2018 : la fin du « QE »
C’est enfin arrivé. Dix ans après l’éclatement de la crise financière mondiale, nous sommes arrivés à un point où la croissance économique mondiale synchronisée est plus qu’une chimère et où la perspective de voir les banques centrales mettre progressivement fin à leurs extraordinaires politiques monétaires ultra-accommodantes de la dernière décennie est enfin une réalité.
Ces derniers mois, le caractère solide et synchronisé de la croissance économique mondiale a suscité beaucoup d’enthousiasme. Toutefois, il convient de ne pas feindre d’ignorer les risques qui subsistent. Le plus important d’entre eux est l’inflation (ou l’absence d’inflation). A l’exception notable du Royaume-Uni, où la baisse de la livre sterling après le référendum sur le Brexit a propulsé l’indice des prix à la consommation jusqu’à 3 % ces derniers mois (se reporter à l’encadré intitulé « Brexit = incertitude économique et incertitude politique »), les médias ont plus fait état d’un ralentissement que d’une l’accélération des tendances inflationnistes (se reporter à l’encadré intitulé « L’inflation : toujours aux abonnées absentes »).
Des perspectives globalement prometteuses
Malgré la vigueur de l’économie américaine, l’inflation est restée faible outre-Atlantique. Janet Yellen, la présidente sur le départ de la Réserve fédérale américaine, a d’ailleurs qualifié de mystère la faiblesse de l’inflation en 2017. Les investisseurs obligataires sont divisés sur la question : cette faiblesse est-elle révélatrice de facteurs temporaires ou de quelque chose de nature plus structurelle ? Si elle est plus structurelle, la Réserve fédérale devrait alors s’inquiéter car la politique monétaire ne peut pas faire grand-chose pour lutter contre des forces déflationnistes telles que la mondialisation, la démographie et les avancées technologiques.
Je pense que les arguments avançant que les récents faibles taux d’inflation reflètent des facteurs transitoires et certaines évolutions positives du côté de l’offre semblent valables. Par exemple, l’augmentation des coûts des soins de santé à la suite de l’entrée en vigueur de l’Obamacare a été plus faible que prévu, tandis que le lancement de forfaits Internet illimités par les opérateurs de téléphonie mobile a fait apparaître dans les statistiques officielles une forte baisse des prix. En 2018, un marché du travail tendu devrait favoriser la croissance des salaires, tandis que la possibilité d’une baisse des taux d’imposition des sociétés pourrait encourager une hausse de l’investissement au niveau national et international.
Je m’attends à ce que le Federal Open Market Committee (FOMC) sous la houlette de son nouveau président, Jerome Powell, continue à normaliser progressivement les taux d’intérêt en 2018. Les valorisations des marchés suggèrent un point de vue similaire, même si les anticipations à l’égard du taux des fonds fédéraux à la fin de l’année 2018 sont inférieures d’environ 50 points de base à la médiane des projections du FOMC (Graphique 1).
La valeur des investissements, et des revenus qui en découlent, peut fluctuer à la hausse comme à la baisse. Les investisseurs peuvent donc ne pas récupérer leur montant initialement investi.
Tout change à la Fed ?
Le Président Trump a confirmé en novembre que Jerome Powell remplacera Janet Yellen à la tête du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale à compter de février 2018. Que peut-on donc attendre du 16ème président de la Réserve fédérale – le premier non-économiste à la diriger depuis 1979 ? Même si le parcours de Jerome Powell diffère de la norme, on ne s’attend pas à ce que ce soit le cas de sa politique monétaire. Le peu de réaction du marché obligataire le jour de l’annonce souligne son statut de choix du « statu quo ». Si d’autres candidats, John Taylor ou Kevin Warsh, avaient été nommés, le marché obligataire aurait pu s’orienter à la baisse en prévision d’un cycle de resserrement plus agressif de la Fed et d’une réduction plus rapide du « QE » que Janet Yellen et le Conseil actuel – dont Powell fait partie – l’ont laissé entendre. En effet, l’année 2017 a marqué la cinquième année de Jerome Powell au Conseil des gouverneurs et, au cours de cette période, il s’est montré favorable à une hausse graduelle des taux d’intérêt en votant systématiquement conformément au consensus établi par Janet Yellen.
Toutefois, compte tenu de l’expérience du secteur privé de Jerome Powell, il n’est pas exagéré de présumer qu’il est peut-être plus porté sur une réglementation financière moins stricte (chose que Trump défend depuis longtemps) que certains de ses prédécesseurs. Par exemple, en ce qui concerne la règle Volcker (qui régit la capacité des banques à spéculer avec les dépôts des particuliers), Jerome Powell a déclaré dans un discours prononcé en octobre que « il existe une grande marge de manœuvre pour s’attaquer au problème » et que, sur le plan de la réglementation, « on peut le faire plus efficacement ». Cela pourrait avoir été relevé par le marché : depuis l’annonce de la nomination de Jerome Powell, les écarts de swap à long terme aux États-Unis, bien que toujours négatifs, sont effectivement revenus en territoire positif, ce qui suggère que le marché a peut-être commencé à intégrer dans les cours la perspective d’un environnement réglementaire plus accommodant.
Source de l’image : par Federalreserve – powell_jerome_060512_8x10, domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=47401664.
Des surprises positives en provenance d’Europe
La croissance économique globale de l’Europe a été la surprise de 2017. De nombreux indicateurs d’activité sont proches de niveaux record, la confiance des ménages est au beau fixe et le taux de croissance au troisième trimestre (2,5 % en année glissante) a été le plus élevé en 10 ans. Des difficultés subsistent, telles que le niveau des créances douteuses au sein des systèmes bancaires italien et espagnol, mais même celles-ci commencent à montrer des signes d’amélioration.
La Banque centrale européenne (BCE), sous la direction de Mario Draghi, peut à juste titre se prévaloir d’une contribution significative à cette embellie. Sa politique monétaire extrêmement accommodante a permis au système financier de guérir et a donné aux entreprises et aux consommateurs la confiance nécessaire pour investir et dépenser. Il est important de noter que la BCE a indiqué qu’elle maintiendrait le caractère très accommodant de sa politique monétaire en annonçant une prolongation de l’assouplissement quantitatif (« QE ») jusqu’en septembre 2018, bien qu’à un montant réduit de 30 milliards d’euros par mois. Comme aux États-Unis, les niveaux d’inflation en 2017 ont été obstinément bas et il n’y a actuellement que peu de signes d’un retour vers son objectif de près de 2,0 %.
En novembre, le Comité de politique monétaire (CPM) de la Banque d’Angleterre est revenu sur sa baisse des taux d’urgence qu’il avait décidée au lendemain du référendum sur le Brexit. Il pourrait bien s’agir d’un ajustement unique. En effet, le relèvement des taux est difficile à justifier compte tenu de l’incertitude politique persistante qui entoure le Brexit et de la lenteur des négociations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE). Nous nous attendons à voir davantage de signes de ralentissement des investissements, de détérioration de la confiance des ménages et d’accès de faiblesse de la conjoncture économique à moins qu’un accord sérieux ou transitoire ne puisse être conclu sur les futures relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’UE – dont les discussions peuvent enfin débuter maintenant que les deux parties ont conclu un accord de dernière minute lors de la première phase de négociations sur le « divorce » au début du mois de décembre. Toutefois, le CPM a clairement une opinion différente et s’inquiète du fait que le niveau limité des capacités inutilisées au sein de l’économie risque d’entraîner une hausse des salaires et une inflation supérieure à l’objectif. La bonne nouvelle est que cette hausse unique de 25 points de base aura un effet limité sur l’économie réelle. La politique monétaire demeure extrêmement accommodante, les taux d’intérêt réels sont négatifs et le bilan de la Banque centrale est encore important.
La quatrième puissance économique mondiale, le Japon, connaît actuellement sa deuxième plus longue expansion économique (sept trimestres successifs) depuis la Seconde Guerre mondiale. Comme en Europe, la Banque du Japon poursuit une politique monétaire ultra-accommodante et s’emploie à dépasser son objectif d’inflation de 2 %. Par conséquent, il est peu probable que la Banque modifie sa politique actuelle consistant à fixer le taux d’intérêt à court terme à -0,1 % et le rendement de l’emprunt d’État japonais à 10 ans à environ 0 %.
En Chine, la Banque populaire de Chine (PBoC) va chercher à atténuer les risques systémiques, laissant ainsi entrevoir un resserrement de la politique monétaire en 2018. L’accent mis lors du Congrès du Parti communiste en 2017 (un événement qui se produit une fois tous les cinq ans) sur la qualité de la croissance économique signifie que les efforts politiques continus visant à contrôler les niveaux d’endettement et à éviter la surchauffe du secteur immobilier résidentiel pourraient peser sur l’investissement public et résidentiel. Pour autant, la croissance semble devenir plus autonome grâce à une consommation et une demande extérieure vigoureuses. Je m’attends à ce que la Chine continue de contribuer de façon significative à la croissance économique mondiale et des pays émergents en 2018.
Jusqu’à quel point les taux peuvent-ils augmenter ?
De nombreux économistes ont attribué la lenteur de la croissance observée au cours de la reprise économique à un cycle de désendettement à l’échelle mondiale visant à réduire les niveaux d’endettement devenus insoutenables. Aussi, 10 ans après la crise financière mondiale (ainsi qu’une crise de la dette européenne et une crise pétrolière), où en sommes-nous dans ce cycle mondial de désendettement ?
Le Graphique 2 illustre l’évolution des niveaux d’endettement au cours des dernières années au sein des plus grandes économies développées et émergentes. Après avoir culminé en 2009, le niveau d’endettement total a légèrement diminué avant d’augmenter à nouveau à 324 % du produit intérieur brut (PIB) mondial aujourd’hui. Il montre également que, en dépit du modeste cycle de désendettement intervenu dans les pays développés au cours des dix dernières années (principalement en raison du désendettement du secteur bancaire), la majeure partie de l’augmentation récente du niveau d’endettement mondial a été attribuable aux pays émergents (notamment à cause des entreprises publiques chinoises). Cette augmentation ininterrompue des niveaux d’endettement à l’échelle mondiale signifie que – toutes choses égales par ailleurs – le point culminant des taux d’intérêt pour ce cycle économique dans la plupart des pays développés sera probablement plus bas que dans le passé.
Un autre indicateur clé de la viabilité des niveaux d’endettement mondiaux est le taux d’intérêt moyen payé sur cette dette. A cet égard, les politiques monétaires extrêmement accommodantes observées dans la plupart des pays développés ont permis à de nombreux gouvernements d’alléger quelque peu leur dette. Le Graphique 3 montre que cinq années caractérisées par un taux de rémunération des dépôts de la BCE nul ou négatif ont considérablement aidé les pays « périphériques » européens à réduire le coût du remboursement de leur dette publique. L’Espagne, par exemple, a pu ramener le coupon moyen qu’elle paie sur sa dette d’environ 4,5 % il y a trois ans à environ 3,4 % aujourd’hui.
En supposant que le programme de « QE » de la BCE contribuera à maintenir les rendements des emprunts d’État à de bas niveaux, nous pensons que le coût de la dette de l’Espagne pourrait encore diminuer en 2018. Son gouvernement a également profité de la faiblesse des taux d’intérêt pour allonger l’échéance moyenne de sa dette de 7,5 ans en 2012 à environ 9 ans aujourd’hui, ce qui l’aidera à se protéger des futurs relèvements des taux d’intérêt ou des futures hausses des rendements.
De même, la nature de la dette, telle que des coupons à taux fixe ou variable, doit également être prise en compte. Les ménages américains sont sans doute beaucoup moins sensibles à la hausse des taux d’intérêt que les ménages britanniques dans la mesure où la plupart des prêts hypothécaires outre-Atlantique sont assortis de taux fixes à long terme.
Le fait que la Fed va devoir continuer à relever ses taux pour resserrer sa politique monétaire se reflète dans l’évolution observée en 2017 du rendement de l’emprunt d’État américain à 2 ans qui est passé de 1,1 % à près de 1,8 %. Ce qui est plus surprenant est l’extrême résistance dont ont fait preuve les rendements à plus long terme des emprunts d’État : le rendement de l’emprunt d’État à 10 ans va clôturer l’année 2017 à peu près au même niveau qu’il l’a commencée. Cette combinaison d’une hausse des rendements à court terme et d’une stabilité des rendements à long terme a entraîné un aplatissement considérable de la courbe des emprunts d’État américains en 2017 (Graphique 4).
Historiquement, un aplatissement de la courbe des taux laisse entrevoir un ralentissement économique (la courbe des taux s’est inversée avant chacune des sept dernières récessions outre-Atlantique). Dans la mesure où la Fed pourrait à nouveau relever ses taux à deux reprises au moins en 2018, la courbe pourrait en effet bien s’inverser si les rendements à plus long terme restent si bien ancrés.
La forme actuelle de la courbe des taux d’intérêt laisse-t-elle entrevoir une récession imminente aux États-Unis ? Pas nécessairement. La demande soutenue et persistante d’emprunts d’État à long terme s’explique au moins en partie par d’autres facteurs structurels importants tels que le ralentissement de la croissance de la productivité, la baisse des taux d’inflation et le vieillissement de la population mondiale. D’un point de vue plus technique, la réduction très progressive de la taille du bilan de la Fed, la récente annonce du Trésor américain de la vente de davantage d’emprunts d’État à court terme et les achats d’instruments à plus long terme par les sociétés américaines pour préfinancer leurs engagements de retraite en prévision des réformes fiscales ont probablement également accéléré le récent aplatissement de la courbe des taux.
Etant donné que ces influences techniques pourraient s’atténuer et que la réduction de l’écart de production au niveau mondial pourrait également entraîner une accélération de l’inflation, nous pensons qu’il pourrait y avoir des pressions baissières sur les cours des emprunts d’État américains à long terme (voire même britanniques ou européens) au cours des mois à venir. Pour ces raisons, nous continuons de considérer que de nombreux emprunts d’État à long terme sont plutôt chers à leurs niveaux actuels.
L’année de la grande réduction du « QE »
Il s’agit peut-être d’une poursuite du statu quo avec une Fed dirigée par Jerome Powell, mais cela ne veut pas pour autant dire que rien ne va changer. En effet, 2018 va être la grande année de la réduction de la taille du bilan et du programme de « QE ».
Près de 10 ans après l’éclatement de la crise financière mondiale, la Fed a annoncé le coup d’envoi du processus de normalisation de son bilan en s’engageant à le réduire progressivement de 10 milliards de dollars par mois (une répartition à 60/40 entre les emprunts d’État américains et les prêts hypothécaires). A partir de janvier 2018, la réduction mensuelle doublera pour atteindre 20 milliards de dollars américains. Les limites imposées par la Fed continueront d’augmenter tous les trois mois jusqu’à ce que le total des réductions mensuelles atteigne 50 milliards de dollars américains au quatrième trimestre 2018.
Les facteurs techniques évoluent. Après des années de demande d’emprunts d’État de la part des banques centrales, 2018 est la première année depuis très longtemps où le soutien technique aux emprunts d’État américains pourrait se faire moindre à mesure que les effets de l’offre nette se font sentir (voir le graphique).
Après des années de contraction de l’offre nette d’emprunts d’État des pays du G3 (déduction faite des achats des banques centrales dans le cadre du « QE »), la réduction progressive de la voilure des programmes de « QE » de la Fed et de la BCE va probablement se traduire en 2018 par un nombre plus élevé de vendeurs que d’acheteurs d’emprunts d’État des pays du G3. Les conséquences sont claires : les jours marqués par des rendements des emprunts d’État historiquement bas pourraient bien être comptés. Si l’assouplissement quantitatif a contribué à abaisser les rendements obligataires, le contraire pourrait également bien se produire.
Prendre garde à la qualité de crédit
La qualité des obligations « investment grade » s’est fortement détériorée ces dernières années. Cette détérioration a en partie été délibérée, les entreprises ayant estimé qu’accroître leur niveau d’endettement pouvait améliorer les performances de leurs actions. Mais, elle reflète aussi la dégradation plus générale des notations de crédit des banques et des institutions financières pendant et après la crise du crédit. En 2000, par exemple, le marché américain du crédit contenait un peu plus de 30 % d’obligations notées BBB (et le marché naissant de la zone euro un peu moins de 10 %). Cette proportion a considérablement augmenté depuis le début du millénaire, à tel point que les marchés mondiaux du crédit sont désormais exposés à près de 45 % aux émetteurs notés BBB et cette tendance est orientée à la hausse. Par conséquent, le marché mondial des obligations d’entreprises d’aujourd’hui présente un profil de crédit beaucoup plus risqué qu’il y a dix ans.
Cela est particulièrement important dans le contexte des niveaux actuels des spreads de crédit. En examinant isolément le spread global de l’univers mondial des obligations « investment grade », on pourrait être tenté de penser que, malgré la hausse des cours des obligations d’entreprises de ces dernières années, les valorisations ont tout simplement renoué avec leur moyenne à long terme. Cependant, dès lors que l’on tient compte de la détérioration de la qualité de crédit susmentionnée, la situation est moins rose. Elle laisse entendre que l’univers mondial du crédit est désormais cher plutôt qu’à sa juste valeur. Bien sûr, certaines des raisons qui ont entraîné cette situation sont valables : les achats d’obligations par la BCE, des taux de défaut encore bas et une demande continue d’actifs productifs de revenus.
Le haut rendement demeure un marché dominé par les émetteurs, les droits des détenteurs d’obligations s’étant à nouveau dégradés au cours de l’année. Selon Moody’ s, la proportion d’émissions dites « HY-lite » (ces obligations n’offrant pas de protection fondamentale aux investisseurs) n’a cessé d’augmenter depuis 2013 ; elle est ainsi passée de moins de 10 % à près d’un tiers de toutes les obligations émises sur le marché aujourd’hui.
Il y a peu de signes d’alarme immédiats dans la mesure où les entreprises continuent de bénéficier d’un environnement macroéconomique porteur, dans un monde caractérisé par une croissance mondiale synchronisée et des conditions financières favorables. Les entreprises vont pouvoir continuer de bénéficier de conditions de refinancement bon marché pendant un certain moment encore.
Néanmoins, à mon avis, la détérioration de la qualité de crédit et la moindre rémunération liée à la prise de risque ont fait des obligations d’entreprises (tant « investment grade » qu’à haut rendement) une classe d’actifs beaucoup moins attrayante en 2017 qu’au cours des années précédentes. Pour ces raisons, j’ai allégé mon exposition globale aux obligations d’entreprises cette année, même si, comme toujours, je vais surveiller de près le marché en 2018 en quête de meilleurs niveaux d’achat.
Marchés émergents : résistance et opportunités de valeur relative
Les craintes suscitées au début de l’année 2017 par le Président Trump concernant les marchés émergents se sont globalement apaisées – ses difficultés au plan national ont limité sa capacité à faire autant de choses sur la scène internationale qu’il ne l’avait initialement laissé entendre. Et, en l’occurrence, le sentiment à l’égard des marchés obligataires émergents a bien résisté en 2017. L’optimisme face à l’amélioration de la croissance économique mondiale (et à sa nature synchronisée) a joué un rôle en la matière, tout comme le raffermissement des tendances des prix des matières premières et les résultats meilleurs que prévu de la Chine.
En outre, certains risques ont commencé à être « exclus » des cours sur les marchés obligataires émergents au fur et à mesure que l’année progressait, comme notamment les risques politiques dans les pays développés et les scénarios catastrophes relatifs aux relations entre les États-Unis et la Chine (les États-Unis n’ont pas qualifié la Chine de manipulateur de devise ou ne se sont pas lancés dans une guerre commerciale).
Les fondamentaux et les valorisations des marchés émergents apparaissent toujours attractifs par rapport aux marchés développés. Par exemple, les taux de croissance dans de nombreuses économies émergentes dépassent ceux des pays développés, tandis que beaucoup d’entre elles affichent des ratios dette/PIB nettement inférieurs. Les rendements de la dette souveraine émergente en devise locale et en devise forte sont sensiblement supérieurs à ceux des emprunts d’État des pays développés.
Comme le montre le Graphique 5, les rendements réels élevés mettent en évidence l’attractivité de régions comme l’Amérique latine où l’inflation devrait baisser dans plusieurs grands pays, dont le Brésil et le Mexique. Toutefois, je reste préoccupé par l’ampleur de la dette de la Chine et, bien qu’un « atterrissage brutal » soit peu probable, nous pensons que le niveau peu élevé des spreads sur le marché obligataire du pays ne compense pas suffisamment les risques.
D’une manière plus générale, les implications de la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis méritent encore une attention particulière. Toutefois, pour de nombreuses économies émergentes, la hausse des taux outre-Atlantique est moins éprouvante qu’au cours des cycles précédents en raison de l’amélioration de leurs balances courantes et de la baisse du niveau global de leur endettement en dollar américain. Cela dit, le relèvement des taux d’intérêt aux États-Unis pourrait être préjudiciable pour certaines économies émergentes, en particulier celles qui sont les plus dépendantes des financements en dollar.
En l’absence d’une Fed « derrière la courbe » (en retard), je pense que les marchés de la dette émergente peuvent résister à un tour de vis monétaire américain lent et progressif. Leurs rendements réels élevés devraient contribuer à faire office d’amortisseur contre d’autres hausses aux États-Unis. L’amélioration des perspectives économiques mondiales a également des répercussions favorables sur la qualité de crédit des émetteurs obligataires émergents dans la mesure où l’évolution positive des notations de crédit sur les marchés émergents est généralement corrélée avec les taux de croissance.
L’INFLATION : TOUJOURS AUX ABONNÉES ABSENTES
L’absence d’inflation au sein de l’économie mondiale (à l’exception du Royaume-Uni pour des raisons propres au Brexit) en dépit de niveaux de chômage presque record dans une grande partie des pays développés demeure l’une des grandes énigmes du monde de l’après crise financière. La théorie économique classique veut qu’une pénurie de main-d’œuvre entraîne une hausse des salaires dans la mesure où les entreprises se disputent l’offre décroissante de travailleurs et qui, à son tour, conduit à une accélération de l’inflation. Mais, c’est précisément ce que l’on n’observe pas encore.Bien entendu, il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau, l’inflation mondiale ayant suivi une trajectoire baissière au cours des deux dernières décennies. De nombreuses théories ont été avancées pour expliquer cette tendance. Une économie mondiale de plus en plus ouverte a indubitablement eu un impact majeur ; la disponibilité de biens et services moins chers en provenance de Chine et d’autres pays émergents a contribué à maintenir les prix à la consommation à des niveaux plus bas. Un autre thème clé tourne autour des progrès technologiques et de l’intelligence artificielle. Outre le fait de faire baisser les coûts de production, l’automatisation accrue peut aussi réduire la demande de main-d’œuvre humaine et contribuer ainsi à faire baisser les salaires.L’essor de ce qu’il est convenu d’appeler la « gig economy » – la part du marché du travail constituée d’emplois à court terme ou temporaires – est une autre tendance importante qui a attiré beaucoup d’attention ces dernières années. Avec des heures de travail incertaines et des droits limités par rapport aux employés permanents, les travailleurs de la « gig economy » auront généralement très peu de pouvoir de négociation afin de demander des salaires plus élevés. Dans ce contexte, la perspective d’une spirale salaires-prix du même type que dans les années 70 – lorsque les travailleurs fortement syndiqués parvenaient à obtenir des accords salariaux toujours plus élevés – semble lointaine.
BREXIT : INCERTITUDE ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE
Si l’aspect politique entourant le Brexit n’a jamais figuré bien loin des gros titres des journaux en 2017, l’aspect économique a peut-être quant à lui été passé sous silence. Après le référendum, l’économie britannique a initialement surpris les économistes et le marché avec des statistiques de croissance et de consommation toujours vigoureuses jusqu’à la fin de l’année 2016.Cependant, les prévisions les plus récentes de l’Office for Budget Responsibility (OBR) sont de nature plus sinistre. Alors que jusqu’à présent l’OBR s’attendait à ce que la croissance atteigne un point bas en 2018 et s’accélère progressivement par la suite, les chiffres publiés en novembre 2017 tablent désormais sur une dégradation de la croissance durant chacune des cinq années de la période de prévisions et sur un point bas de la croissance atteint deux années plus tard, en 2020. Quoi qu’il en soit, l’époque des taux de croissance annuels de 2 % est révolue.
Les révisions à la baisse de la croissance proviennent en grande partie de la révision des prévisions de productivité de l’OBR. Après des années de surestimation de la croissance en présupposant que la productivité reviendrait aux taux de croissance tendanciels annuels d’environ 2 % d’avant la crise financière mondiale, cette hypothèse a désormais été réduite de moitié avec une croissance de la productivité maintenant attendue à près de 1 % (ce qui rajoute un montant cumulé de 91 milliards de livres sterling aux prévisions du solde net à financer du secteur public au cours des cinq prochaines années).
Toutefois, cet ajustement ne tient compte d’aucune hypothèse relative à l’accord final sur la sortie de l’UE du Royaume-Uni et, compte tenu de l’évolution démographique et de la réduction de la population active, il est tout à fait possible que ces révisions à la baisse de la productivité se révèlent encore trop optimistes. Si l’économie devait décevoir – ou si le Brexit devait commencer à faire ressentir son impact négatif – le Royaume-Uni pourrait ne pas avoir d’autre choix que d’assouplir sa politique d’austérité budgétaire, ce qui ne manquerait pas de refocaliser à nouveau toute l’attention sur la notation de crédit (actuellement de AA), le niveau d’endettement et la devise du pays.
Après plus d’un tiers de la période de négociation sur le Brexit, les deux parties ont finalement réussi à trouver tant bien que mal un accord sur la première phase des négociations – le règlement du « divorce ». Maintenant, tous les regards vont se tourner vers le statut de la future relation commerciale. Malgré un avenir encore incertain, une chose devient plus claire : les perspectives fondamentales de l’économie britannique ne sont pas des plus prometteuses.
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