américaine (Fed) à adoucir récemment le ton, incitant les investisseurs à revoir à la baisse leurs perspectives de hausses de taux : selon les marchés, la probabilité que la Fed relève ses taux en mars a dégringolé et s’élève désormais à 0,5 %, alors qu’elle était de 41 % au début du mois de décembre. Le rebond du pétrole cette année et l’approche rassurante de la Chine dans le cadre de ses programmes de relance économique ont également contribué à soutenir les actifs risqués : les obligations russes, nigérianes et mexicaines ont progressé de plus de 4,2 % depuis le début de l’année, et les spreads des obligations américaines à haut rendement ont continué de se resserrer. Après un point haut de près de 1,5 % au cours d’un mois de décembre particulièrement difficile, les spreads ont fini par retrouver leur niveau de mi-décembre, se resserrant à 446 points de base (pb). L’actualité n’a pas été aussi favorable en Europe. Les statistiques peu encourageantes en Allemagne ont pesé sur les anticipations d’inflation au moment même où la Chine publiait un excédent sans précédent de ses comptes courants. De toute évidence, la baisse du niveau d’appétit pour le risque en Asie pénalise le bastion industriel européen (plus d’informations ci-dessous).
En hausse :
Livre sterling – loin du tumulte : La probabilité que le Royaume-Uni connaisse une pénurie alimentaire et que ses routes s’effondrent s’est amenuisée, apportant un certain répit à la livre dans la mesure où les investisseurs n’envisagent désormais plus une sortie soudaine et chaotique de l’UE. Malgré les nombreuses options qui restent en suspens (élections générales, deuxième référendum, voire annulation du Brexit), la devise britannique s’est renforcée à 1,286 face au dollar, atteignant son niveau le plus élevé depuis le mois de novembre. Un niveau qui reste toutefois de 13 % inférieur à celui enregistré juste avant le référendum de 2016, après une chute de 20 % en perspective d’une hausse de l’inflation et d’un ralentissement de la croissance dans le pays. Comme le montre le premier graphique, la valeur de la livre sterling dépend en grande partie des politiques menées autour du Brexit ces deux dernières années, hormis juste avant Noël, le vote crucial du Parlement ayant été repoussé à ce mardi. Depuis deux années déjà que le gouvernement et le Parlement débattent de l’exécution du Brexit, si la croissance et les investissements ont chuté, l’inflation a quant à elle augmenté (deuxième graphique). Les Britanniques ont au moins une bonne raison de se réjouir : la probabilité induite par les marchés d’un relèvement de taux en mars ne s’élève plus qu’à 3 %, contre 43 % en octobre 2018. Une baisse qui s’explique en grande partie par la chute des cours pétroliers. En décembre, l’inflation a progressé de 2,1 % en glissement annuel, son niveau le plus bas depuis deux ans.
Argentine – en progression : Les taux de défaut traditionnellement élevés, le soutien continu du FMI et la bataille juridique des fonds qui tentent depuis dix ans de recouvrer leurs capitaux ne suffisent pas à dissuader les investisseurs de s’intéresser à l’Argentine. Les obligations du pays ont gagné 7,5 % depuis le début de l’année, signant la meilleure performance des 100 classes d’actifs obligataires suivies.. La banque centrale argentine figure en outre parmi les premières grandes banques à être intervenues cette année. En effet, elle abaisse progressivement le taux de référence « Leliq », désormais à 57,4 % (contre 73 % atteint à l’apogée de la crise du pays en octobre). Embarqué dans une récession et un programme de soutien sévère du FMI, le président Mauricio Macri tente de remettre son pays sur les rails, en particulier à l’approche des élections générales, prévues pour le 27 octobre prochain. Pour davantage d’informations concernant les élections dans les marchés émergents et autres facteurs déterminants pour la classe d’actifs cette année, veuillez consulter l’article de Claudia Calich : « Marchés émergents : 5 questions à surveiller en 2019.»
En baisse :
Une récession pour les États-Unis ? La Fed adoucit le ton, les anticipations liées aux relèvements de son taux directeur et à l’inflation sont en baisse et l’indice de la probabilité d’une récession de la Fed de New York a atteint 21 %, son taux le plus haut depuis 2008. Néanmoins, les spreads de crédit racontent une tout autre histoire : selon Torsten Slok, économiste en chef international à Deutsche Bank, la prime exigée par les investisseurs pour détenir des entreprises américaines Investment Grade doit atteindre 300 pb pour déclencher une récession (comme l’indique le graphique de T. Slok ci-dessous). Un niveau bien supérieur aux 144 pb observés à l’heure actuelle (qui restent relativement proches de la moyenne à 30 ans de 134 pb). T. Slok estime que, si les statistiques du secteur manufacturier suggèrent un scénario peu réjouissant, d’autres facteurs pourraient néanmoins soutenir l’économie américaine, ou tout du moins l’empêcher de sombrer dans une récession (notamment la récente stabilisation des cours pétroliers et boursiers, et la possibilité que le conflit commercial qui oppose les États-Unis à la Chine ait atteint son paroxysme). Si l’on en croit les projections, les dépenses d’investissement devraient continuer d’alimenter la croissance au cours des deux prochaines années, car le taux de rentabilité des capitaux propres est toujours supérieur aux coûts d’emprunt. Aux cours actuels, la Fed maintiendra le statu quo cette année, reportant à plus tard ses intentions de relever par deux fois son taux directeur.
Comptes courants chinois et économie allemande – aucune coïncidence : Avec une progression de 1,5 % cette année, la croissance économique a ralenti en Allemagne, atteignant son rythme le plus faible en cinq ans. Cette baisse s’explique principalement par la faible demande mondiale et les perturbations observées dans l’industrie automobile avec l’arrivée de nouvelles réglementations sur les énergies propres. Parallèlement, la balance courante de la Chine a chuté à seulement 0,4 % du PIB (son niveau le plus bas en 20 ans), reflétant ainsi les efforts du pays visant à privilégier la demande locale au détriment d’exportations bon marché. Les constructeurs automobiles allemands et autres groupes industriels pâtissent de ce revirement, d’autant plus exacerbé par l’escalade des conflits commerciaux l’année passée. Les turbulences en Allemagne ont érodé la confiance générale entourant l’économie de l’Europe, qui affichait en décembre son niveau le plus bas en près de deux ans.
La dette émergente a connu une année 2018 particulièrement houleuse, les risques macroéconomiques mondiaux (contexte géopolitique et guerres commerciales, notamment), le ralentissement de la croissance dans les régions émergentes et les événements spécifiques (Argentine, Turquie) ayant contribué à redéfinir les valorisations relativement élevées de ces marchés au début de l’année. Les cours actuels reflètent-ils mieux les fondamentaux ? La réponse dépendra en grande partie de l’évolution de 5 événements clés.
- Chine/États-Unis – une bonne surprise ? Le conflit commercial qui oppose actuellement ces deux pays constitue un moteur important dans l’évolution des cours des actifs mondiaux dans la mesure où les tensions qui en résultent impactent le commerce international et les résultats des entreprises (dont Apple). Si les discussions actuelles ne mènent nulle part, il est légitime de s’attendre à ce que la croissance mondiale poursuive son ralentissement, impactant potentiellement les marchés émergents, comme nous l’avons démontré l’été dernier dans notre article « How vulnerable are EMs to Trade Wars ? ». Ce conflit tombe à une période difficile pour l’économie chinoise, car le rapport coût/bénéfices d’un nouveau plan de relance est inférieur à son niveau atteint dix ans auparavant compte tenu de la hausse du niveau d’endettement dans le système (l’inflation est une méthode utile pour limiter la dette, mais elle a un coût très élevé sur la compétitivité). Même lors des événements négatifs, les investisseurs ne doivent pas exclure l’émergence potentielle de facteurs positifs : les relations pourraient se stabiliser entre les États-Unis et la Chine cette année, ce qui jouerait en faveur du cours des actifs, et notamment de la dette émergente.
- Réserve fédérale américaine (Fed) – une approche plus accommodante, mais hausse des émissions ? Les marchés ont rapidement intégré dans les cours de nouvelles hausses de taux de la part de la Fed cette année. Néanmoins, l’effondrement des prix du pétrole, l’approche plus accommodante de la Fed et la publication de statistiques en demi-teinte les incitent aujourd’hui à anticiper la fin du cycle de resserrement. Toutefois, en l’absence d’un réel ralentissement aux États-Unis, les cours des bons du Trésor américains semblent refléter à peine les primes de risque, en particulier dans la mesure où l’offre se maintient à de bons niveaux (un facteur habituellement négatif pour les cours obligataires). La dette souveraine américaine devrait rester chère, car les prévisions actuelles tablent sur un déficit budgétaire aux États-Unis et certains acheteurs naturels, tels que les banques centrales, ont récemment diminué leur exposition à cette classe d’actifs. À titre d’exemple, la Chine, qui n’a plus de soldes excédentaires excessifs dans sa balance courante, est moins encline à investir ailleurs ses quelques « dollars en trop ».
- Élections et risques spécifiques – volatilité et opportunités : Plusieurs élections générales sont prévues en 2019 dans l’univers émergent, ce qui pourrait bien entrainer des pics de volatilité et, par conséquent, des opportunités. En ce qui concerne les réactions probables des marchés, le scrutin organisé en Argentine en octobre, pourrait apporter une réponse des plus binaires : le candidat (et actuel président), dont la politique est favorable aux marchés, devrait chercher à se faire réélire (hausse pour les marchés), mais il affrontera vraisemblablement l’ancienne présidente Christina Kirchner (réaction négative probable des marchés si elle est élue), tandis que le parti péroniste espère lui aussi représenter la nation (réaction neutre possible des marchés si le parti décide de poursuite l’ajustement initié par le FMI, et réaction négative s’il y met un terme). D’autres élections prévues en Ukraine (mars), en Indonésie (avril), en Inde (avril/mai) et en Afrique du Sud (mai) pourraient également entrainer une hausse de la volatilité. Dans d’autres pays, les élections importantes étant passées, les regards seront portés sur la mise en place (ou non) des promesses de campagne. Par exemple, nous surveillerons l’évolution de la réforme hautement anticipée sur les retraites au Brésil et attendrons davantage de précisions quant aux politiques économiques promises par le Mexique. Les élections constituent bien entendu un enjeu crucial car les mesures des gouvernements peuvent engendrer ou réduire les risques spécifiques potentiels. Comme toujours dans l’univers émergent, il est de la plus haute importance que ces risques (généralement induits par les pays les moins performants) soient écartés. L’année passée, par exemple, les moins bonnes performances n’ont pas été attribuées à aucune des thématiques considérées comme courantes, mais plutôt à des questions spécifiques et idiosyncratiques telles que les importants besoins de financement en Argentine, l’effondrement des cours pétroliers (Nigéria, Équateur et Venezuela) ou encore l’ajustement budgétaire peu convaincant en Zambie et au Costa Rica.
- Matières premières – symptôme ou cause ? Contrairement à l’idée répandue selon laquelle il existe un lien étroit entre le pétrole et les marchés émergents, la sensibilité aux prix du pétrole est plutôt inégale parmi ces régions. Dans le cas d’une hausse du pétrole, la Turquie, l’Inde et autres importateurs observeront une dégradation de leur balance courante, tandis que le Moyen-Orient et autres exportateurs de pétrole émergents (Russie et Nigéria, par exemple) connaîtront une amélioration de leurs soldes. Par conséquent, la volatilité des prix du pétrole devrait permettre des performances diverses et variées parmi les actifs. D’un autre côté, la baisse marquée des matières premières à base de métaux implique la plupart du temps un impact négatif sur la majorité des marchés émergents, non seulement en raison de leur statut d’exportateur, mais aussi parce qu’elle indique souvent un affaiblissement de la demande de la part des importateurs (à l’instar des grands consommateurs tels que la Chine) et, par conséquent, un ralentissement de la croissance mondiale. Le ralentissement observé sur le marché de l’immobilier en Chine a par exemple pénalisé les prix de l’acier et du minerai de fer à l’échelon mondial.
- Fondamentaux des entreprises – une nouvelle éclaircie ? Les faibles taux de défaut et l’amélioration des conditions de crédit des sociétés émettrices ont positivement marqué les marchés émergents au cours de l’année écoulée (pour plus d’informations, consultez l’article de Charles de Quinsonas « Emerging Markets High Yield: is there value after the sell-off? »). Les solides résultats et la maîtrise des dépenses d’investissement ont permis une réduction des niveaux de dette nette tout au long de l’année : à fin juin (dernières données disponibles), l’endettement net des entreprises émergentes était inférieur à 2,75 fois les bénéfices (contre 3,5 fois les bénéfices lors du pic de 2016). Pour cette nouvelle année, les fondamentaux devraient selon nous commencer à se stabiliser et les taux de défaut des obligations émergentes à haut rendement devraient s’accélérer légèrement en passant de 2 à 3 % (ils étaient inférieurs à 2 % en 2018) en raison de fondamentaux macroéconomiques plus difficiles dans certains pays, comme en Turquie, en Chine ou encore en Argentine. Les taux de défaut devraient cependant rester en-deçà de leur moyenne historique.
Ainsi, si les risques macroéconomiques mondiaux ne devraient pas reculer en 2019, le rendement offert par la dette émergente (près de 7 % pour les obligations souveraines en dollar américain) est à son niveau le plus haut depuis la crise financière mondiale de 2007/2008, renforçant ainsi les perspectives d’une amélioration des performances par rapport à l’année écoulée. En réalité, depuis 1994, les obligations libellées en devise forte n’ont jamais connu de performances négatives sur deux années consécutives.
La dette locale est une autre affaire. Les ajustements des devises s’étendent généralement sur plusieurs années selon le cycle économique, la politique monétaire et les perspectives liées à la balance des paiements. Néanmoins, si l’on prend en considération les valorisations, l’ajustement de la balance courante qui a été opéré dans de nombreux pays et la hausse des rendements réels, nous pensons que la correction de la dette en devise locale est dans sa plus grande partie derrière nous. La dette en devise forte ayant également perdu de sa valeur, nous restons cependant neutres dans notre allocation devise forte vs. devise locale. 2019 apportera son lot d’opportunité dans ces deux classes d’actifs.
Le scénario économique dit « Boucle d’or », l’un des préférés des investisseurs, semble être de retour en 2019 après avoir quasiment disparu en 2018 : un solide rapport sur l’emploi aux États-Unis et des commentaires accommodants du président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jerome Powell, ont fait réapparaître l’environnement ni trop chaud ni trop froid qui allie des taux relativement bas à une croissance économique suffisamment vigoureuse. Ce contexte a bénéficié aux actifs risqués. Par exemple, les spreads des obligations à haut rendement américaines se sont contractés de 80 points de base (pb) depuis le début de l’année, après s’être élargis de plus de 1 % au cours d’un sinistre mois de décembre. Les actions se sont envolées.
Ce regain d’optimisme a principalement fait suite aux propos de Jerome Powell qui a déclaré vendredi que la Fed allait se montrer patiente dans le cadre du relèvement de ses taux dans la mesure où l’inflation reste modérée. Les marchés ont fortement réagi : les prévisions d’une hausse des taux par la Fed en mars ont chuté à 5 %, contre 41 % il y a un mois, tandis que les anticipations inflationnistes et le dollar ont baissé. Ces facteurs positifs ont bénéficié aux marchés émergents et à leurs devises qui ont eux aussi rebondi, sous l’effet également des nouvelles mesures d’assouplissement de la politique monétaire chinoise, et en dépit du caractère décevant des statistiques de la deuxième puissance économique de la planète : les indices des prix à la production et à la consommation en Chine sont ressortis inférieurs aux attentes en décembre. En Europe, les statistiques décevantes en provenance d’Allemagne ont pesé sur l’euro, qui est resté stable face à un dollar en baisse.
En hausse :
Filet de sécurité – la correction du crédit accroît la marge d’erreur : certes douloureuse, la récente correction des marchés du crédit permet toutefois d’offrir aux investisseurs un plus grand « filet de sécurité » avant de perdre de l’argent : selon le gérant de fonds de M&G, Wolfgang Bauer, les spreads des obligations d’entreprises « investment grade » européennes à court terme devraient s’élargir de 40 pb cette année avant de se traduire par des performances négatives pour les investisseurs. Ce filet de sécurité, calculé en divisant l’écart entre l’OAS/le Libor de l’indice par sa « spread duration », était encore inférieur à 10 pb il y a à peine un an, un niveau qui reflétait pratiquement un scénario parfait. Comme l’illustre le graphique, le filet s’est agrandi suite à la baisse des marchés, en particulier au lendemain des élections de mai en Italie qui ont suscité des inquiétudes liées à l’avenir de l’UE. Cette marge de sécurité a désormais atteint son plus haut niveau en près de deux ans et est environ quatre fois plus élevée qu’il y a un an. Toutefois, selon Wolfgang Bauer, les obligations d’entreprises européennes sont toujours sensibles à la volatilité politique et à l’abondance de l’offre (un élément généralement négatif pour les cours des obligations). Les statistiques en Europe se sont elles aussi révélées décevantes, même si la croissance économique devrait encore s’établir à +1,6 % cette année et à +1,5 % en 2020 (contre +1,9 % en 2018). Ne manquez pas la revue des marchés du crédit de Wolfgang Bauer : « Self-check: how did we do in our 2018 predictions? »
Le dollar américain et le prix du pétrole – rendent perplexe la Fed : la forte corrélation entre le prix du pétrole et le dollar américain au cours de la dernière décennie a surpris de nombreux investisseurs, en particulier la Fed. Dans son récent article « The perplexing co-movement of the dollar and oil prices », la Banque centrale américaine s’interroge sur la logique de la faiblesse du dollar face à l’euro lorsque le prix du pétrole augmente. Selon les blogueurs, une hausse de 10 % du prix du pétrole va de pair avec une dépréciation de 1,5 % du dollar face à l’euro, ce qui n’est pas toujours logique dans la mesure où le prix du pétrole est souvent déterminé par la demande en Asie et la production au Moyen-Orient. Pourquoi cela influerait-il sur le taux de change USD/EUR ? Une explication, avance la Fed, est que l’augmentation du prix réduit la production américaine prévue par rapport à celle de l’Europe, entraînant ainsi une dépréciation du dollar. Cela est dû au fait que l’Europe a tendance à taxer plus lourdement les carburants, ce qui rend les consommateurs européens moins sensibles aux prix du pétrole. Toutefois, la Fed admet qu’il est difficile d’imaginer que le volume des embouteillages sur les routes européennes influence bel et bien le taux de change USD/EUR. La Banque centrale laisse cette question sans réponse – au même moment où le prix de l’or noir augmente et le billet vert se déprécie.
En baisse :
Les anticipations inflationnistes aux États-Unis – influencées par Powell : la récente assurance du président de la Fed, Jerome Powell, selon laquelle la Banque centrale demeure subordonnée aux statistiques, attentive aux réactions du marché et pleinement consciente de l’incapacité de l’inflation à sensiblement s’accélérer, a refroidi les anticipations inflationnistes outre-Atlantique. Egalement pénalisée par la récente baisse du prix du pétrole, la mesure préférée de la Fed en matière d’anticipations inflationnistes – le point mort d’inflation à cinq ans (ligne bleue) – a plongé à 1,75 %, soit son plus bas niveau depuis juin 2017. Ce chiffre est nettement inférieur aux prévisions de la hausse des prix à la consommation du pays (ligne orange en pointillé), une moyenne des indications de plusieurs analystes qui s’attendent actuellement à une inflation de 2,4 % en 2018, avant un ralentissement à 2,2 % en 2019 et 2020. Comme le montre le graphique, l’écart grandissant entre les deux grandeurs rompt une étroite corrélation au fil des années. Pour certains observateurs, la raison en est que les prévisions d’inflation des analystes sont irréalistes, tandis que pour d’autres, les points morts d’inflation, ou les anticipations du marché, sont trop pessimistes compte tenu que l’économie américaine devrait encore signer une croissance économique de 2,6 % cette année et de 1,9 % l’an prochain. Comme toujours, les anomalies de valorisation sont précisément ce que recherchent les investisseurs actifs – à condition qu’ils aient raison.
Allemagne – en récession ? Le rendement du bund allemand à 10 ans s’établit à nouveau à 0,2 %, après avoir atteint un plus bas niveau en deux ans de 0,15 % au début de l’année. Cependant, cette fois-ci la baisse du rendement pourrait être due à toutes les mauvaises raisons du monde plutôt qu’à la demande de titres refuges : la production industrielle a diminué pour le troisième mois consécutif en novembre, accusant ainsi désormais un recul de 4,7 % en rythme annuel et son plus fort repli depuis 2009. Cette situation fait naître la crainte de voir la première puissance économique européenne basculer dans la récession. L’industrie allemande a notamment été affectée par le ralentissement du commerce international et de l’économie chinoise – les ventes de voitures en Chine ont chuté de 6 % en 2018.
La nouvelle année a débuté par un rappel brutal de tout ce que les investisseurs voulaient probablement oublier pendant la période des Fêtes : les statistiques économiques se détériorent tandis que le prix du pétrole continue de baisser, entraînant dans leur sillage les actions et les classes d’actifs obligataires dont les caractéristiques sont les plus proches de celles des actions. Les valeurs refuges traditionnelles continuent de s’apprécier, comme elles ont commencé à le faire en 2018.
L’année écoulée s’est terminée bien plus mal qu’elle n’a commencé : après une année 2017 marquée par une forte croissance ayant permis à la plupart des secteurs obligataires de s’inscrire en hausse, les premiers espoirs entrevus en 2018 se sont rapidement estompés en raison de l’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine et les élections italiennes du mois de mai, qui ont soulevé des questions sur l’avenir de l’Union européenne (UE). Les craintes d’un Brexit « dur » ont également pesé sur les perspectives économiques de l’Europe et, dès lors, les spreads de crédit se sont élargis pour atteindre des niveaux supérieurs à ceux des États-Unis pour la première fois depuis plusieurs années. La croissance chinoise a continué de ralentir tandis qu’aux États-Unis, l’optimisme a commencé à s’évanouir du fait de la hausse des taux d’intérêt, des statistiques économiques décevantes et de la chute du prix du baril de pétrole sous les 50 dollars, dans un contexte de recul des prévisions de la demande. Les projections de bénéfices des entreprises américaines ont également été revues à la baisse, les effets des récentes réductions d’impôts ayant commencé à s’estomper. Le taux de référence mondial des bons du Trésor américain à 10 ans, qui a atteint son plus haut niveau en 7 ans à 3,2 % l’année dernière, a marqué le pas après que les démocrates ont pris le contrôle de la Chambre des représentants suite aux élections de mi-mandat de novembre. Les investisseurs ont estimé que leur victoire réduisait la probabilité de nouvelles incitations fiscales de la part de Donald Trump. Depuis, le rendement des bons du Trésor à 10 ans est en baisse continue et a clôturé 2018 à 2,66 %.
En dépit du pessimisme ambiant, près d’un tiers des 100 classes d’actifs obligataires suivies par notre Panorama hebdomadaire ont enregistré des performances positives l’an dernier, sous l’impulsion des traditionnelles valeurs refuges comme les Bunds allemands ou les bons du Trésor américain. Compte tenu du ralentissement de la croissance mondiale et la situation de la dette à l’échelle planétaire qui a atteint le chiffre alarmant de 225 % du PIB mondial, les investisseurs pensent que certaines banques centrales pourraient être amenées à revoir à la baisse leurs projections de hausse des taux, ce qui constituerait un soutien plus important pour les prix des obligations. Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, leur a déjà donné raison en décembre – la Fed prévoit désormais deux hausses de taux cette année, au lieu de trois. L’équipe en charge du Panorama hebdomadaire de M&G vous souhaite une très bonne année 2019.
En hausse :
Valeurs refuges – à la fois le pire et le meilleur moment : En 2018, les bons du Trésor américain, les emprunts d’État européens et la dette souveraine japonaise se sont comportés comme à leur habitude : ils ont généré des performances positives qu’il pleuve ou qu’il vente. Si les marchés des obligations d’entreprises et les pays en voie de développement ont souffert de la hausse des taux d’intérêt, de l’appréciation du dollar, des guerres commerciales qui font rage et du ralentissement de la croissance économique mondiale, les valeurs refuges traditionnelles ont tenu bon. Les bons du Trésor n’ont enregistré des performances annuelles négatives que deux fois ces 18 dernières années (2009 et 2013), contre une fois seulement pour les emprunts d’État européens et japonais (2006 et 2003, respectivement) sur la même période. Les obligations souveraines ont bénéficié de la période prolongée de faible inflation, un contexte qui pourrait se poursuivre à l’avenir compte tenu de la chute récente des prix du pétrole. L’affaiblissement de la croissance et l’augmentation de la dette mondiale pourraient également dissuader les banques centrales de resserrer davantage leurs politiques monétaires : selon les données de Bloomberg, 5 des 19 grandes zones économiques (États-Unis, Mexique, République tchèque, Japon et Corée) prévoient une baisse des taux d’ici trois ans, contre aucune il y a à peine deux mois. Sur le marché des changes, les devises refuges ont également surperformé, principalement le dollar américain et le yen. Comme dirait Charles Dickens, pour les valeurs refuges c’était (c’est actuellement ?) à la fois le pire et le meilleur moment ; c’était l’âge de la sagesse, c’était l’âge de la folie….
Les emprunts d’État chinois et la politique monétaire accommodante de la Chine – cherchez l’intrus : La dette souveraine chinoise libellée en USD a rapporté 3,8 % aux investisseurs en 2018, soit la troisième meilleure performance parmi les 100 classes d’actifs obligataires suivies par notre Panorama hebdomadaire. Cette hausse intervient en dépit d’un ralentissement de la croissance économique, qui s’établit désormais à un rythme annualisé de 6,5 %, contre 6,9 % l’année dernière. L’indice PMI manufacturier chinois a chuté à 49,4 en décembre, son niveau le plus faible depuis 2016, passant ainsi sous le seuil de 50 qui indique une contraction. Pourtant, les politiques de relance du gouvernement chinois, et notamment la réduction des réserves obligatoires des banques, continuent de soutenir l’économie et le marché obligataire. Toujours principalement entre les mains d’investisseurs locaux, la dette chinoise est de plus en plus accessible aux investisseurs étrangers via le programme Bond Connect, et pourrait faire l’objet d’une demande accrue suite à son inclusion dans certains indices de référence Bloomberg Barclays en avril de cette année. Dans le contexte actuel de hausse des taux d’intérêt mondiaux, les investisseurs se tournent favorablement vers un pays qui a globalement opté pour une politique d’assouplissement.
En baisse :
Cycle économique – en phase de récession ? Étant donné que la dernière récession remonte désormais une décennie en arrière et que la théorie économique suggère que les cycles économiques ont tendance à durer une dizaine d’années, les investisseurs sont naturellement inquiets – ce qui explique qu’ils privilégient les actifs refuges aux actifs risqués. Mais plus que le timing, c’est la nervosité qui contraste parmi les autres signaux : vers la fin de la phase d’expansion d’un cycle économique, le rythme de croissance est généralement supérieur à sa tendance à long terme mais il commence à ralentir. Aux États-Unis, par exemple, la croissance devrait chuter à 2,6 % cette année et à 1,9 % en 2020, contre 2,9 % en 2018. Cette phase « d’expansion tardive » se caractérise également par des politiques restrictives (que l’on observe dans le monde entier, la politique des banques centrales basculant de l’assouplissement quantitatif vers le resserrement quantitatif) et par une hausse de l’inflation (aux États-Unis, l’inflation devrait atteindre 2,4 % en 2018, contre 2,1 % en 2017). Les taux d’intérêt sont généralement plus élevés (le taux des bons du Trésor à 2 ans, qui est de facto le taux d’actualisation utilisé à travers le monde, est passé de 1,8 % à 2,49 % en 2018), ce qui entraîne une volatilité du cours des actions (l’indice S&P 500 a chuté de 6,2 % l’an dernier). Si cette notion « d’expansion tardive » correspondait bien en 2018, la prochaine phase de « ralentissement » pourrait intervenir en 2019, phase durant laquelle on observe généralement : une croissance plus lente (déjà prévue), un plafonnement de la confiance des ménages (il s’agit d’un indicateur tardif puisque les consommateurs attendent généralement d’être face à des statistiques économiques en berne avant de réfréner leurs achats), un ralentissement des politiques restrictives (le président de la Fed, Jerome Powell, pourrait déjà l’avoir signalé dans son discours de décembre, au ton accommodant) ainsi qu’une hausse de l’inflation (également d’actualité aux États-Unis). Dans ce contexte, les rendements obligataires à long terme ont tendance à chuter, les investisseurs ne tenant pas compte du ralentissement, tandis que les actions souffrent des anticipations à l’égard d’une récession future, qui serait la prochaine étape. Comme d’habitude, les opinions divergent : alors que la Fed prévoit deux hausses de taux l’an prochain et un resserrement supplémentaire en 2020, les marchés n’anticipent aucun relèvement cette année, mais des relèvements par la suite. Personne ne sait ce que l’avenir nous réserve mais, au cours des dernières années, les prévisions des marchés se sont révélées plus précises que celles de la Fed.
Année difficile pour les marchés émergents : Le marché de la dette souveraine des marchés émergents libellée en USD a cédé 4,3 % l’an dernier, soit sa troisième performance annuelle négative au cours des 18 dernières années (après 2008 et 2013). La classe d’actifs a également généré une performance annuelle à deux chiffres à 10 reprises, ayant bénéficié d’une forte croissance mondiale au début des années 2000, tout en demeurant relativement insensible à la crise financière de 2007-2008 en raison de ses difficultés bancaires limitées. Mais en 2018, elle a subi de plein fouet l’appréciation du dollar, la chute des prix du pétrole (qui a frappé les poids lourds des pays émergents exportateurs de pétrole comme le Brésil, le Mexique ou la Russie), les guerres commerciales et les problématiques spécifiques à l’Argentine et à la Turquie. Ce sont les pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Amérique latine qui ont été les plus durement touchés, l’Europe de l’Est et l’Asie ayant mieux résisté. Certains investisseurs estiment que le sort des marchés émergents pourrait changer cette année, car les « déficits jumeaux » aux États-Unis pourraient contenir toute hausse du dollar, tandis que la croissance mondiale devrait rester positive, quoique modérée. Certains pensent également que grâce à leurs rendements de 6,8 %, soit leur niveau le plus élevé depuis 2009, le risque pourrait être compensé.